Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 octobre 2019, M. et Mme G..., représentés par Me B..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces arrêtés ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de leur délivrer un titre de séjour, à défaut de réexaminer leur situation, au besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
En ce qui concerne les refus de titre de séjour :
- les premiers juges ont inexactement apprécié leur situation dès lors que la famille de M. G... réside en France et que la vindicte dont ils sont victimes en Bosnie, exercée par la famille de Mme G..., pourtant portée à la connaissance du préfet, fait obstacle à toute vie normale dans leur pays d'origine ;
- eu égard à la durée de leur séjour en France et à leurs efforts d'insertion dans la société française, les décisions de refus de titre de séjour méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français ;
- elles ont été prises en méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison de l'état de santé de Mme G....
En ce qui concerne les décisions fixant le pays de renvoi :
- au regard des dispositions de l'article L.211-1 du code des relations entre le public et l'administration, la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée en fait dès lors qu'elle n'indique pas les risques qu'ils seraient susceptibles d'encourir en cas de retour dans leur pays d'origine ;
- un renvoi dans leur pays d'origine aura pour effet d'aggraver significativement l'état de santé psychique de Mme G....
En ce qui concerne les décisions d'interdiction de retour sur le territoire français :
- elles sont insuffisamment motivées au regard des critères posés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a fait une inexacte appréciation de leur situation au regard des mêmes dispositions.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2020, le préfet de Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
M. et Mme G... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Nancy du 19 septembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1405 du 18 novembre 2020,
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme F... E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme G..., ressortissants bosniaques, nés respectivement le 22 avril 1992 et le 14 février 1994, sont entrés irrégulièrement en France le 14 décembre 2012, selon leurs déclarations, et ont sollicité la reconnaissance du statut de réfugié. Ces demandes d'asile ont été définitivement rejetées à la suite d'une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 6 septembre 2013. Les époux G... ont alors fait l'objet de premières décisions portant obligation de quitter le territoire français prises par le préfet de la Moselle le 7 août 2013, confirmées par le tribunal administratif et la cour administrative d'appel de Nancy par un jugement du 28 janvier 2014 et un arrêt du 11 décembre 2014. Mme G... a sollicité son admission au séjour en raison de son état de santé le 1er octobre 2013 et a été mise en possession d'une autorisation provisoire de séjour valable du 15 janvier 2014 au 6 juillet 2014. Toutefois, par deux décisions du 11 février 2015, confirmées par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 29 septembre 2015, le préfet de la Moselle a refusé le renouvellement de l'autorisation provisoire de séjour de l'intéressée, a refusé d'admettre son époux au séjour en qualité d'accompagnant d'un étranger malade et leur a fait obligation de quitter le territoire français. Le 10 septembre 2015, M. G... a sollicité le bénéfice de l'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié sur le fondement des dispositions de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce qui lui a été refusé par décision préfectorale du 17 septembre 2015. L'intéressé a réitéré sa demande le 4 avril 2016. Son épouse a sollicité son admission au séjour sur le même fondement par courrier daté du 18 avril 2016. Par deux arrêtés du 27 novembre 2018, le préfet de la Moselle a refusé de délivrer un titre de séjour aux intéressés, leur a fait obligation de quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination et leur a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. M. et Mme G... relèvent appel du jugement du 29 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
Sur les décisions de refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que les époux G... ne se maintiennent sur le territoire français, en dépit de plusieurs mesures d'éloignement prises à leur encontre, que pour les besoins de l'instruction de leurs demandes d'asile puis de titres de séjour. Les éléments qu'ils produisent, consistant en des promesses d'embauche du 11 janvier 2016 et du 9 mai 2016, établies par la société Hyper Façade pour un poste de crépisseur, une demande d'autorisation de travail établie par la société Peinture Sarland le 14 juin 2018 ainsi que les deux courriers établis en 2016 et en 2018 par les gérants de ces sociétés faisant état, en des termes peu circonstanciés et identiques, de leur volonté de recruter M. G... ne sont pas suffisants pour considérer que les requérants ont transféré en France le centre de leurs intérêts personnels et familiaux. Les intéressés n'établissent par ailleurs pas être dépourvus de toutes attaches dans leur pays d'origine, alors que le préfet fait valoir en défense que les parents et le frère de Mme G... résident toujours en Bosnie et que la présence en France des parents et des deux soeurs de M. G... n'est pas justifiée. Par suite, eu égard aux conditions du séjour des intéressés en France, le préfet n'a pas, en prenant les décisions attaquées, méconnu les stipulations précitées de l'article 8 ni n'a porté au droit à la vie privée et familiale des époux G... une atteinte disproportionnée.
