Par un jugement n° 1823872 du 15 juillet 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 septembre 2020, M. A... B..., représenté par Me Maetz, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 juillet 2020 ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros.
M. B... soutient que :
- il n'est pas établi que le sens des conclusions du rapporteur public ait été mis en ligne dans un délai raisonnable avant l'audience, conformément aux exigences des dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en jugeant que le principe d'égalité ne s'applique pas aux ouvriers d'Etat, motif pris qu'en tant qu'agents contractuels ils n'appartiennent à aucun cadre d'emploi ; l'octroi d'un salaire moindre aux ouvriers de l'Etat classés dans un même groupe en raison de leur seul rattachement au ministère des armées révèle une différence de traitement qui n'est fondée sur aucune différence de situation au regard de l'exercice de leurs fonctions ; le montant du salaire des ouvriers de l'Etat ne dépend pas de leur entité de rattachement mais uniquement du groupe dans lequel ils se trouvent classés, conformément à l'article 2 du décret du 30 décembre 2016 ;
- les premiers juges ont méconnu le principe de non-discrimination qui exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, sauf si un tel traitement est objectivement justifié ; la seule qualité de contractuel ne permet pas d'apprécier l'existence d'une différence de situation ;
- concernant la prime de technicité, il se trouve dans la même situation que les ouvriers du groupe V des ouvriers de l'Etat qui exercent leur activité au sein de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) ou de l'établissement public Météo-France et est donc victime d'une différence de traitement tant pour la part fixe que pour la part variable.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 2016-1995 du 30 décembre 2016 relatif à la rémunération des personnels à statut ouvrier relevant du ministère de la défense ;
- le décret n° 2011-1171 du 23 septembre 2011 relatif à la rémunération des ouvriers de l'Etat relevant de la direction générale de l'aviation civile et de l'établissement public Météo-France ;
- l'arrêté du 23 septembre 2011 portant application du décret n°2011-1171 du 23 septembre 2011 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Stenger,
- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M B..., ouvrier de l'Etat, exerce le métier de mécanicien monteur spécialité mécanique au sein du ministère des armées depuis le 3 janvier 1994. Il a été affecté au centre mobilisateur n°64 à Saint Avold. Par une lettre du 26 mars 2018, il a demandé à son employeur la régularisation du montant des salaires perçus depuis 2011 en application de l'article 3 de l'arrêté du 23 septembre 2011 portant application du décret n°2011-11714 du 23 septembre 2011. Cette décision a été implicitement rejetée par la ministre des armées. Le requérant relève appel du jugement n°1823872 du 15 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision implicite et à ce qu'il soit enjoint à la ministre des armées d'une part, d'aligner le barème de salaires applicable aux ouvriers de l'Etat relevant du ministère des armées sur celui des ouvriers de l'Etat du ministère de l'équipement, des transports et du logement et de régulariser le montant de son traitement depuis 2011 afin de rétablir l'égalité de traitement de tous les ouvriers de l'Etat et d'autre part, de lui verser la prime de technicité depuis 2011.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne ".
3. La communication aux parties du sens des conclusions, prévue par ces dispositions, a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public. Par ailleurs, il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l'appréciation qu'il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu'appelle, selon lui, le litige, et notamment d'indiquer, lorsqu'il propose le rejet de la requête, s'il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, et, de mentionner, lorsqu'il conclut à l'annulation d'une décision, les moyens qu'il propose d'accueillir. La communication de ces informations n'est toutefois pas prescrite à peine d'irrégularité de la décision. Dans les deux cas, le rapporteur public qui, après avoir communiqué le sens de ses conclusions, envisage de modifier sa position doit, à peine d'irrégularité de la décision, mettre les parties à même de connaître ce changement.
4. Il ressort des pièces du dossier que par une lettre du 26 juin 2020, adressée à la SELARL Léonem à Strasbourg, le greffe du tribunal administratif de Nancy a expressément informé Me Maetz, conseil du requérant en première instance, qu'en raison d'un problème informatique, la mention du sens des conclusions du rapporteur public n'apparaissait pas sur l'application télérecours et lui a précisé le sens desdites conclusions, à savoir " rejet au fond de la requête ". Ce courrier a été mis à disposition sur l'application télérecours le 26 juin 2020 et réceptionné le même jour, soit plus de vingt-quatre heures avant l'audience qui s'est tenue le 29 juin suivant. Les parties ont ainsi été informées, dans un délai raisonnable avant l'audience, du sens des conclusions. Dès lors, le moyen du requérant tiré de ce que le jugement attaqué aurait été rendu au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite attaquée :
5. D'une part, aux termes de l'article 1er du décret n° 2016-1994 du 30 décembre 2016 relatif à certains éléments de rémunération des personnels à statut ouvrier relevant du ministère de la défense : " Le présent décret fixe les dispositions applicables aux ouvriers de l'Etat affiliés au régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat institué par le décret du 5 octobre 2004 susvisé, relevant du ministère de la défense. ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " I. - Sous réserve des dispositions du II, III et IV du présent article, les personnels mentionnés à l'article 1er perçoivent un salaire de base calculé selon un forfait mensuel de 152 heures et une durée hebdomadaire de travail effectif de 35 heures compte tenu de la réduction de la durée hebdomadaire de travail intervenue le 1er janvier 2002. (...) ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Les personnels mentionnés à l'article 1er perçoivent, en sus de leur salaire de base, une prime de rendement dont les taux sont appliqués au salaire de l'échelon détenu par l'agent dans la limite du 5e échelon du groupe professionnel auquel il appartient. / Les taux sont fixés par un arrêté conjoint du ministre de la défense et des ministres chargés du budget et de la fonction publique. / Cette prime est versée mensuellement. ". Aux termes de l'article 1er du décret n°2016-1995 du 30 décembre 2016 relatif à la rémunération des personnels à statut ouvrier relevant du ministère de la défense : " Le présent décret fixe les dispositions applicables aux personnels à statut ouvrier affiliés au régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat institué par le décret du 5 octobre 2004 susvisé, relevant du ministère de la défense. ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " I. - Les salaires versés aux techniciens à statut ouvrier, aux ouvriers de l'Etat et au chef d'équipe sont calculés, pour chaque catégorie professionnelle, selon un barème horaire fixé par groupe de rémunération et par échelon, auquel est appliqué un forfait horaire mensuel prévu par arrêté conjoint du ministre de la défense et des ministres chargés du budget et de la fonction publique. (...)".
