Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 mars 2018, MmeC..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral contesté et la décision d'enregistrement sur le fichier Schengen ;
3°) d'enjoindre à l'administration de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente de l'instruction de son dossier, une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à Me B...d'une somme de 1 800 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée en ce qu'elle ne fait pas état d'une demande d'autorisation provisoire de séjour et de protection pour sortir de la prostitution et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- elle est entachée d'erreur quant à la réalité des assertions de Mme C...relative à son activité de prostituée et à la volonté d'en sortir, concrétisée par le dépôt d'un dossier d'aide auprès de la préfecture et par la saisine de la commission départementale compétente même si celle-ci ne s'était pas prononcée à la date de la décision contestée ;
- c'est à tort que le préfet n'a pas fait usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation compte tenu de la situation particulière de l'intéressée ;
- lors de son interpellation, l'appelante n'a pas été suffisamment informée des droits ouverts par les articles R. 316-1 et 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que les services de police disposaient d'éléments montrant que la requérante était victime d'infractions relevant de ces articles ; en en lui laissant pas le délai de réflexion prévu par ces textes pour lui permettre de témoigner ou de porter plainte, le préfet a entaché son arrêté d'illégalité ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur de droit alors que la requérante avait saisi la préfecture d'une demande d'autorisation provisoire de 6 mois en application de l'article L. 316-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'elle n'était pas responsable du report de la séance de la commission ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation, compte tenu du contexte et des conséquences d'une exceptionnelle gravité d'un éloignement qui remet en cause les efforts d'insertion de la requérante et alors que le préfet n'était pas tenu de prendre une obligation de quitter le territoire français ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle n'est pas suffisamment motivée ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'interdiction de retour est illégale par voie de conséquence de l'illégalité des deux décisions précédentes ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur de fait, de droit et d'appréciation.
Par une ordonnance du 11 décembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 14 janvier 2019.
La requérante a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Stefanski, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., de nationalité nigériane, est entrée irrégulièrement en France, selon ses déclarations, en février 2010. Sa demande d'asile a été rejetée par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides des 30 novembre 2012 et 13 décembre 2016, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 24 avril 2017. A la suite d'un contrôle routier effectué par la gendarmerie de Ligny-en-Barrois, le 29 novembre 2017, Mme C... a fait l'objet d'un arrêté du 30 novembre 2017 par lequel le préfet de la Meuse l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Mme C...forme appel du jugement du 16 janvier 2018 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nancy a rejeté son recours pour excès de pouvoir dirigé contre cet arrêté.
2. Mme C...soulève dans sa requête des moyens respectivement tirés de ce que l'arrêté contesté est entaché d'incompétence, de ce que l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation, de ce que l'interdiction de retour est insuffisamment motivée et entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Ces moyens, qui ne sont pas assortis de précisions nouvelles, ont été à bon droit écartés par le tribunal administratif dont il y a lieu d'adopter les motifs sur ces points.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, l'obligation de quitter le territoire français fait état des circonstances de fait précises relatives à la situation de Mme C...notamment de ce qu'elle alléguait s'être prostituée depuis son arrivée en France, souhaitait sortir de cette situation et bénéficier du droit au séjour prévu dans un tel cas, mais qu'aucun élément ne confirmait ces allégations. Par suite, alors même qu'il n'a pas tenu pour établies les affirmations de l'intéressée, le préfet n'a pas commis d'erreur de fait, Mme C...n'ayant pas produit d'éléments probants à l'appui de ses déclarations.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée à l'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre les infractions visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions.(...) ".
5. Aux termes de l'article R. 316-1 du même code : " Le service de police ou de gendarmerie qui dispose d'éléments permettant de considérer qu'un étranger, victime d'une des infractions constitutives de la traite des êtres humains ou du proxénétisme prévues et réprimées par les articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal, est susceptible de porter plainte contre les auteurs de cette infraction ou de témoigner dans une procédure pénale contre une personne poursuivie pour une infraction identique (...) informe également l'étranger qu'il peut bénéficier d'un délai de réflexion de trente jours, dans les conditions prévues à l'article R. 316-2 du présent code, pour choisir de bénéficier ou non de la possibilité d'admission au séjour mentionnée au deuxième alinéa.(...) ".
6. Mme C...fait valoir que lors de son interpellation par la gendarmerie, elle n'a pas été suffisamment informée des droits ouverts par les articles R. 316-1 et 2 et notamment de la possibilité de bénéficier d'un délai de réflexion de six mois au cours duquel le préfet de la Meuse ne pouvait prendre une obligation de quitter le territoire français à son encontre.
7. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal d'audition de Mme C...par la gendarmerie, que l'appelante n'a fait état d'aucun élément qui aurait permis aux services de la gendarmerie de considérer qu'elle était à cette date victime d'infraction constitutive de la traite des êtres humains ou de proxénétisme, ou qu'elle était susceptible de porter plainte contre des auteurs de ce type d'infraction ou de témoigner dans une procédure pénale. Dans ces conditions, le moyen tiré de la nécessité de lui laisser un délai de réflexion de trente jours ne peut être accueilli.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 316-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Une autorisation provisoire de séjour d'une durée minimale de six mois peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger victime des infractions prévues aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal qui, ayant cessé l'activité de prostitution, est engagé dans le parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle mentionné à l'article L. 121-9 du code de l'action sociale et des familles. (...) ".
9. Aux termes de l'article R. 316-5-1 du même code : " Pour l'application de l'article L. 316-1-1, l'étranger doit présenter à l'appui de sa demande, outre les pièces mentionnées aux articles R. 311-2-2 et R. 311-31, les pièces suivantes : 1° Un justificatif de domicile ; 2° Les justificatifs permettant d'apprécier qu'il a cessé l'activité de prostitution ; 3°Les pièces justifiant qu'il a été autorisé à s'engager dans le parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle conformément à l'article L. 121-9 du code de l'action sociale et des familles. ".
10. Aux termes de l'article L. 121-9 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction alors en vigueur : " I.-Dans chaque département, l'Etat assure la protection des personnes victimes de la prostitution, du proxénétisme ou de la traite des êtres humains et leur fournit l'assistance dont elles ont besoin, notamment en leur procurant un placement dans un des établissements mentionnés à l'article L. 345-1. / Une instance chargée d'organiser et de coordonner l'action en faveur des victimes de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains est créée dans chaque département. (...) / II.-Un parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle est proposé à toute personne victime de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains aux fins d'exploitation sexuelle. (...) / II. La personne engagée dans le parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle peut se voir délivrer l'autorisation provisoire de séjour mentionnée à l'article L. 316-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. (...) ".
11. Mme C...soutient qu'elle était engagée dans un parcours de sortie de la prostitution et qu'elle pouvait bénéficier d'une autorisation provisoire de séjour sur le fondement des articles rappelés ci-dessus, ce qui rendait illégale l'obligation de quitter le territoire français contestée.
12. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme C...ne justifie pas avoir cessé son activité de prostitution dès lors qu'elle indique, dans les procès-verbaux versés au dossier, y avoir encore recours en cas de besoins financiers. De plus, si elle avait pris contact avec une association chargée d'accompagner les personnes désirant sortir de la prostitution, elle n'a signé un dossier à soumettre à l'association départementale que le 30 novembre 2017, lendemain de son interpellation et date de l'arrêté préfectoral contesté. Ainsi, à la date de cet arrêté, elle ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer une autorisation provisoire de séjour et ne peut utilement invoquer une méconnaissance des articles précités.
13. En quatrième lieu, il résulte de ce qui est dit ci-dessus que le moyen tiré de ce que le préfet a manqué à l'obligation de protection des personnes victimes de la traite des êtres humains manque en fait.
14. En cinquième lieu, si Mme C...soutient qu'elle a fait des efforts d'insertion, elle n'apporte pas d'éléments probants à l'appui de ses allégations, dès lors qu'elle n'avait pas encore entamé une procédure de sortie de prostitution, qu'elle résidait en France depuis de nombreuses années en situation irrégulière sans avoir jamais demandé de titre de séjour, ne parlait pas le français et n'alléguait pas avoir des attaches sur le territoire national. Par suite, le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de son obligation de quitter le territoire français sur la situation de MmeC....
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
15. En premier lieu, le préfet, après avoir rappelé le pays d'origine de Mme C..., le rejet de ses demandes par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, a décidé que l'intéressée devrait quitter le territoire pour rejoindre le pays dont elle a la nationalité ou un autre pays où elle serait légalement admissible. Il a ainsi suffisamment motivé la décision fixant le pays de destination, alors que Mme C...n'avait jamais allégué qu'elle pourrait être en danger en cas de retour dans son pays d'origine.
16. Il résulte de ce qui est dit ci-dessus que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination doit être annulée en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ne peut être accueilli.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
17. En premier lieu, il résulte de ce qui est dit ci-dessus que le moyen tiré de ce que l'interdiction de retour doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination ne peut être accueilli.
18. En deuxième lieu, le préfet a explicitement fondé l'interdiction de séjour sur les dispositions applicables de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, contrairement à ce que soutient MmeC..., n'a pas commis d'erreur de fait en s'appuyant sur les déclarations de l'intéressée pour prendre une telle décision.
19. Il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et à fin d'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1 : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Meuse.
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N° 18NC00919