4. Pour les mêmes raisons que celles indiquées au point précédent, et nonobstant la circonstance, au demeurant non démontrée, qu'ils seraient victimes d'une vindicte en Bosnie, le préfet de la Moselle n'a pas entaché ses décisions d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation des requérants. Par suite, ce moyen doit être écarté.
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
5. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français :/ 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
6. Comme l'ont retenu les premiers juges, il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Moselle a refusé de renouveler l'autorisation provisoire de séjour délivrée Mme G... à la suite d'un avis défavorable rendu par le médecin de l'agence régionale de santé le 8 décembre 2014. Par les deux certificats médicaux établis le 14 juin 2018 et le 30 novembre 2018 qu'elle produit et qui se bornent à décrire sa pathologie, la requérante n'établit pas qu'un défaut de prise en charge médicale pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé, ni qu'elle ne pourrait pas bénéficier d'un traitement effectif dans son pays d'origine ou qu'elle ne pourrait pas voyager vers ce pays sans risque. Par suite, dès lors que l'intéressée ne remplit pas les conditions pour bénéficier des dispositions protectrices du 10° de l'article L.511-4, le moyen tiré de la méconnaissance desdites dispositions ne peut qu'être écarté.
Sur les décisions fixant le pays de renvoi :
7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que les décisions attaquées comportent, de manière suffisamment précise, l'ensemble des considérations de droit et de fait qui constituent leur fondement. Par suite, elles sont suffisamment motivées au regard des dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, nonobstant la circonstance qu'elles n'indiquent pas les risques qu'ils seraient susceptibles d'encourir en cas de retour dans leur pays d'origine. Par conséquent, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
8. En second lieu, si les requérants font valoir qu'un retour en Bosnie risquerait de provoquer un nouveau traumatisme et une aggravation de l'état de santé de Mme G..., ces allégations ne sont pas justifiées. Par suite, ce moyen ne peut qu'être rejeté.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français pour un an :
9. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger./Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour.(...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
10. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs.
11. Les décisions en litige, qui rappellent les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionnent que M. et Mme G... sont présents sur le territoire national depuis le 14 décembre 2012, qu'ils ont fait l'objet de précédentes mesures d'éloignement et qu'ils ne représentent pas une menace pour l'ordre public. Elles précisent que des interdictions de retour sur le territoire français d'une durée d'un an sont justifiées et qu'elles ne portent pas une atteinte disproportionnée aux droits des requérants au regard de leur vie privée et familiale. Dans ces conditions, le préfet de la Moselle n'a pas entaché ses décisions d'une insuffisance de motivation. Dès lors, ce moyen doit être écarté.
12. Pour les mêmes raisons que celles indiquées aux points 3 et 11 du présent arrêt, le préfet de la Moselle, qui a pris le soin d'examiner si des circonstances humanitaires pouvaient faire obstacle au prononcé des mesures en litige, n'a pas commis d'erreur d'appréciation. Par suite, ce moyen doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme G... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 27 novembre 2018 du préfet de Moselle. Par suite, leurs conclusions aux fins d'annulation et d'injonction doivent être rejetées ainsi, que par voie de conséquence, celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme G... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... et Samra G... et au ministre de l'intérieur.
Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de Moselle.
N° 19NC02952 2