Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 mai 2016 enregistrée sous le n° 16NC00801, le préfet de la Côte-d'Or, représenté par la Selarl C...et associés, prise en la personne de Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1600948 du 8 avril 2016 du tribunal administratif de Nancy ;
2°) de rejeter la demande de M. B...;
Le préfet de la Côte-d'Or soutient que :
- il n'a commis aucune erreur de droit en se fondant, pour refuser un titre de séjour à M.B..., sur la menace que constitue pour l'ordre public son comportement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 août 2016, M.B..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à verser à la SCP D... -Gourinat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens invoqués par le préfet ne sont pas fondés et que son comportement ne menace pas l'ordre public.
M. A...B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 novembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Rees, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...B..., ressortissant algérien né le 8 janvier 1996, est entré régulièrement en France le 16 avril 2009 dans le cadre du regroupement familial afin d'y rejoindre ses grands-parents. Le 11 avril 2014, majeur depuis peu, il a sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Cette demande a été réitérée pour son compte le 30 mai 2014 par le responsable d'unité éducative du service territorial éducatif de milieu ouvert et d'insertion de la direction territoriale de la Côte-d'Or de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse. Par un arrêté du 29 octobre 2015, le préfet de la Côte-d'Or a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit.
2. Le 25 novembre 2015, M. B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler cet arrêté. Suite à son placement en rétention administrative à Metz le 5 avril 2016, sa requête a été transmise par ordonnance au tribunal administratif de Nancy.
3. Le préfet de la Côte-d'Or relève appel du jugement du 8 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Nancy a annulé ses décisions faisant obligation à M. B...de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant le pays de destination en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
4. Le tribunal administratif de Nancy a annulé les décisions litigieuses en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour sur laquelle elles reposent. Le tribunal a estimé que cette illégalité résultait de ce que le préfet de la Côte-d'Or, en considérant que M. B...ne remplissait pas les conditions prévues par le 2° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public au sens de l'article L. 313-3 du même code, avait commis une erreur de droit en se fondant exclusivement sur les dispositions de ce code et non sur l'accord franco- algérien.
5. Les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales ". En ce qui concerne les ressortissants algériens, les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles ils peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France.
6. Toutefois, si l'accord franco-algérien ne subordonne pas la délivrance d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien à la condition que l'intéressé ne constitue pas une menace pour l'ordre public, il ne prive pas l'administration française du pouvoir qui lui appartient, en application de la réglementation générale relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, de refuser l'admission au séjour en se fondant sur des motifs tenant à l'ordre public.
7. Par conséquent, si le préfet de la Côte-d'Or a commis une erreur de droit en examinant la demande de titre de séjour de M. B...au regard des dispositions du 2° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 313-3 du même code, il a néanmoins pu légalement fonder son refus sur le motif tiré de la menace à l'ordre public.
8. Dès lors, le préfet de la Côte-d'Or est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour accueillir l'exception d'illégalité soulevée par M. B...et annuler par voie de conséquence ses décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination, le tribunal administratif de Nancy a estimé qu'il avait commis une erreur de droit en se fondant sur ce motif.
9. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...tant devant le tribunal administratif de Strasbourg que devant la cour en appel.
Sur les autres moyens soulevés par M.B... :
10. M.B..., dans le cadre de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour qu'il invoque, soutient que le préfet a commis une erreur d'appréciation en considérant que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.
11. Il ressort des pièces du dossier que M. B...a fait l'objet de deux condamnations. Le 1er octobre 2013, le tribunal pour enfants de Dijon lui a infligé une peine de 2 mois d'emprisonnement assortie d'un sursis et d'une mise à l'épreuve de 18 mois pour des faits de " violence sur ascendant ayant entraîné une interruption temporaire de travail n'excédant pas 8 jours ", commis le 18 janvier 2012 à Beaune. Le 10 octobre 2014, le tribunal correctionnel de Dijon lui a infligé une amende de 250 euros pour des faits " d'usage illicite de stupéfiants ", commis entre le 20 janvier 2014 et le 30 janvier 2014. Le préfet indique, en outre, que M. B..." était connu défavorablement des forces de l'ordre " pour des faits de vol à l'étalage commis les 25 février, 14 et 21 août 2012, ainsi que de vol en réunion commis le 6 février 2013. Il est toutefois constant que ces faits n'ont donné lieu à aucune condamnation, mais M. B...n'en conteste pas la réalité et choisit plutôt de les expliquer.
12. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'exception de l'usage illicite de stupéfiants pendant une très courte période, M. B...était mineur à l'époque de tous les autres faits. En outre, les seuls faits d'atteinte aux personnes relevés à son encontre ont été commis à l'occasion d'une dispute avec son grand-père en janvier 2012, dans un contexte familial dont le préfet ne conteste pas le caractère difficile. Il n'est pas non plus contesté qu'encore mineur, après cette dispute, M. B...a traversé une période d'errance où il était livré à lui-même. Par ailleurs, il ressort notamment du courrier du responsable d'unité éducative du 30 mai 2014 mentionné au point 1 qu'à cette époque, où M.B..., jeune majeur, a entrepris de régulariser sa situation et nourrissait un réel projet de formation et d'insertion. Il est constant qu'il ne s'est plus, par la suite et jusqu'à l'arrêté attaqué, signalé par un comportement répréhensible.
13. Il ressort ainsi des pièces du dossier que les faits relevés à l'encontre de M.B..., s'ils ne sont pas anodins, ne peuvent pas, compte tenu de son jeune âge et de sa situation lors de leur commission, ainsi que des projets dans lesquels il s'est engagé pour son avenir, être regardés comme présentant une gravité telle qu'ils font obstacle à son admission au séjour.
14. Dans ces conditions, M. B...est fondé à soutenir que le préfet a commis une erreur d'appréciation en estimant qu'il constituait une menace pour l'ordre public à la date des décisions contestées. Par voie de conséquence, M. B...est fondé à demander l'annulation des décisions du préfet du 29 octobre 2015 portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination.
15. En conclusion de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens présentés par M. B..., le préfet de la Côte-d'Or n'est pas fondé à se plaindre ce que le tribunal administratif a annulé ses décisions du 29 octobre 2015 obligeant l'intéressé à quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
16. M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me D...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à son profit de la somme de 1 500 euros.
Par ces motifs,
D E C I D E :
Article 1er : La requête du préfet de la Côte d'Or est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à MeD..., sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle, une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...B....
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
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N° 16NC00801