Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 octobre 2018, M. C...B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1800898 du 24 avril 2018 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai de 15 jours suivant la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros à verser à son avocate au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. B...soutient que :
- en refusant de renouveler son titre de séjour alors qu'il a été victime de violences psychologiques de la part de son épouse, le préfet a méconnu les articles L. 313-11-4° et L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de séjour a été pris en méconnaissance des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de droit, dès lors qu'il peut bénéficier de plein droit d'un titre de séjour en application des articles L. 313-11-4° et L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2018, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 11 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le gouvernement de la République français et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Rees, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C...B..., ressortissant marocain né en 1978, est entré régulièrement en France le 11 novembre 2016 sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de long séjour délivré en qualité de conjoint de Français, après avoir épousé, le 30 juin 2016, une ressortissante française. Les 19 septembre et 19 octobre 2017, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour, puis un changement de statut afin d'obtenir un titre de séjour en qualité de salarié. Par un arrêté du 6 décembre 2017, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai.
2. M. B...relève appel du jugement du 24 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
En ce qui concerne le refus de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) ". Selon l'article L. 313-12 du même code : " Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé (...). Toutefois, lorsque l'étranger a subi des violences familiales ou conjugales et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et en accorde le renouvellement. (...) ".
4. Il est constant qu'à la date de l'arrêté attaqué, la communauté de vie entre M. B... et son épouse était rompue. Si le requérant soutient que cette rupture fait suite aux violences psychologiques infligées par son épouse, il ne produit aucun élément de nature à établir la réalité de ces violences. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu les dispositions précitées ne peut qu'être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord ". L'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " (...) ".
6. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, ni les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni celles de son article L. 313-14, qui n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, notamment au titre d'une activité salariée, ne sont applicables au ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une activité salariée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté comme inopérant.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, M. B...résidait depuis un an seulement en France, où il ne se prévaut d'aucune attache personnelle ou familiale. En outre, il n'établit pas être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 38 ans. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a refusé de l'admettre au séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
9. En quatrième lieu, pour les raisons indiquées au point précédent, l'erreur manifeste d'appréciation alléguée n'est pas établie.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour.
11. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 4, le requérant ne peut pas bénéficier de plein droit d'un titre de séjour en application des articles L. 313-11-4° et L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, ces dispositions ne faisaient pas obstacle à ce que le préfet l'oblige à quitter le territoire français.
12. En troisième lieu, pour les mêmes raisons que celles indiquées aux points 8 et 9, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
13. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.
14. En conclusion de tout ce qui précède, M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, d'astreinte et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C...B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
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N° 18NC02692
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