Procédures devant la cour :
I.) A... une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés sous le n° 21NC01393, les 12 mai et 6 août 2021, le préfet du Doubs demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 6 mai 2021 ;
2°) de rejeter la demande présentée A... Mme D... devant le tribunal administratif de Besançon.
Il soutient que :
- le moyen d'annulation retenu A... le tribunal tiré de ce qu'il aurait entaché sa décision de transfert d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 n'est pas fondé dès lors que les circonstances invoquées A... la requérante tenant à son état de santé et celui de sa fille, ne sauraient justifier la mise en œuvre de la clause discrétionnaire ; la requérante ne démontre pas que son état de santé et celui de sa fille seraient un obstacle au transfert ni qu'un tel transfert aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur leur état de santé respectif ; en l'absence d'éléments probants, les premiers juges ne pouvaient pas retenir que la requérante n'a pas bénéficié d'un traitement de sa demande d'asile A... les autorités italiennes ;
- le tribunal ne pouvait pas l'enjoindre à délivrer une attestation de demande d'asile dès lors que l'article L. 572-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit qu'il est mis fin aux mesures de surveillance et qu'il est statué de nouveau sur le cas de l'intéressée.
A... deux mémoires, enregistrés les 24 juin et 10 août 2021, Mme B... D..., représentée A... Me Dravigny, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que les moyens soulevés A... le préfet du Doubs ne sont pas fondés.
II.) A... une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés sous le n° 21NC01292, les 12 mai et 6 août 2021, le préfet du Doubs demande à la Cour de prononcer sur le fondement des articles R. 811-15 et suivants du code de justice administrative le sursis à exécution de ce jugement du 6 mai 2021.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que l'arrêté du 28 avril 2021 portant transfert aux autorités italiennes est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le tribunal ne pouvait pas l'enjoindre à délivrer une attestation de demande d'asile dès lors que l'article L. 572-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit qu'il est mis fin aux mesures de surveillance et qu'il est statué de nouveau sur le cas de l'intéressé.
A... deux mémoires, enregistrés les 24 juin et 10 août 2021, Mme B... D..., représentée A... Me Dravigny, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale A... une décision du 23 août 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres A... un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Stenger a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Mme D..., née le 16 décembre 1991, de nationalité ivoirienne, est entrée une première fois sur le territoire français au cours de l'année 2020, accompagnée de ses deux filles mineures afin d'y solliciter, le 9 mars 2020, la reconnaissance du statut de réfugié. Mme D... a fait l'objet d'un premier transfert en Italie exécuté le 22 octobre 2020. De retour en France, elle a de nouveau sollicité la reconnaissance du statut de réfugié le 6 novembre 2020. La consultation du fichier EURODAC révélait que l'intéressée avait été identifiée en Italie le 2 janvier 2020 pour le dépôt d'une demande d'asile. Consécutivement à l'accord implicite des autorités italiennes du 7 janvier 2021, saisies le 23 décembre 2020 d'une demande de reprise en charge, le préfet du Doubs a, A... deux arrêtés du 28 avril 2021, prononcé le transfert de Mme D... aux autorités italiennes et l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. A... un jugement du 6 mai 2021, le magistrat désigné A... le tribunal administratif de Besançon a annulé ces deux arrêtés et a enjoint au préfet de délivrer à Mme D... une attestation de demande d'asile dans un délai de huit jours. A... les deux requêtes ci-dessus visées, qu'il y a lieu de joindre afin de statuer A... un seul arrêt, le préfet du Doubs relève appel de ce jugement et en demande le sursis à exécution.
Sur la requête n°21NC01393 :
En ce qui concerne la légalité de la décision de transfert :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 : " 1. A... dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée A... un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. ".
3. La clause dérogatoire, prévue à l'article 17 précité, laisse la faculté discrétionnaire à chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée A... un ressortissant d'un pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans ce règlement.
