Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 juillet 2016, MmeC..., représentée par
MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 juin 2016 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de l'Aube du 22 janvier 2016 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aube de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur la décision de refus de titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée dès lors que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier et approfondi de sa situation ;
- elle est entachée d'un vice de procédure, faute de saisine de la commission du titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle est mère de deux enfants de nationalité française à sa charge et résidant en France ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation pour les mêmes motifs, compte tenu en outre de la présence en France de membres de sa famille et de la qualité de son intégration ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, dès lors qu'elle aurait pour conséquence de séparer ses enfants de leur mère ou de leur père, sa fille étant par ailleurs scolarisée en France ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision doit être annulée en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et des demandeurs d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Par un mémoire en défense enregistré le 13 octobre 2016, la préfète de l'Aube conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la requérante à lui verser une somme de
1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Mme C...été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 19 septembre 2016.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 dont les dispositions ont été notamment reprises par l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Didiot,
- et les observations de Me Ancelet, avocat de la préfète de l'Aube.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...)6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée " ; qu'aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant (...) " ;
2. Considérant qu'il est constant que MmeC..., ressortissante centrafricaine entrée sur le territoire national en août 2012, est mère de deux enfants nés respectivement en septembre 2012 et juin 2014 de pères français, sa fille s'étant vu reconnaître la nationalité française par filiation à la date de la décision attaquée ; que l'administration, pour refuser à la requérante le renouvellement de son titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, lui a opposé le défaut de résidence habituelle en France, au motif que son passeport et ceux de ses enfants faisaient état de plusieurs séjours en République centrafricaine entre 2013 et 2015, dont deux de plusieurs mois consécutifs entre septembre 2013 et février 2014 d'une part, et d'octobre 2014 à avril 2015 d'autre part ; que toutefois, la requérante produit à l'instance la copie de l'acte de décès de son père en septembre 2013 et explique avoir ainsi regagné longuement son pays d'origine à cette période afin de soutenir sa mère ; qu'elle indique sans être contestée que son deuxième séjour à partir du mois d'octobre 2014 était justifié par l'état de santé déclinant de cette dernière ; qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier, notamment de ses fiches d'imposition, que l'intéressée a exercé diverses activités professionnelles en France à compter de l'année 2013, ainsi que des démarches à fin d'obtention d'un logement social dès 2014 ; qu'elle est titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de femme de chambre depuis le mois de juin 2015 ; qu'elle produit également de nombreux éléments relatifs à la scolarisation de sa fille et aux frais réguliers de garde de ses enfants à compter du mois de septembre 2015 ; que l'ensemble de ces éléments établissent suffisamment la résidence habituelle de Mme C...et de ses enfants en France à la date de la décision du 22 janvier 2016 portant refus de renouvellement du titre de séjour, sans qu'y fassent obstacle les séjours, pour la plupart ponctuels, effectués en République centrafricaine ; qu'en outre, le préfet n'établit pas que la requérante ne contribuerait pas effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants depuis leur naissance, alors qu'il n'est pas contesté qu'ils sont à sa charge et ont toujours résidé avec elle ; que, par suite, c'est à tort que la préfète de l'Aube a considéré que Mme C...ne remplissait pas les conditions susmentionnées de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il s'ensuit que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour doit être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons en Champagne a rejeté sa demande en annulation ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
4. Considérant qu'il y a lieu, eu égard aux motifs de l'annulation susmentionnée, d'enjoindre à la préfète de l'Aube de délivrer à Mme C...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
5. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
6. Considérant qu'il y a lieu, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à MeB..., conseil de la requérante, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1600377 du tribunal de Châlons-en-Champagne est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 22 janvier 2016 par lequel la préfète de l'Aube a refusé de délivrer à Mme C...un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination est annulé.
Article 3 : Il est enjoint à la préfète de l'Aube de délivrer à Mme C...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me B...une somme de 1 000 (mille) euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée à la préfète de l'Aube.
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N° 16NC01467