Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 juillet 2017 et le 17 octobre 2018, MmeC..., représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1404864 du tribunal administratif de Strasbourg du 2 mai 2017 ;
2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2008 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 7 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a cédé des actions qu'elle détenait dans le capital de la société par actions simplifiée (SAS) Bernard C...le 14 novembre 2008 et a placé à juste titre la plus-value réalisée à cette occasion sous le régime de l'exonération d'impôt prévue par l'article 150-0 D ter du code général des impôts ; le service a estimé à tort que la condition de rémunération posée par le 1° de l'article 885 O bis du même code, auquel renvoie l'article 150-0 D ter, n'était pas remplie par son ancien époux, M. A...C..., qui en était le dirigeant ; en jugeant qu'elle ne pouvait se prévaloir de l'instruction administrative référencée BOI 7-S-7-05 du 3 octobre 2005, en ce qu'elle énonce une tolérance qui concerne les sociétés en difficulté, au motif qu'elle se rapporte à l'impôt de solidarité sur la fortune et ne comporte aucune interprétation formelle de la loi fiscale relative à l'impôt sur le revenu, le tribunal lui a opposé un moyen qui n'était pas soulevé par l'administration fiscale et qui n'était pas d'ordre public, étant précisé que les parties s'accordaient sur le principe de l'application de cette instruction ; par ailleurs, le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la situation financière dégradée de la SAS Bernard C...lui permettait de bénéficier de la tolérance prévue par l'instruction précitée ;
- l'absence de rémunération perçue par M. A...C...de 2006 à 2008 constituait une rémunération normale au sens du 1° de l'article 885 O bis du code général des impôts, compte tenu des difficultés financières rencontrées par la SAS BernardC... ; la réalisation d'une plus-value de cession des parts de la SAS Bernard C...ne signifie pas qu'elle était en bonne santé financière ;
- l'instruction précitée du 3 octobre 2005 est opposable à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
- elle entre dans les prévisions de la décision de rescrit n° 2009/05 du 3 février 2009.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Une note en délibéré présentée par Me F...pour Mme C...a été enregistrée le 16 novembre 2018.
Vu
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dhers,
- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,
- et les observations de MeF..., représentant MmeC....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B...C...a cédé, le 14 novembre 2008, 74 677 actions de la société par actions simplifiée (SAS) BernardC..., dont son ancien époux, M. A...C..., était le dirigeant, au prix de 4 865 463 euros et l'usufruit de 6 187 actions de cette société au prix de 201 552,16 euros. Elle a placé la plus-value réalisée à cette occasion, d'un montant de 3 403 536 euros, sous le régime de l'abattement des plus-values prévu à l'article 150-0 D ter du code général des impôts, conduisant à exonérer d'impôt sur le revenu ladite plus-value. A la suite d'un contrôle sur pièces, effectué en 2010 dans le cadre de la procédure contradictoire, l'administration a remis en cause le bénéfice de cet abattement et a, en conséquence, assujetti la requérante à une cotisation supplémentaire d''impôt sur le revenu au titre de l'année 2008. Mme C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg la décharge de ce rappel d'impôt. Par un jugement rendu le 2 mai 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Mme C...relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En première instance, Mme C...s'était prévalue, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations de l'instruction administrative référencée BOI 7-S-7-05 du 3 octobre 2005, qui prévoient une tolérance s'agissant du critère de rémunération au profit des dirigeants dont l'entreprise est en difficulté. Le tribunal a jugé que la requérante ne pouvait se prévaloir de cette instruction au motif qu'elle se rapportait à l'impôt de solidarité sur la fortune et ne comportait aucune interprétation formelle de la loi fiscale relative à l'impôt sur le revenu. Mme C...soutient que le tribunal lui a opposé un moyen qui n'était pas exposé par l'administration fiscale et qui n'était pas d'ordre public et alors que les parties s'accordaient sur le principe de l'application de cette instruction au litige qui les opposait. La requérante fait également valoir que le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la situation financière dégradée de la SAS Bernard C...lui permettait de bénéficier de la tolérance prévue par l'instruction précitée.
