Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 mai 2021, Mme D..., représentée par Me Grosset, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 mai 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 10 février 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou à tout le moins, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) subsidiairement de suspendre la mesure d'éloignement durant l'examen de son recours par la cour nationale du droit d'asile ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au bénéfice de son conseil d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- le premier juge a omis de statuer sur la demande de suspension ;
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- le préfet a commis une erreur de droit dans l'application des dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, puisqu'il ne démontre pas que sa demande d'asile a été définitivement rejetée ni l'applicabilité des articles L. 743-1 et L. 743-2 du même code ;
- les dispositions de l'article L.743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont contraires aux articles 18 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et aux articles 6-1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- les dispositions de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas conformes à l'objectif fixé à l'article 46§1 de la directive 2013/32 visant à garantir aux demandeurs d'asile un droit au recours effectif ; les " éléments sérieux " n'ont pas été définis par le législateur ;
- le préfet a commis une erreur de droit en les obligeant à quitter le territoire français alors que la Cour nationale du droit d'asile avait été saisie ;
- le préfet s'est estimé en compétence liée pour prononcer la mesure d'éloignement ;
- elle justifie d'éléments sérieux justifiant la suspension des mesures d'éloignement, au sens de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision attaquée, qui porte une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie familiale normale, méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'une erreur d'appréciation ;
- la décision attaquée n'est pas suffisamment motivée ;
- l'article L. 511-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas conforme à l'article 7 de la directive 2008/115/CE dès lors que le délai de départ volontaire qu'il accorde est automatique ; le préfet a commis une erreur de droit en prononçant une mesure d'éloignement à son encontre sans motiver les raisons justifiant qu'il ne soit pas dérogé au délai de trente jours ;
- le préfet n'a pas pris en compte ses besoins particuliers résultant de sa situation de vulnérabilité, comme le prévoit l'article 14 de la directive précitée et qui auraient justifiés l'obtention d'une prolongation du délai de départ volontaire ;
- elle n'a pas pu formuler d'observations préalables sur le délai de départ volontaire qui lui a été accordé, en méconnaissance des dispositions du code des relations entre le public et l'administration, de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et du principe général des droits de la défense ;
- elle méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête. Il s'en remet à ses écritures de première instance.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- la directive n° 2013/32/UE ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Stenger a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante arménienne, est entrée en France en 2016, afin d'y solliciter l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 26 mars 2020 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) statuant selon la procédure accélérée sur le fondement du 1° du I de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. A la suite de ce rejet, par un arrêté du 10 février 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation, sur le fondement des dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra, le cas échéant, être reconduite. Mme D... relève appel du jugement du 5 mai 2021 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a considéré qu'il n'y avait pas lieu de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ni de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du bureau d'aide juridictionnelle et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort de la lecture du jugement attaqué que, contrairement à ce qu'affirme Mme D..., la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy n'a pas omis de statuer sur la demande de suspension de l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'omission à statuer sur cette demande ne peut qu'être écarté.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, par un arrêté du 24 août 2020 régulièrement publié au recueil des actes de la préfecture le même jour, le préfet de Meurthe-et-Moselle a délégué sa signature à M. C... A..., directeur de la citoyenneté et de l'action locale à la préfecture. Cet arrêté, qui énumère limitativement les différentes attributions pour lesquelles M. A... dispose d'une délégation de signature, est suffisamment précis quant au champ de cette délégation. Cet arrêté donne notamment délégation à M. A... pour signer les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de M. A..., signataire des arrêtés contestés, doit être écarté comme manquant en fait.
4. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué énonce, de manière suffisamment précise, les considérations de droit et de fait qui constituent son fondement. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.
