Par une requête, enregistrée le 24 juin 2020, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 juin 2019 ;
3°) de faire injonction au préfet de la Meurthe-et-Moselle de lui délivrer une carte de résident algérien, à défaut de réexaminer sa situation sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué : est insuffisamment motivé ;
- la décision de refus de titre de séjour : viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales, l'article 6 alinéa 5 de l'accord franco-algérien et repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation ; est entaché d'erreur de droit en ce que le préfet s'est refusé à envisager la mise en oeuvre de son pouvoir de régularisation au regard des conditions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire : est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ; viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ; repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation ; est entachée d'erreur de droit en ce que le préfet s'est cru en situation de compétence liée par la décision de refus de séjour et s'est refusé à mettre en oeuvre son pouvoir d'appréciation ;
- la décision de refus de délai de départ volontaire : méconnaît le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il n'existait aucun risque qu'il se soustraie à la décision d'éloignement ;
- l'interdiction de retour sur le territoire : est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; est entaché d'erreur de droit du fait de sa qualité de commerçant ; est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'une telle mesure sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 avril 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 11 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive n° 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... A..., né en 1977, de nationalité algérienne, a déclaré être entré en France le 15 octobre 2009, date à laquelle il a sollicité un certificat de résidence algérien au motif de sa santé qui lui a été accordé jusqu'au 13 décembre 2012. Par une décision du 16 février 2015, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de renouveler le certificat de résidence de M. A... au titre de la santé et lui a également refusé la délivrance d'un certificat de résidence algérien d'une durée de dix ans aux motifs de sa vie privée et familiale, cette décision étant accompagnée à la même date, d'une obligation de quitter le territoire français. La légalité de ces décisions a été confirmée par le tribunal administratif de Nancy le 17 novembre 2015 et par la cour administrative d'appel de Nancy le 12 avril 2016. Le 18 avril 2016, M. A... a alors sollicité la délivrance d'un certificat de résidence en se prévalant de son activité de gérant de société. Sa demande a été rejetée par le préfet de Meurthe-et-Moselle par une décision du 26 octobre 2016. Le 19 mai 2018, M. A... a de nouveau sollicité la délivrance d'un certificat de résidence algérien en se prévalant de son activité de gérance de société et de sa vie privée et familiale. Par un arrêté du 4 juin 2019, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de délivrer à l'intéressé le certificat de résidence algérien demandé, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant un an. M. A... relève appel du jugement du 17 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'arrêté pris dans son ensemble :
2. L'arrêté attaqué mentionne de manière suffisante et non stéréotypée les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé afin de prendre à l'encontre de M. A... chacune des décisions qu'il comporte. Par suite, les moyens tirés du défaut de motivation seront écartés.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus". Bien que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne prévoit pas de modalités d'admission exceptionnelle au séjour semblables à celles prévues à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un préfet peut délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
4. M. A... fait valoir la durée de sa présence en France de près de dix ans, l'exercice d'une activité de restaurateur, sa maîtrise de la langue française ainsi que les liens importants qu'il a noués sur le territoire français. Toutefois, d'une part, la durée de la présence de M. A... sur le territoire français s'explique pour l'essentiel par le fait de son maintien en situation irrégulière en dépit d'une mesure d'éloignement prise à son encontre le 16 février 2015 dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif et la cour d'appel administrative de Nancy, ainsi que de différentes décisions de refus de séjour ultérieures. D'autre part, il résulte de l'instruction, qu'invité par les services de la préfecture par courrier du 26 octobre 2016 à solliciter un visa auprès des autorités françaises placées dans son pays d'origine dans le cadre de l'examen de sa demande de certificat de résidence au titre de son activité professionnelle, l'intéressé n'a pas donné suite mais a simplement demandé un nouvel examen de sa situation. En outre, par les pièces qu'il produit le requérant ne justifie de son activité économique qu'au titre de l'année 2017 seulement. Dans ces conditions, alors même qu'il est constant que M. A..., célibataire et sans enfant, est