Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 31 octobre 2019, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de procéder au réexamen de sa situation sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt et sous astreinte de 50 euros par jour de retard :
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée au regard des articles L. 743-1 et L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce que le préfet n'a pas précisé en quoi sa demande réexamen n'avait été introduite qu'afin de faire échec à une mesure d'éloignement ;
- en se fondant sur le seul moment où sa demande réexamen a été déposée, le préfet n'a pas caractérisé sa volonté de faire échec à une mesure d'éloignement et a ainsi méconnu les articles L. 743-1 et L. 743-2 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision d'obligation de quitter le territoire est entachée d'erreur de fait en ce qu'il n'est pas célibataire mais vit avec une ressortissante française ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire viole le 10 de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant l'Albanie comme pays de destination viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 février 2020, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nancy du 19 septembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant albanais né le 28 juin 1986, est entré irrégulièrement en France le 13 février 2018, selon ses déclarations. Le 1er mars 2018, il a sollicité le statut de réfugié que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) lui a refusé par décision du 29 mai 2018, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 22 novembre 2018. Le 20 décembre 2018, M. A... a sollicité le réexamen de sa demande d'asile et une attestation de demande d'asile en " procédure accélérée réexamen " lui a été délivrée le 4 janvier 2019. Le 21 janvier 2019, l'OFPRA a pris une décision d'irrecevabilité. Par arrêté du 8 mars 2019, le préfet du Doubs a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière. Par le jugement attaqué du 14 mai 2019, dont M. A... relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'obligation de quitter le territoire :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. L'arrêté attaqué comporte de manière suffisante l'indication des considérations de droit et de fait, y compris les motifs pour lesquels le préfet a regardé comme dilatoire la demande réexamen de sa demande d'asile par l'intéressé, sur lesquelles cette autorité s'est fondée afin de prendre à l'encontre de M. A... les décisions attaquées. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation sera écarté.
En ce qui concerne l'erreur de fait :
3. En précisant que M. A... avait déclaré être célibataire, le préfet s'est borné à constater qu'il n'était pas marié, ce qui est effectivement le cas. Ce faisant, le préfet n'a pas considéré que l'intéressé ne vivait pas en concubinage. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.
En ce qui concerne le moyen tiré d'un défaut d'examen de la situation du requérant :
4. Il résulte du point précédent et des motifs de l'arrêté attaqué que le préfet du Doubs ne s'est pas mépris sur les pouvoirs qui sont les siens à l'occasion de l'examen de la situation d'un demandeur d'asile.
En ce qui concerne le moyen tiré de l'erreur de droit :
5. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci ". Aux termes de l'article L. 743-2 du même code : "Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque :/ (...) 4° L'étranger n'a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'office en application du 3° de l'article L. 723-11, qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement ".
6. A l'appui de sa demande de réexamen de sa demande d'asile, M. A... n'a fait état que de vagues allégations dépourvues de précisions, identiques à celles ayant appuyé sa demande initiale, relatives à des discriminations à raison de son appartenance ethnique et de craintes pour sa vie à raison d'un conflit violent survenu entre son frère et un tiers l'ayant poussé à fuir l'Albanie. Cette demande de réexamen est en outre survenue immédiatement après le rejet de sa première demande à la suite de la décision ci-dessus visée de la Cour nationale du droit d'asile. Au vu de l'ensemble de ces éléments, le préfet a pu sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation estimer que la demande de réexamen n'avait d'autre objet que de faire échec à une mesure d'éloignement.
En ce qui concerne la situation personnelle du requérant :
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... n'est entré en France que le 13 février 2018, soit, à la date des arrêtés attaqués, depuis à peine treize mois, et n'a été autorisé à s'y maintenir que pendant le temps nécessaire à l'examen de sa demande d'asile. S'il se prévaut de sa situation de concubinage avec une ressortissante française avec laquelle il réside, les pièces qu'il produit sont insuffisantes à démontrer l'ancienneté, l'intensité et la stabilité de cette relation. Par ailleurs, M. A... n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales à l'étranger, où il a passé la majeure partie de sa vie. Dans ces conditions, le préfet du Doubs n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris les décisions attaquées et n'a, dès lors, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne l'état de santé du requérant :
9. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié".
10. Si M. A... soutient qu'il est porteur d'une hépatite B nécessitant des soins dont le défaut est de nature à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et qui ne sont pas effectivement accessibles dans son pays d'origine, il ne produit aucune pièce de nature à l'établir. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
11. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
12. Si M. A... soutient qu'en raison de son appartenance à la communauté égyptienne d'Albanie, il a fait l'objet de " discriminations récurrentes ayant fait obstacle à ce qu'il sollicite la protection des autorités du pays lorsque son frère et lui-même ont été pris dans un conflit ", il ne produit aucune pièce de nature à établir le caractère réel, personnel et actuel des risques allégués, alors que la valeur probante de son témoignage initial a déjà été écartée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 14 mai 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par suite sa requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celle tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ci-dessus visée.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Doubs.
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