3. Il appartient au juge administratif de se prononcer sur le bien-fondé des moyens dont il est saisi et, le cas échéant, d'écarter de lui-même, quelle que soit l'argumentation du défendeur, l'application d'une norme ou l'application d'énonciations de la doctrine administrative. Ainsi, en écartant le moyen de Mme C...au seul motif que l'instruction invoquée par elle ne s'appliquait pas au litige qui lui était soumis, le tribunal administratif de Strasbourg, qui n'a pas ce faisant soulevé un moyen d'ordre public qu'il aurait été tenu de communiquer aux parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, n'a pas entaché son jugement d'irrégularité. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé de l'imposition contestée :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
4. Aux termes de l'article 150-0 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année litigieuse : " I.-1. (...) les gains nets retirés des cessions à titre onéreux (...) de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu (...) ". Aux termes de l'article 150-0 D du même code, dans sa rédaction applicable aux rappels en litige : " 1. Les gains nets mentionnés au I de l'article 150-0 A sont constitués par la différence entre le prix effectif de cession des titres ou droits, net des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix effectif d'acquisition par celui-ci ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation (...) ". Aux termes de l'article 150-0 D bis du même code, dans sa version alors applicable : " I. - 1. Les gains nets mentionnés au 1 de l'article 150-0 D et déterminés dans les conditions du même article retirés des cessions à titre onéreux d'actions, de parts de sociétés ou de droits démembrés portant sur ces actions ou parts sont réduits d'un abattement d'un tiers pour chaque année de détention au-delà de la cinquième (...) ". Aux termes de l'article 150-0 D ter du même code, dans sa version applicable au présent litige : " I. - L'abattement prévu à l'article 150-0 D bis s'applique dans les mêmes conditions, à l'exception de celles prévues au V du même article, aux gains nets réalisés lors de la cession à titre onéreux d'actions, de parts ou de droits démembrés portant sur ces actions ou parts, acquis ou souscrits avant le 1er janvier 2006, si les conditions suivantes sont remplies : 1° La cession porte sur l'intégralité des actions, parts ou droits détenus par le cédant dans la société dont les titres ou droits sont cédés ou sur plus de 50 % des droits de vote ou, en cas de la seule détention de l'usufruit, sur plus de 50 % des droits dans les bénéfices sociaux de cette société ; 2° Le cédant doit : a) Avoir exercé au sein de la société dont les titres ou droits sont cédés, de manière continue pendant les cinq années précédant la cession et dans les conditions prévues au 1° de l'article 885 O bis, l'une des fonctions mentionnées à ce même 1° (...) ". Aux termes de l'article 885 O bis de ce code, dans sa rédaction applicable au rappel litigieux : " Les parts et actions de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option, sont également considérées comme des biens professionnels si leur propriétaire remplit les conditions suivantes : 1° Etre, soit gérant nommé conformément aux statuts d'une société à responsabilité limitée ou en commandite par actions, soit associé en nom d'une société de personnes, soit président, directeur général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire d'une société par actions. Les fonctions énumérées ci-dessus doivent être effectivement exercées et donner lieu à une rémunération normale. Celle-ci doit représenter plus de la moitié des revenus à raison desquels l'intéressé est soumis à l'impôt sur le revenu dans les catégories des traitements et salaires, bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices agricoles, bénéfices non commerciaux, revenus des gérants et associés mentionnés à l'article 62. (...) ".
5. L'article 150-0 D ter du code général des impôts a prévu que les gains nets que les dirigeants de petites et moyennes entreprises retirent de la cession à titre onéreux des titres de leur société lors de leur départ en retraite peuvent bénéficier, sous réserve du respect d'un ensemble de conditions relatives au cédant et à la société dont les titres sont cédés, de l'abattement pour durée de détention prévu à l'article 150-0 D bis du même code. Il résulte de ces dispositions, qui doivent être interprétées strictement compte tenu de leur caractère dérogatoire, que le bénéfice de l'abattement prévu à l'article 150-0 D ter du code général des impôts est en particulier subordonné au respect de plusieurs conditions relatives à la personne du cédant, tenant notamment à l'exercice effectif de fonctions de direction normalement rémunérées au sein de la société dont les titres sont cédés et à la cessation de toute fonction au sein de cette même société dans l'année suivant la cession. Par suite, le respect de ces conditions s'apprécie nécessairement, dans le cas d'un couple marié, au niveau de chaque conjoint pris isolément, alors même que le législateur a prévu, au b du 2° de l'article 150-0 D ter, que la condition relative à la détention de manière continue pendant les cinq années précédant la cession d'au moins 25 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société dont les titres sont cédés doit être appréciée tant au regard des titres détenus directement par le cédant que des titres détenus par l'intermédiaire d'autres membres de son groupe familial et notamment par son conjoint.
6. Il résulte de l'instruction que Mme C...n'a pas exercé des fonctions de direction au sein de la SAS Bernard C...de manière continue pendant les cinq années précédant la cession de parts sociales intervenue le 14 novembre 2008. Par suite, la requérante ne remplissait pas les conditions légales prévues par les dispositions précitées de l'article 150-0 D ter du code général des impôts pour bénéficier de l'abattement pour durée de détention prévu à l'article 150-0 D bis du même code.