5. En troisième lieu, d'une part, selon les termes de l'article 46 de la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres font en sorte que les demandeurs disposent d'un droit à un recours effectif devant une juridiction contre les actes suivants : / a) une décision concernant leur demande de protection internationale (...). / 5. Sans préjudice du paragraphe 6, les Etats membres autorisent les demandeurs à rester sur leur territoire jusqu'à l'expiration du délai prévu pour l'exercice de leur droit à un recours effectif et, si ce droit a été exercé dans le délai prévu, dans l'attente de l'issue du recours. / 6. En cas de décision : a) considérant une demande comme manifestement infondée conformément à l'article 32, paragraphe 2, ou infondée après examen conformément à l'article 31, paragraphe 8, à l'exception des cas où les décisions sont fondées sur les circonstances visées à l'article 31, paragraphe 8, point h) ; / (...) une juridiction est compétente pour décider si le demandeur peut rester sur le territoire de l'État membre, soit à la demande du demandeur ou de sa propre initiative, si cette décision a pour conséquence de mettre un terme au droit du demandeur de rester dans l'État membre et lorsque, dans ces cas, le droit de rester dans l'État membre dans l'attente de l'issue du recours n'est pas prévu par le droit national (...). ". Aux termes du paragraphe 8 de l'article 31 de cette directive : " Les États membres peuvent décider, dans le respect des principes de base et des garanties fondamentales visés au chapitre II, d'accélérer une procédure d'examen et/ou de mener cette procédure à la frontière ou dans les zones de transit conformément à l'article 43 lorsque : / (...) b) le demandeur provient d'un pays d'origine sûr au sens de la présente directive. ".
6. D'autre part, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1 lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code alors applicable : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci (...) ". Toutefois, l'article L. 743-2 alors applicable ajoute : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : / (...) 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2 (...) ". Aux termes de l'article L. 723-2 du même code alors applicable : " I. - L'office statue en procédure accélérée lorsque : / 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1 (...) ". Aux termes de l'article L. 743-3 dudit code, alors applicable : " Dans le cas où le droit de se maintenir sur le territoire a pris fin en application des 4° bis ou 7° de l'article L. 743-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné statuant sur le recours formé en application de l'article L. 512-1 contre l'obligation de quitter le territoire français de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la cour ".
7. Enfin, aux termes de l'article 18 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Le droit d'asile est garanti dans le respect des règles de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole du 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés et conformément au traité sur l'Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne " ". Aux termes de l'article 19 paragraphe 2 de la même charte : " Nul ne peut être éloigné, expulsé ou extradé vers un État où il existe un risque sérieux qu'il soit soumis à la peine de mort, à la torture ou à d'autres peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Et aux termes de l'article 47 de cette même charte : " Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. / Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter ".
8. Il résulte des dispositions combinées, alors applicables, du 7° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du 6° de l'article L. 511-1, du I bis de l'article L. 512-1 et de l'article L. 512-3 du même code, qu'un ressortissant étranger issu d'un pays sûr dont la demande d'asile a été rejetée selon la procédure accélérée, s'il bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français seulement jusqu'à la décision de rejet de l'OFPRA, peut toutefois contester l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre. En outre, le juge peut, dans le cadre de ce recours, permettre au ressortissant étranger de demeurer sur le territoire français jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile ait statué sur son recours s'il est saisi, en application de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de conclusions aux fins de suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement contestée. Dans le cadre de ce recours introduit contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, le juge va examiner les éléments qu'il appartient au demandeur de lui présenter, sans se prononcer sur le bien-fondé de sa demande d'asile. Par ailleurs, la circonstance que la notion " d'éléments sérieux " n'ait pas été définie par le législateur n'est pas de nature à démontrer que les dispositions du 7° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant qu'elles limitent le droit d'un ressortissant étranger issu d'un pays d'origine sûr à se maintenir sur le territoire français seulement jusqu'à la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant sa demande d'asile, seraient incompatibles avec les objectifs définis par les dispositions de l'article 46 de la directive 2013/32/UE. Par suite, eu égard à l'ensemble de ces garanties procédurales, la requérante n'est pas fondée à soutenir d'une part, que les dispositions du 7° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile l'article sont incompatibles avec les objectifs précités de l'article 46 de la directive 2013/32/UE et d'autre part, que les dispositions de l'article L.743-3 du même code sont contraires aux articles 18 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et aux articles 6-1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
9. En quatrième lieu, il ressort des pièces des dossiers que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a examiné la demande d'asile de la requérante, qui provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr, selon la procédure accélérée prévue au 1 du I de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable et a rejeté sa demande par une décision du 26 mars 2020. Par suite, le 10 février 2021, date à laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a pris la décision contestée, Mme D... ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français et c'est donc à bon droit qu'il a pris à son encontre la décision litigieuse.
10. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait estimé en situation de compétence liée pour prendre une mesure d'éloignement à l'encontre de la requérante.
11. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
12. Si Mme D... se prévaut d'une vie privée et familiale en France, elle ne l'établit pas alors que son entrée sur le territoire français est récente et que, contrairement à ce qu'elle affirme, elle ne démontre pas qu'elle serait dépourvue de toute attache dans son pays d'origine, ni qu'elle aurait transféré en France le centre de ses intérêts personnels et familiaux. Dans ces conditions, la mesure d'éloignement en litige ne peut être regardée comme portant au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. Pour les mêmes raisons, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
En ce qui concerne la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours :
13. Aux termes de l'article 7 de la directive n°2008/115/CE du 16 décembre 2008 : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. (...) 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux (...) ". Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) ".