entré sur le territoire français à l'âge de 33 ans, les seules circonstances d'une bonne pratique de la langue française et d'un réseau amical important en France ne sauraient à elles seules suffire à établir que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui délivrant pas de certificat de résidence dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, ni en tout état de cause qu'il n'aurait pas tenu compte des préconisations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, laquelle est dépourvue de caractère réglementaire, ne comporte pas de lignes directrices et se borne à énoncer des orientations générales qui ne peuvent être utilement invoquées devant le juge administratif. Si M. A... fait valoir le décès de ses deux parents, il n'établit toutefois pas ne plus disposer d'attaches familiales dans son pays d'origine dans lequel il a vécu la majorité de sa vie. Dès lors, en refusant de délivrer un certificat de résidence à l'intéressé, nonobstant la bonne maîtrise de la langue française dont il se prévaut et l'importance de son réseau relationnel, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales, ni porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée au regard des motifs de ce refus, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
5. Enfin, il ressort de la décision attaquée que le préfet de Meurthe-et-Moselle ne s'est pas refusé à envisager de mettre en oeuvre son pouvoir de régularisation conformément aux règles ci-dessus rappelées. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit sera également écarté.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :
6. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire.
7. Par les mêmes motifs que ci-dessus, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales, des stipulations de l'accord franco-algérien et d'une erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.
8. Il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi qu'en atteste la rédaction de la décision attaquée, que le préfet de Meurthe-et-Moselle se serait estimé en situation de compétence liée pour édicter une obligation de quitter le territoire français à l'encontre de M. A..., à la suite de sa décision lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
Sur la légalité de la décision refusant un délai de départ volontaire :
9. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. _ L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ".
10. M. A... n'établit pas l'illégalité des décisions par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé le séjour en France et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir, par la voie de l'exception, que la décision lui refusant un délai de départ volontaire serait illégale en raison de l'illégalité de celles portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.
11. Pour refuser d'accorder un délai de départ volontaire à M. A..., le préfet de Meurthe-et-Moselle a estimé que le fait pour l'intéressé de s'être soustrait à l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre le 16 février 2015 représentait un risque qu'il se soustraie à nouveau à la décision d'éloignement du 4 juin 2019. Cette circonstance à elle seule permettait au préfet, qui a ainsi correctement apprécié la situation de M. A... au regard des dispositions susmentionnées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de refuser de lui octroyer un nouveau délai de départ volontaire, en dépit du fait que l'intéressé disposerait d'une résidence stable en France. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... justifie de circonstances particulières au vu desquelles le préfet aurait dû lui accorder un délai de départ volontaire pour l'exécution de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.
Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire :
12. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. _ L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
13. Faute d'établir l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français sans délai, M. A... n'est pas fondé à soutenir, par la voie de l'exception, que la décision d'interdiction de retour est illégale.
14. Il ressort des pièces du dossier que M. A... se maintient irrégulièrement sur le territoire français, en dépit de l'obligation de quitter le territoire français du 16 février 2015 et des différents refus de titre de séjour ultérieurs. Célibataire et sans enfant, il n'a pas de famille en France et ses seuls liens amicaux tissés depuis 2009 ne sauraient être regardés comme suffisamment intenses et stables alors qu'il a vécu jusqu'à l'âge de 33 ans en Algérie. Ainsi, bien que le comportement de M. A... ne représente pas une menace pour l'ordre public, alors qu'il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, et en dépit de l'activité commerciale dont se prévaut l'intéressé en situation irrégulière, c'est sans erreur de droit, sans erreur d'appréciation ni encore d'erreur de fait dans la situation de M. A..., que le préfet de Meurthe-et-Moselle a pu opposer à ce dernier une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, sa requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi ci-dessus visée du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Meurthe-et-Moselle.
N° 20NC01303 2