Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 décembre 2015 et
10 juin 2016, M.A..., représenté par Me Provenzano, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'administration n'établit ni le caractère erroné de l'application du régime de taxation sur la marge ni le fait qu'il savait ou ne pouvait ignorer ce caractère erroné ;
- l'administration n'établit pas son intention d'éluder l'impôt et par suite le bien-fondé des majorations de 40 % qui lui ont été infligées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Etienvre ;
- les conclusions de Mme Peton-Philippot ;
- et les observations de Me Provenzano, avocat représentant M.A....
1. Considérant que l'entreprise individuelle de commerce de véhicules automobiles exploitée par M. B...A..., sous l'enseigne " Prowagen ", a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale a remis en cause l'application du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge à trois opérations d'achat-revente au cours de la période du 1er septembre 2009 au 31 décembre 2009, vingt-six opérations d'achat-revente au cours de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010 et dix-huit opérations d'achat-revente au cours de la période du 1er janvier 2011 au 31 octobre 2011 ; que M. A...relève appel du jugement du 6 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en résultant ainsi que des pénalités dont ces rappels ont été assortis ;
Sur les conclusions aux fins de décharge :
2. Considérant qu'aux termes du 1° du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises. " ; qu'en vertu du 2° bis du même I, dans ses versions successivement applicables : " les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat " prises pour la mise en oeuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006/112/CE du
28 novembre 2006 susvisée, reprenant, à compter du 1er janvier 2007, les B ou C de l'article 26 bis de la directive n° 77/388/CEE du 17 mai 1977 susvisée ; qu'aux termes du 1° du I de l'article 297 A du même code : " La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion (...) qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti-revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts, lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur, situé en France ou dans un autre Etat membre, qui, en sa qualité d'assujetti-revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions précitées de l'article 297 E du même code, et dont le propre fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ; que l'administration peut toutefois remettre en cause l'application de ce régime lorsque l'entreprise française ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti-revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 313 de la directive susvisée du 28 novembre 2006 ;
4. Considérant que, lorsqu'une entreprise produit des factures émanant de ses fournisseurs mentionnant que les ventes de véhicules s'effectuaient sous le régime de la taxe sur la marge mentionné ci-dessus, il incombe à l'administration, si elle s'y croit fondée, de démontrer, d'une part, que les mentions portées sur ces factures sont erronées et, d'autre part, que le bénéficiaire de ces achats de véhicules savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires taxables sur l'intégralité du prix ;
5. Considérant qu'il est constant que les factures délivrées par les fournisseurs de
M. A...mentionnaient explicitement le régime de taxe sur la marge ; qu'il appartient, dès lors, à l'administration fiscale de démontrer, d'une part, que les mentions portées sur ces factures sont erronées et, d'autre part, que M. A...savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires taxables sur l'intégralité du prix ;
6. Considérant qu'à cet effet, l'administration fiscale se prévaut des résultats de la consultation des bases de données de recoupement intra-communautaire et des demandes d'assistance administrative faites aux autorités espagnoles ; qu'elle fait valoir que M. A...était en possession des documents d'immatriculation révélant que les véhicules en cause avaient appartenu à des professionnels de la location ou des entreprises assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée et que ces véhicules provenaient essentiellement d'Allemagne où ils ont été la propriété de sociétés ou d'entreprises alors que la législation de ce pays prévoit la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'acquisition des véhicules de tourisme ; que le service invoque également l'absence d'un intérêt commercial pour l'entreprise de
M. A...située à proximité de l'Allemagne à recourir à des fournisseurs espagnols et de la qualité de professionnel de l'automobile de M. A...qui aurait dû être alerté par l'aspect éphémère de certaines des sociétés espagnoles et l'emploi commun par celles-ci de moyens matériels et humains ;
7. Considérant toutefois qu'il ne résulte pas de l'instruction que les cartes grises des véhicules comportaient la mention " véhicules sans chauffeurs " ou " véhicules de location " ; qu'ainsi, la seule circonstance que ces véhicules aient appartenu à des entreprises de location ou des entreprises utilisatrices ne suffit pas à établir que ces entreprises ont effectivement déduit la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'acquisition de ces véhicules dès lors qu'elle ne permet pas de déterminer avec certitude si l'opération en cause a ou non ouvert un droit à déduction à ces propriétaires ; que l'administration fiscale a d'ailleurs dû procéder pour s'assurer que les ventes des véhicules avaient été placées sous le régime des livraisons intra-communautaires par les fournisseurs de M. A...à une consultation des bases de données de recoupement intra-communautaire ainsi qu'à des demandes d'assistance administrative auprès des autorités fiscales espagnoles ; que les résultats de ces démarches ne concernent au demeurant pas l'intégralité des fournisseurs en cause dont certains ne sont pas espagnols ; que, dans ces conditions, l'administration fiscale n'établit pas que M.A..., qui ne disposait que d'une expérience limitée dans le domaine de l'automobile, et n'avait, au demeurant, qu'un seul client, savait ou aurait dû savoir que les opérations d'achat-revente de véhicules automobiles en litige présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires taxables sur l'intégralité du prix et non selon le régime de taxation sur la marge ; que M. A...est, en conséquence, fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a remis en cause l'application, lors des opérations d'achat-revente mentionnées au point 1, de ce régime de taxation sur la marge et à demander la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont il demeure redevable ainsi que des pénalités dont ces rappels ont été assortis ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 6 octobre 2015 est annulé.
Article 2 : Il est accordé à M. A...décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont il demeure redevable au titre de la période du 1er septembre 2009 au 31 octobre 2011 ainsi que des pénalités dont ils ont été assortis.
Article 3 : L'Etat versera à M. A...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...et au ministre de l'économie et des finances.
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N° 15NC02349