Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 avril 2016 et un mémoire enregistré le 24 août 2016, M.C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1401397 du 25 février 2016 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler la décision du 20 janvier 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. C...soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il a été rendu au vu de pièces qui ne lui ont pas été communiquées dans le cadre de la première instance ;
- les dispositions de l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime ont été méconnues en l'absence de mention des références cadastrales des terres ayant fait l'objet du refus litigieux ;
- la décision est illégale par voie d'exception de l'illégalité de l'arrêté ministériel du 18 septembre 1985 et de l'article 8 du schéma départemental d'orientation des structures agricoles du Bas-Rhin ;
- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 août 2016, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt conclut au rejet de la requête.
Par une ordonnance du 24 août 2016, l'instruction a été close au 22 septembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- l'arrêté ministériel du 18 septembre 1985 modifié fixant les coefficients d'équivalence pour les productions hors-sol ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Richard, premier conseiller,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., pour M.C....
Considérant ce qui suit :
1. M. A...C..., exploitant agricole à titre secondaire dans la commune d'Ohlungen, a souhaité reprendre l'exploitation familiale des terres dont il est propriétaire. Il a sollicité une autorisation d'exploiter la surface de 12 ha 85 pour son élevage d'ovins dès lors qu'il n'était pas titulaire de la capacité professionnelle. Dans sa séance du 23 septembre 2013, la commission départementale d'orientation de l'agriculture a émis un avis favorable à la reprise, à l'exception d'une surface de 1 ha 01 exploitée par le preneur en place, l'EARL Weber. Par une première décision du 30 septembre 2013, le préfet du Bas-Rhin s'est approprié cet avis. A la suite du recours gracieux formé par l'intéressé, le préfet a, par un arrêté du 20 janvier 2014, retiré cette décision compte-tenu de sa motivation insuffisante et lui a substitué une nouvelle décision de même portée. M. C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2014 en tant qu'il lui refuse l'autorisation d'exploiter sollicitée pour la surface de 1 ha 01 susmentionnée. Le requérant relève appel du jugement du 25 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 janvier 2014.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. M. C...soutient que dans les motifs du jugement, les premiers juges ont retenu que " le préfet a tenu compte de la démarche de conversion à l'agriculture biologique de l'EARL Weber, non sérieusement contestée par le requérant et étayée par les pièces produites à l'instance (... ) " et que ce faisant, le tribunal a statué au vu de pièces qui ne lui ont pas été communiquées dès lors qu'un seul document avait été produit en vue de prouver la conversion de l'EARL Weber à l'agriculture biologique.
3. Il résulte toutefois des pièces produites en première instance que la démarche de conversion à l'agriculture biologique était visée par l'attestation du bureau Veritas ainsi que dans le procès-verbal de la séance de la commission départementale d'orientation de l'agriculture du 23 septembre 2013. Il ne ressort pas de ce procès-verbal que la commission départementale d'orientation de l'agriculture se soit uniquement fondée sur l'attestation précitée pour évoquer la démarche de conversion de l'EARL Weber. Il ne ressort, en tout état de cause, pas des pièces du dossier de première instance que le tribunal se soit fondé sur une pièce qui n'aurait pas été communiquée à M.C.... L'appelant n'est donc pas fondé à soutenir que le jugement est entaché d'une irrégularité pour ne pas avoir respecté le principe du contradictoire.
Sur la légalité du refus d'autorisation d'exploiter :
4. En premier lieu, M. C...reprend en appel le moyen qu'il avait invoqué en première instance et tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime en l'absence d'indication des références cadastrales des surfaces pour lesquelles l'autorisation lui a été refusée. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Strasbourg.
5. En deuxième lieu, M. C...soutient que le refus litigieux est entaché d'une erreur d'appréciation et invoque par voie d'exception l'illégalité de l'arrêté du 18 septembre 1985 et de l'article 8 du schéma départemental d'orientation des structures agricoles du Bas-Rhin.
6. Le préfet du Bas-Rhin a délivré à M. C...l'autorisation d'exploiter qu'il sollicitait mais a estimé qu'au regard de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime et des orientations du schéma départemental d'orientation des structures agricoles du Bas-Rhin, il pouvait refuser de faire droit à la demande en tant qu'elle portait sur la surface de 1 ha 01 exploitée par l'EARL Weber, preneur en place, compte tenu des situations respectives des deux structures.
