Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 septembre 2018, la SARL 3 TLI, représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'amende mise à sa charge en application de l'article 1759 du code général des impôts au titre des années 2011 et 2012 ;
2°) de prononcer la décharge de cette amende ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- dès lors qu'elle avait déjà fait connaître le bénéficiaire de onze chèques pour un montant de 5 980 euros au cours de la vérification de comptabilité, le service devait s'abstenir de recourir à la procédure de l'article 117 du code général des impôts comme le prévoit la doctrine administrative ;
- le service ne peut lui reprocher d'avoir désigné les bénéficiaires des distributions hors du délai de trente jours alors qu'elle avait bénéficié d'un délai supplémentaire pour produire des observations à la proposition de rectification.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SARL 3 TLI ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) 3 TLI, qui exerce une activité de transport, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juin 2010 au 30 mai 2013. Par une proposition de rectification du 28 mai 2014, l'administration a demandé à la société, en application de l'article 117 du code général des impôts, de désigner le ou les bénéficiaires des revenus distribués. Par une lettre du 30 septembre 2014, l'administration a informé la société qu'elle regardait sa réponse du 6 août 2014 comme équivalent à un refus de réponse et lui a notifié l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts, égale à 100 % des sommes distribuées. La SARL 3 TLI relève appel du jugement du 30 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces amendes.
Sur les conclusions à fin de décharge :
En ce qui concerne la loi fiscale :
2. Aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759. ". Aux termes de l'article 1759 du même code : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de l'amende est ramené à 75 %. ".
3. Il résulte de ces dispositions que la circonstance que l'administration connaisse ou soit susceptible de connaître les bénéficiaires de sommes regardées comme des revenus réputés distribués n'est pas de nature à lui interdire d'inviter la société distributrice à désigner l'identité et l'adresse des bénéficiaires dans un délai de trente jours, dans les conditions prévues par l'article 117 du code général des impôts, et ne fait obstacle ni à ce qu'elle applique à cette société, à défaut de toute réponse, l'amende prévue par l'article 1759 du même code, ni à ce qu'une réponse tardive ou manifestement incomplète ou insuffisante soit assimilée à un défaut de réponse.
4. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 28 mai 2014, que les chèques émis par la société Transports Chartreux, client de la SARL 3 TLI, en règlement de douze factures ont été encaissés sur le compte personnel de M. B..., gérant de la société, et que des achats ont été réalisés auprès de l'entreprise Valentin à des fins étrangères à la société. L'administration a considéré que ces sommes constituaient des revenus distribués. En application de l'article 117 du code général des impôts, l'administration a demandé à la SARL 3 TLI de lui désigner dans un délai de trente jours les bénéficiaires de ces distributions. Par courrier du 6 août 2014, la SARL 3 TLI précise que les factures clients pour un montant de 6 189, 30 euros ont été encaissées à tort sur le compte de M. B... en raison d'une erreur de la banque. A la fin de son courrier, s'agissant des douze factures de la société Transports Chartreux, la société désigne comme bénéficiaires des distributions M. A... B... et M. C.... S'agissant des achats réalisés auprès de l'entreprise Valentin, la SARL 3 TLI désigne deux sociétés tierces, le donneur d'ordre d'achats des pièces de motoculture et le dépositaire, qui est domicilié au Maroc. L'administration a considéré dans sa réponse aux observations du contribuable du 30 septembre 2014 que la société requérante avait apporté une réponse contradictoire et évasive, devant être assimilée à un refus de réponse. Par courrier du 6 novembre 2014, la SARL 3 TLI désigne M. B... comme bénéficiaire de l'ensemble des chèques encaissés sur son compte ainsi que d'une facture de l'entreprise Valentin. M. C... et M. A... B... sont désignés comme étant les bénéficiaires des autres factures émises par l'entreprise Valentin.
5. D'une part, eu égard à ce qui a été dit au point 3, la SARL 3 TLI ne saurait faire grief à l'administration, au motif que cette dernière aurait eu connaissance des bénéficiaires des revenus distribués, d'avoir mis en oeuvre la procédure de désignation prévue par l'article 117 du code général des impôts. Il appartenait en conséquence à la société requérante de répondre à la demande du service, l'invitant à faire connaître dans un délai de trente jours l'identité complète et l'adresse du bénéficiaire final et réel des distributions.
6. D'autre part, la demande de désignation des bénéficiaires des revenus distribués formée par l'administration dans la proposition de rectification du 28 mai 2014 était suffisamment claire et précise pour permettre à la société contribuable de répondre utilement à cette demande et d'être informée des conséquences d'une absence de réponse. Dans son courrier du 6 août 2014, la SARL 3 TLI a apporté une réponse insuffisante concernant l'encaissement des règlements de la société Transports Chartreux par M. B... en admettant dans un premier temps, une erreur de la banque, puis à la fin de son courrier, en mentionnant deux autres bénéficiaires de ces encaissements. En outre, la société a apporté une réponse dépourvue de précisions quant aux factures de l'entreprise Valentin en évoquant sans aucune explication l'existence d'un donneur d'ordre et d'un dépositaire des matériels qu'elle a achetés. Dans ces conditions, eu égard au caractère équivoque et imprécis de cette réponse, c'est à bon droit que l'administration a regardé en tout état de cause ce courrier comme étant assimilable à un défaut de réponse au sens de l'article 117 du code général des impôts.
7. Enfin, ni les dispositions de l'article 117 du code général des impôts, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire, ne font obstacle, dans le cas où la société identifie le bénéficiaire de la distribution postérieurement à l'expiration du délai imparti, à ce que l'administration impose les sommes correspondantes au nom de ce bénéficiaire. Il s'ensuit que, la SARL 3 TLI ne saurait se prévaloir de la circonstance que par courrier du 6 novembre 2014, elle a finalement désigné M. B... comme bénéficiaire des encaissements des douze factures litigieuses.
En ce qui concerne le bénéfice de l'interprétation administrative de la loi fiscale :
8. D'une part, la société requérante se prévaut du bénéfice de la doctrine administrative (BOI-RPPM-RCM-10-20-20-40-20140908 § 100), selon laquelle " le service doit s'abstenir de recourir à la procédure de l'article 117 du CGI lorsque la société lui a déjà fait connaître, avec précisions à l'appui, le nom des bénéficiaires des revenus ". Ainsi qu'il a été dit précédemment, la société concernée n'a pas fait connaître au service " avec précisions à l'appui, le nom des bénéficiaires des revenus ". Dès lors qu'elle n'entre pas dans les prévisions de cette doctrine, la société requérant ne saurait en tout état de cause invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le bénéfice de cette doctrine.
9. D'autre part, eu égard à ce qui a été dit au point 6, la réponse de la société requérante du 6 août 2014 équivalent à un défaut de réponse, la SARL 3 TLI ne saurait se prévaloir du BOI-CF-IOR-10-50-20120912 relatif à la prolongation de trente jours du délai imparti initialement pour désigner les bénéficiaires.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL 3 TLI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de SARL 3 TLI est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL 3 TLI et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
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N° 18NC02644