6. D'autre part, aux termes de l'article 1er du décret n°2004-1056 du 5 octobre 2004 relatif au régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat : " Ont droit au bénéfice des dispositions du présent décret :/ 1° Les personnels ouvriers des établissements industriels de l'Etat figurant à l'annexe au présent décret ; (...) " au titre de laquelle figure les ouvriers du ministère de la défense nationale. Aux termes de l'article 2 du décret du 23 septembre 2011 relatif à la rémunération des ouvriers de l'Etat relevant de la direction générale de l'aviation civile et de l'établissement public Météo-France : " Les salaires versés aux ouvriers de l'Etat relevant de la direction générale de l'aviation civile et de l'établissement public Météo-France sont fixés, pour chaque groupe professionnel, en tenant compte de l'exercice des fonctions de chef d'équipe, par un barème horaire des salaires établi selon les zones de résidence où l'activité est exercée et sur la base d'un forfait horaire mensuel de 152,47 heures correspondant à une durée hebdomadaire de travail de 35 heures. / Le barème des salaires mensuel de base est fixé par un arrêté conjoint des ministres chargés respectivement de l'aviation civile, du budget et de la fonction publique. Ses montants sont indexés sur la valeur du point de la fonction publique ". Aux termes de l'article 3 de ce même décret : " Sans préjudice d'autres dispositions indemnitaires instituées réglementairement, les ouvriers mentionnés à l'article 1er peuvent percevoir les primes et indemnités mentionnées ci-après : / Primes et indemnités non soumises à retenue pour pension : / ' une prime de technicité ; (...) ". L'article 3 de l'arrêté du 23 septembre 2011 portant application du décret n°2011-1171 du 23 septembre 2011 fixe les montants annuels de la part fixe de la prime de technicité prévue à l'article 4 du décret du 23 septembre 2011.
7. En premier lieu, si l'ensemble des ouvriers de l'Etat relève, pour ce qui concerne leur régime de pensions, des dispositions précitées du décret n°2004-1056 du 5 octobre 2004 relatif au régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat, leur situation statutaire, notamment leur régime de rémunération, fait l'objet de textes particuliers, tels que les deux décrets du 30 décembre 2016 visés au point 6 du présent arrêt. Ainsi, les ouvriers de l'Etat ne relèvent pas d'un statut général commun mais d'un statut particulier établi au niveau de chaque employeur. Par conséquent, M. B..., ouvrier de l'Etat au sein du ministère des armées, qui relève, en matière de rémunération, des dispositions précitées des décrets n°2016-1995 et n°2016-1994 du 30 décembre 2016 ne saurait utilement se prévaloir des dispositions statutaires de l'arrêté du 23 septembre 2011 pris en application du décret n°2011-1171 du 23 septembre 2011 applicables seulement aux ouvriers de l'état relevant de la direction générale de l'aviation civile et de l'établissement public Météo-France.
8. En second lieu, le principe d'égalité de traitement des agents publics n'est susceptible de s'appliquer, pour ce qui concerne le déroulement de leur carrière, qu'entre agents appartenant à un même corps. En tout état de cause, M. B..., qui n'excipe pas de l'illégalité de la règlementation qui lui est applicable et qui n'est pas dans une situation similaire à celle des ouvriers de l'Etat relevant de la direction générale de l'aviation civile et de l'établissement public Météo-France, ne saurait soutenir que la décision implicite en litige porterait atteinte d'une part, au principe d'égalité de traitement entre ouvriers de l'Etat appartenant à des corps différents du ministère des armées et du ministère de l'équipement, des transports et du logement et d'autre part, au principe de non-discrimination qui exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente. Par suite, les conclusions à fin d'annulation et, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction de la requête doivent être rejetées.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 13 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Stenger, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 février 2022.
La rapporteure,
Signé : L. STENGER Le président,
Signé : J. MARTINEZ
La greffière,
Signé : C. SCHRAMM
La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. SCHRAMM
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N° 20NC02701