2°) d'annuler l'arrêté précité du 20 novembre 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour " salarié " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ainsi que, dans l'attente, un récépissé l'autorisant à travailler dans un délai de cinq jours à compter de cette notification, ou, subsidiairement, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de cinq jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à renouveler dans l'attente du réexamen de son droit au séjour, lequel devra intervenir dans un délai de deux mois suivant cette notification ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son état civil guinéen doit être regardé comme établi et la fraude alléguée par le préfet doit, par suite, être écartée ;
- il doit, par conséquent, être regardé comme remplissant les conditions d'obtention d'une carte de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard de son âge de prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance, de sa formation suivie en apprentissage, du sérieux qu'il manifeste dans ce parcours, attesté par ses formateurs et son employeur et, enfin, de ses efforts d'intégration et les liens sociaux qu'il a su nouer ;
- le préfet a entaché sa décision d'un défaut d'examen particulier et approfondi de sa situation, en considérant notamment qu'il n'établissait pas avoir rompu tout lien avec sa famille dans son pays d'origine ;
- dans l'éventualité d'une fraude documentaire, celle-ci ne fait pas obstacle à son admission au séjour ;
- la décision de refus au visa de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est irrégulière dès lors que le refus lui a été opposé exclusivement en raison de l'absence de visa.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2019, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 avril 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Stenger.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... B..., né le 19 novembre 2000 à Koumbia Gaoual, ressortissant de nationalité guinéenne, est entré de manière irrégulière en France et a été confié par ordonnance de placement provisoire du 21 décembre 2016 au service de l'aide sociale à l'enfance du conseil départemental des Bouches-du-Rhône. Le 17 janvier 2017, M. B... a été accueilli au centre éducatif et professionnel des Chenevières à Vereux. L'intéressé a ensuite conclu un contrat d'apprentissage le 5 décembre 2017 avec la Sarl Zilan dans le cadre d'un CAP Boulanger. Par un courrier du 12 octobre 2017, le directeur du centre éducatif et professionnel " Les Chenevières " a adressé au préfet du Doubs un dossier en vue de la délivrance d'un titre de séjour au bénéfice de M. B.... Par un arrêté du 20 novembre 2018, le préfet du Doubs a refusé de délivrer à l'intéressé un titre de séjour l'autorisant à travailler. M. B... relève appel du jugement du 14 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 20 novembre 2018.
Sur les conclusions à fin d'annulation du refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé " .
3. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". En vertu de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet. Dans le délai prévu à l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration, l'autorité administrative informe par tout moyen l'intéressé de l'engagement de ces vérifications ".
4. Il résulte des dispositions de l'article 47 du code civil que, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger et pour écarter la présomption d'authenticité dont bénéficie un tel acte, l'autorité administrative procède aux vérifications utiles. Si l'article 47 du code civil pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays, il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve, par tout moyen, du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. En revanche, l'autorité administrative n'est pas tenue de solliciter nécessairement et systématiquement les autorités d'un autre État afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont elle dispose sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié.
5. Il est constant que le préfet du Doubs n'a pas procédé auprès des autorités guinéennes, dans les conditions prévues par les dispositions précitées du code civil et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux vérifications des documents d'état civil produits par M. B... constitués à la date de la décision attaquée d'une part, d'un jugement supplétif d'acte de naissance n° 120 établi le 5 avril 2017 par la cour d'appel de Conakry qui l'identifie au nom de Moussa B..., né le 19 novembre 2000 à Koumbia Gaoual et d'autre part, d'une carte d'identité consulaire délivrée le 18 juillet 2017 par l'ambassade de la République de Guinée à Paris, indiquant qu'il est né le 19 novembre 2000 à Gaoual. Ces documents ne contenaient aucune mention permettant de les regarder comme étant manifestement frauduleux, nonobstant les omissions et erreurs matérielles relevées sur les différents volets de la carte consulaire, le jugement supplétif précité et l'acte de transcription, qui ne sont pas de nature à révéler par elles-mêmes le caractère apocryphe de ces actes, comme l'a d'ailleurs retenu le Procureur de la République près la Cour d'appel de Besançon, dans un avis de classement à auteur du 3 octobre 2019, suite à la saisine du préfet du Doubs en application de l'article 40 du code de procédure pénale. En outre, M. B... produit le jugement du juge pour enfants A... D... du 30 décembre 2016 dans lequel il a été relevé qu'" il résulte du rapport d'évaluation du département de l'Ardèche que B... Moussa qui n'est en possession d'aucun document est un mineur ". Par suite, eu égard à l'ensemble de ces éléments, le préfet du Doubs, en s'estimant dispensé de l'obligation de saisir les autorités guinéennes pour vérifier l'authenticité de ces documents, a entaché sa décision de refus de séjour d'une erreur de droit alors même qu'il a saisi la section consulaire de l'ambassade de France en Guinée et en Sierra Leone, laquelle a précisé, dans un courriel du 23 octobre 2018, que le jugement supplétif n° 120 du 5 avril 2017 tenant lieu d'acte de naissance fourni par l'intéressé et sa transcription du 23 mai 2017 sont apocryphes. Par conséquent, il y a lieu d'annuler pour erreur de droit la décision de refus de séjour, ainsi que par voie de conséquence les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixation du pays de renvoi.
6. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 novembre 2018 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays de renvoi.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. L'annulation pour erreur de droit prononcée ci-dessus du refus de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'implique pas, eu égard aux autres conditions posées par cet article, la délivrance, à la date à laquelle la cour statue, d'un tel titre. Il y a lieu, dans ces conditions, d'enjoindre seulement au préfet du Doubs de réexaminer la situation de M. B... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et les dépens :
8. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans la présente instance. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Bertin avocat de M. B... A... la somme de 1 500 euros au titre du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
D E C I D E :
Article 1 : Le jugement n° 1802208 du 14 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 novembre 2018 du préfet du Doubs portant refus de séjour, obligation de quitter sans délai le territoire français et fixant le pays de destination est annulé.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs, de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour de M. B... présentée sur le fondement de l'article sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera au conseil de M. B... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus de la requête de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet du Doubs.
N° 19NC01705 2