En ce qui concerne le bénéfice de l'interprétation administrative de la loi fiscale :
7. En premier lieu, aux termes des énonciations de l'instruction administrative référencée BOI 7-S-7-05 du 3 octobre 2005 : " 9. Afin de permettre, lors de l'appréciation du caractère normal de la rémunération, la prise en compte de la situation économique et financière de l'entreprise et les modalités de fonctionnement de celle-ci, les assouplissements suivants sont apportés. 10. Dirigeant d'une entreprise en début d'activité ou d'une entreprise en difficulté. Dans le cas d'une entreprise nouvellement créée l'exonération des biens professionnels n'est pas remise en cause à raison du niveau de rémunération du dirigeant pendant deux ans. Il en est de même s'agissant d'une entreprise rencontrant des difficultés économiques, commerciales ou financières (diminution du chiffre d'affaires, réduction des marges, charges financières excessives...), lorsque le contribuable en fait état dans sa déclaration. Cette période de deux ans, décomptée depuis la première année au titre de laquelle les difficultés rencontrées ont été mentionnées dans la déclaration d'I.S.F., pourra être, le cas échéant, prorogée par voie de prise de position formelle de l'administration au sens de l'article L 80-B-1° du L.P.F (...) " ;
8. Une interprétation formelle de la loi fiscale par l'administration est susceptible d'être invoquée sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, quand bien même cette interprétation relative à un impôt serait exprimée dans un document concernant au premier chef un autre impôt. Si les dispositions précitées de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, qui subordonnent le bénéfice de l'abattement à l'exercice, par le cédant des parts sociales, de certaines fonctions au sein de la société, renvoient, pour la définition de ces fonctions et les conditions dans lesquelles elles doivent être exercées, au 1° de l'article 885 O bis du même code, ce renvoi ne saurait permettre à MmeC..., qui sollicite le bénéfice de l'abattement prévu par les articles 150-0 D bis et 150-0 D ter pour le calcul de son impôt sur le revenu, de se prévaloir utilement de l'instruction 7 S-7-05 du 3 octobre 2005, qui se rapporte à l'impôt de solidarité sur la fortune et ne comporte expressément aucune interprétation formelle de la loi fiscale relative à l'impôt sur le revenu.
9. En second lieu, aux termes de la décision de rescrit n° 2009/05 du 3 février 2009 : " (...) en principe, seul le cédant qui remplit l'ensemble des conditions prévues à l'article 150-0 D ter précité du CGI, notamment celle tenant à la détention d'une participation substantielle dans le capital de la société concernée prévue au b du 2° du I dudit article 150-0 D ter, peut bénéficier des dispositions prévues à cet article. L'instruction administrative, publiée le 22 janvier 2007 au bulletin officiel des impôts admet toutefois que, si l'un au moins des cofondateurs cédants remplit l'ensemble des conditions pour bénéficier du dispositif prévu à l'article 150-0 D ter du CGI, les autres cofondateurs cédants peuvent également, sous certaines conditions, en bénéficier, lorsque les conditions suivantes sont remplies : - les actionnaires ou associés cofondateurs cédants doivent avoir été présents dans le capital de la société dont les titres sont cédés depuis sa constitution et de manière continue jusqu'à la cession ; - les cessions réalisées par les cofondateurs, autres que celui qui remplit les conditions prévues à l'article 150-0 D ter du CGI, doivent porter sur l'intégralité des titres ou droits qu'ils détiennent dans la société concernée ; - les cessions réalisées par l'ensemble des cofondateurs cédants interviennent à la même date et doivent porter sur plus de 25 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de ladite société ; - en cas de cession à une entreprise, les cofondateurs cédants qui ne remplissent pas les conditions de l'article 150-0 D ter du CGI ne doivent pas détenir, directement ou indirectement, de participation (droits de vote ou droits financiers) dans la société cessionnaire (...) ".
10. Il résulte de l'instruction que le capital social de la SAS Bernard C...était majoritairement possédé par M. A...C...et Mme D...C..., qui détenaient respectivement 46,65 % et 45,76 % des parts en pleine propriété et chacun l'usufruit de 3,79 % des parts sociales, leur belle-fille, Mme E...C...ne détenant que la nue-propriété de parts représentant 7,58 % de ce capital. Ainsi qu'il est jugé par un arrêt n° 17NC01580 rendu le même jour par la cour de céans, M. A...C..., dirigeant de la société précitée, ne pouvait bénéficier de l'abattement pour durée de détention prévu à l'article 150-0 D bis du code général des impôts. Il résulte de l'instruction que Mme C...et sa belle-fille n'étaient pas dirigeantes de la SAS BernardC.... Dès lors, aucun des cédants ne remplissait l'ensemble des conditions pour bénéficier du dispositif prévu à l'article 150-0 D ter du code général des impôts. Par suite, et pour ce seul motif, Mme C... n'entre pas dans les prévisions de la décision de rescrit n° 2009/05 du 3 février 2009.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande de décharge du rappel d'impôt litigieux.
Sur les conclusions présentées par Mme C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
13. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...C...et au ministre de l'action et des comptes publics.
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N° 17NC01581