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... est entrée sur le territoire français seule, séparée de son mari et accompagnée de ses deux filles mineures. A... les pièces médicales produites en défense, il est établi que la fille aînée de la requérante souffre de troubles psychologiques importants et de difficultés alimentaires qualifiées de " majeures " engendrant une hypotrophie globale. Elle bénéficie à ce titre d'un suivi hebdomadaire. Le Dr C..., indique dans un certificat médical que " l'interruption des soins entrepris A... Mariam et sa famille pourrait entraîner pour elles des conséquences médicales et psychologiques d'une exceptionnelle gravité " et " qu'à ce jour, un départ de Montbéliard pour retourner en Italie, pays dont la famille ne connait pas la langue et sans étayage social, médical et psychologique, serait particulièrement désastreux pour Mariam, Samira et leur mère ". Les documents produits, notamment le rapport de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) de janvier 2020 relatif aux conditions d'accueil en Italie des demandeurs d'asile font état de ce que, à la date de l'arrêté de transfert contesté, l'Italie, qui est confrontée à un afflux massif de réfugiés, ne pouvait assurer correctement aux personnes vulnérables la prise en charge, les soins ou le suivi médical que requiert leur état spécifique. Or, en l'absence de toute réponse expresse à la demande de reprise en charge formulée A... l'administration française, il n'existe aucune garantie que les autorités italiennes aient effectivement pris en compte l'état de santé de la requérante et de sa fille aînée et le suivi médical qu'ils requièrent ainsi que le bas-âge de ses deux filles nées en 2018 et 2020. Enfin, et comme l'a relevé à juste titre le magistrat désigné A... le président du tribunal administratif de Besançon, il ressort de l'ensemble du parcours migratoire de la requérante une volonté de voir examinée sa demande d'asile, examen dont il n'est pas établi que, dans les circonstances de l'espèce, l'Etat italien en ait assuré le respect. Dès lors, dans les circonstances particulières de l'espèce, eu égard à la vulnérabilité de Mme D..., isolée avec ses deux filles mineures en bas-âge, le préfet du Doubs doit être regardé comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation en décidant de la remettre aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile, sans mettre en œuvre la clause discrétionnaire prévue A... l'article 17 précité du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.
En ce qui concerne l'injonction prononcée A... le tribunal administratif :
5. Aux termes de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile, alors en vigueur : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé. ". L'article L. 911-1 du code de justice administrative énonce que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, A... la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ".
6. Le préfet se prévaut des termes de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile pour soutenir que le tribunal administratif ne pouvait lui enjoindre de délivrer une attestation de demande d'asile de Mme D....
7. Les dispositions de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à la mise en œuvre, A... le juge, des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative. Selon ces dispositions, lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction prescrit, A... cette même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution.
8. Eu égard au motif de l'annulation de la décision de transfert de Mme D... vers l'Italie retenu A... le premier juge, le jugement de première instance impliquait nécessairement que les autorités françaises se reconnaissent responsables de l'examen de sa demande d'asile et qu'ainsi l'intéressée soit autorisée à bénéficier d'une attestation de demande d'asile lui permettant d'enregistrer sa demande d'asile en France.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Doubs n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, A... le jugement attaqué, le magistrat désigné A... le président du tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté du 28 avril 2021 A... lequel il a prononcé le transfert de Mme D... vers les autorités italiennes et A... voie de conséquence a annulé l'arrêté du même jour A... lequel il l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Sur la requête n°21NC01392 :
10. Le présent arrêt se prononçant sur la requête au fond ci-dessus visée sous le numéro 21NC01393, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête ci-dessus visée sous le numéro 21NC01392 du préfet du Doubs tendant au sursis à exécution du jugement attaqué.
Sur les frais de l'instance :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Dravigny, avocate de Mme D... au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Dravigny renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête ci-dessus visée sous le numéro 21NC01392.
Article 2 : La requête n°21NC01393 du préfet du Doubs est rejetée.
Article 3 : L'Etat versera à Me Dravigny la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B... D....
Copie du présent arrêt sera transmise au préfet du Doubs.
Délibéré après l'audience du 13 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Stenger, première conseillère.
Rendu public A... mise à disposition au greffe le 3 février 2022.
La rapporteure,
Signé : L. STENGERLe président,
Signé : J. MARTINEZ
La greffière,
Signé : C. SCHRAMM
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. SCHRAMM
N° 21NC01392, 21NC01393 2