7. D'une part, aux termes de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime dans sa version applicable à la date de l'arrêté litigieux : " L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande ; 2° S'assurer, en cas d'agrandissement ou de réunion d'exploitations, que toutes les possibilités d'installation sur une exploitation viable ont été considérées ; 3° Prendre en compte les biens corporels ou incorporels attachés au fonds dont disposent déjà le ou les demandeurs ainsi que ceux attachés aux biens objets de la demande en appréciant les conséquences économiques de la reprise envisagée ; 4° Prendre en compte la situation personnelle du ou des demandeurs, notamment en ce qui concerne l'âge et la situation familiale ou professionnelle et, le cas échéant, celle du preneur en place ; 5° Prendre en compte la participation du demandeur ou, lorsque le demandeur est une personne morale, de ses associés à l'exploitation directe des biens objets de la demande dans les conditions prévues à l'article L. 411-59 ; 6° Tenir compte du nombre d'emplois non salariés et salariés permanents ou saisonniers sur les exploitations concernées ; 7° Prendre en compte la structure parcellaire des exploitations concernées, soit par rapport au siège de l'exploitation, soit pour éviter que des mutations en jouissance ne remettent en cause des aménagements réalisés à l'aide de fonds publics ; 8° Prendre en compte la poursuite d'une activité agricole bénéficiant de la certification du mode de production biologique ; 9° Tenir compte de l'intérêt environnemental de l'opération/ L'autorisation peut n'être délivrée que pour une partie de la demande, notamment si certaines des parcelles sur lesquelles elle porte font l'objet d'autres candidatures prioritaires. Elle peut également être conditionnelle ou temporaire ".
8. D'autre part, le schéma directeur départemental des structures agricoles du Bas-Rhin Marne établi par l'arrêté préfectoral du 7 mars 2008 dispose que les orientations de la politique d'aménagement des structures d'exploitation dans le département du Bas-Rhin consistent à maintenir des agriculteurs sur des structures viables par l'installation et la confortation des exploitations d'avenir.
9. Il résulte des dispositions de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime précité, en vigueur à la date de la décision contestée, que, même en l'absence, comme en l'espèce, de présentation d'une demande concurrente, l'autorité administrative, chargée d'instruire une demande d'autorisation d'exploiter des parcelles agricoles, peut ne pas délivrer une telle autorisation à un agriculteur compte-tenu de sa situation personnelle par rapport à celle du preneur en place. Il appartient au préfet de préciser en quoi la situation du demandeur justifie l'octroi ou le refus de l'autorisation, au regard tant des critères mentionnés à l'article L. 331-3 précité que des orientations définies dans le schéma directeur départemental des structures agricoles. Les éléments de nature à justifier l'octroi ou le refus d'une autorisation d'exploiter doivent être appréciés à la date à laquelle la décision préfectorale intervient.
10. M. C...soutient que c'est à tort que le préfet du Bas-Rhin a estimé que son projet ne lui permettait pas d'atteindre la surface minimale d'installation de 25 hectares, dès lors que l'absence de prise en compte d'un coefficient de pondération pour les élevages d'ovins hors sol est entachée d'illégalité et que le préfet a entaché son arrêté d'une erreur d'appréciation en lui refusant l'autorisation d'exploiter litigieuse sur ce fondement.
11. Il ressort des termes de l'arrêté litigieux que le préfet du Bas-Rhin ne s'est pas fondé sur l'article 8 du schéma départemental d'orientation des structures agricoles pour refuser l'autorisation litigieuse mais sur un ensemble de motifs par lesquels il a procédé à la comparaison de la situation de M. C...et du preneur en place, l'EARL Weber.
12. Il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de la commission départementale d'orientation de l'agriculture du 23 septembre 2013 et de l'attestation du 18 mai 2012 produite en première instance par le préfet du Bas-Rhin, que l'EARL Weber a entamé un processus de conversion de ses cultures en mode de production biologique pour laquelle cette entreprise a effectué des investissements spécifiques, qu'elle se trouve dans une situation économique fragile compte tenu notamment de ce que la surface exploitée reste limitée à 23,30 hectares.
13. Il ressort également des pièces du dossier que le projet de M. C...portant régularisation de l'exploitation irrégulière avant la demande de 11,53 hectares et sur une surface supplémentaire de 1,01 hectare exploitée par l'EARL Weber, correspond à une activité complémentaire pour le requérant, qui était ouvrier à la date de l'arrêté contesté, alors qu'il s'agit de l'activité principale du preneur en place.
14. Il ressort enfin des pièces du dossier qu'à supposer même que la non prise en compte de l'élevage de brebis hors sol de M. C...dans le calcul de la surface minimale exploitée par ce dernier ait été entachée d'illégalité, le préfet du Bas-Rhin, s'il ne s'était fondé que sur les motifs énoncés aux points 12 et 13, aurait également refusé à M. C...l'autorisation d'exploiter la surface de 1 ha 01 exploitée par l'EARL Weber sans entacher son arrêté d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime et des orientations du schéma départemental d'orientation des structures agricoles du Bas-Rhin applicables.
15. En conclusion de tout ce qui précède, M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 20 janvier 2014.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. C...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
Par ces motifs,
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin
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N° 16NC00720