14. En premier lieu, en fixant de manière générale un délai de trente jours à l'étranger pour quitter le territoire français, lequel est identique à celui prévu à l'article 7 de la directive susvisée, le législateur n'a pas édicté des dispositions incompatibles avec les objectifs de cet article. Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne font pas obstacle à ce que l'autorité administrative prolonge, le cas échéant, le délai de départ volontaire d'une durée appropriée pour faire bénéficier les étrangers dont la situation particulière le nécessiterait de la prolongation prévue par le paragraphe 2 de l'article 7 de la directive précitée. Dans ces conditions, les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas incompatibles avec les objectifs de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait, à cet égard, commis une erreur de droit doit être écarté.
15. En deuxième lieu, dès lors que le délai de trente jours accordé à un étranger pour exécuter une obligation de quitter le territoire français constitue le délai de départ volontaire de droit commun, l'absence de prolongation de ce délai n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique, à moins que l'étranger ait expressément demandé le bénéfice d'une telle prolongation ou qu'il ait fait valoir des éléments justifiant que ce délai soit prolongé. La requérante n'alléguant pas avoir formulé une telle demande ou avoir fait valoir de tels éléments, elle ne peut utilement soutenir que la décision lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours est insuffisamment motivée.
16. En troisième lieu, aux termes de l'article 14 de la directive n°2008/115/CE du 16 décembre 2008 : " 1. Sauf dans la situation visée aux articles 16 et 17, les États membres veillent à ce que les principes ci-après soient pris en compte dans la mesure du possible en ce qui concerne les ressortissants de pays tiers au cours du délai de départ volontaire accordé conformément à l'article 7 et au cours des périodes pendant lesquelles l'éloignement a été reporté conformément à l'article 9:
(...) / d) les besoins particuliers des personnes vulnérables sont pris en compte (...) ". Il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué, qui mentionne qu'il n'y a pas lieu, en l'absence de circonstances particulières, de faire usage du pouvoir discrétionnaire de prolonger le délai de départ volontaire de trente jours imparti à la requérante, que le préfet a bien examiné la situation et les besoins personnels de la requérante, conformément aux stipulations de l'article 14 de la directive précitée. Par suite, le moyen tiré de la violation de cet article doit être écarté.
17. En quatrième lieu, le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union européenne, notamment énoncé au 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
18. Mme D..., qui a vu sa demande d'asile rejetée par l'OFPRA puis par la CNDA, ne pouvait pas ignorer qu'elle était susceptible de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français assortie d'une décision fixant un délai de départ volontaire en vue de son exécution. Elle était alors en mesure de présenter à l'administration, durant toute la procédure d'instruction de sa demande d'asile, des observations et éléments de nature à justifier un délai de départ supérieur à trente jours. En outre, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision faisant grief que si la procédure administrative en cause aurait pu, compte tenu des circonstances de fait et de droit propres au cas d'espèce, aboutir à un résultat différent du fait des observations et éléments que l'étranger a été privé de faire valoir. Mme D... ne fait pas état de circonstances particulières propres à modifier la décision prise par le préfet, ni avoir tenté en vain de présenter des observations en ce sens. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu, au regard du principe général des droits de la défense, des stipulations de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et du code des relations entre le public et l'administration, doit être écarté.
Sur la décision fixant le pays de destination :
19. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
20. Si la requérante soutient qu'elle craint pour sa sécurité en cas de retour en Arménie, elle n'apporte aucun élément probant permettant d'établir la réalité et l'actualité des risques allégués. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur les conclusions tendant à la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement :
21. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme D... présente des éléments sérieux au sens des dispositions précitées de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable de nature à justifier son maintien sur le territoire jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile statue sur sa demande.
22. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a considéré qu'il n'y avait pas lieu de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ni de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du bureau d'aide juridictionnelle et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par suite, sa requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi ci-dessus visée du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 13 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Martinez, président,
- M. Agnel, président assesseur,
- Mme Stenger, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 février 2022.
La rapporteure,
Signé : L. STENGERLe président,
Signé : J. MARTINEZ
Le greffier,
Signé : C. SCHRAMM
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. SCHRAMM
N° 21NC01407 2