Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 22 novembre 2019 et le 8 décembre 2020, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du 12 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;
2°) d'annuler cet arrêté du 28 novembre 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il déclare également se désister purement et simplement de ses conclusions à fin d'injonction et maintenir le surplus de ses conclusions.
Il soutient que :
Sur la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour :
- la décision attaquée a été signée par une autorité incompétente ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet a également entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces stipulations et dispositions ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- le préfet a violé l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- le préfet a méconnu les dispositions du 7° et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
Sur la décision fixant le pays de destination :
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- la décision viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet du Bas-Rhin qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... D..., ressortissant arménien né en 1986, est entré irrégulièrement en France en 2011 pour y solliciter l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 23 novembre 2011 puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 28 septembre 2012. Le 3 octobre 2011, le requérant a sollicité son admission au séjour en raison de son état de santé. Il a bénéficié d'un titre de séjour jusqu'au 3 avril 2013 en raison de son état de santé, puis d'une carte de séjour temporaire renouvelée jusqu'au 27 octobre 2017. Le 1er septembre 2017, M. D... a demandé le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 28 novembre 2018, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Le requérant relève appel du jugement du 12 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 28 novembre 2018.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. D'une part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
4. Il est constant que M. D... est le père d'un enfant, né le 24 avril 2009 de l'union qu'il a eue avec Mme E..., ressortissante arménienne, qui vit régulièrement en France depuis 2014, avec laquelle il a repris une vie commune, ce qui n'est pas contesté en l'absence de défense produite en appel par le préfet du Bas-Rhin. Or, il ressort des pièces du dossier, notamment des attestations versées pour la première fois en appel, rédigées par Mme E... et par les chefs d'établissements scolaires fréquentés par son fils et la fille de Mme E..., que le requérant s'occupe quotidiennement de ces deux enfants et participe de manière effective à leur éducation. Dans ces circonstances, la décision litigieuse portant refus de renouvellement de titre de séjour porte atteinte au droit du requérant à mener une vie privée et familiale et méconnaît l'intérêt supérieur de son fils, alors que sa compagne et son fils ne pourront pas le suivre en Arménie. Par suite, M. D... est fondé à demander l'annulation de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour, ainsi que, par voie de conséquence, de celles lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en annulation.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Dans le dernier état de ses écritures, résultant de son mémoire enregistré le 8 décembre 2020, le requérant déclare se désister purement et simplement ses conclusions à fin d'injonction. Ce désistement partiel est pur et simple. Il y a donc lieu d'en donner acte.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
7. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
8. Il y a lieu, en application des dispositions précitées, de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 1 500 euros à verser à Me B..., avocat de M. D..., sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
D E C I D E :
Article 1er : Il est donné acte du désistement des conclusions à fin d'injonction présentées par M. D....
Article 2 : Le jugement n°1808253 du 12 juillet 2019 du tribunal administratif de Strasbourg et l'arrêté du 28 novembre 2018 du préfet du Bas-Rhin sont annulés.
Article 3 : L'Etat versera à Me B..., avocat de M. D..., une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
N° 19NC03381 2