Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée par télécopie le 23 juillet 2014 et régularisée par courrier le 18 août suivant, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 22 mai 2014 ;
2°) à titre principal, de prononcer la décharge des impositions et pénalités contestées ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner la désignation d'un expert aux fins de calculer les indemnités kilométriques ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la proposition de rectification qui lui a été adressée est insuffisamment motivée ;
- elle n'a pu de ce fait interrompre la prescription ;
- la procédure d'imposition des revenus relevant de la catégorie des capitaux mobilier est irrégulière, dès lors que ce chef de redressement, qui procède de la remise en cause de charges déduites des résultats de la société TRF, est relatif à un litige sur lequel la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ne s'était pas encore prononcée ;
- l'administration ne démontre pas qu'il aurait eu la disposition de la somme de 96 000 euros imposée dans la catégorie des traitements et salaires ;
- l'imposition de cette somme ne pouvait, eu égard à son fait générateur, être rattachée à l'année 2008 ;
- il justifie dans leur principe et leur montant des indemnités kilométriques versées par la société TRF pour l'exercice de sa profession ;
- l'application de la majoration de 10 % prévue par l'article 1758 du code général des impôts est contraire aux articles 6, 8 et 13 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle fait double emploi avec les intérêts de retard et les majorations de 40 % pour manquement délibéré ;
- ces majorations ne sont pas justifiées.
Par un mémoire enregistré le 19 décembre 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Boyer,
- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.
1. Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la SAS TRF dont M. C... est le dirigeant, portant sur la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009, le dossier fiscal de M. C... a fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel des rectifications lui ont été notifiées par proposition de rectification du 19 octobre 2010, d'une part en matière de traitements et salaires au titre de l'année 2008, d'autre part en matière de revenus de capitaux mobiliers au titre des années 2007 et 2008 ; que les suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales assortis de pénalités qui en ont résulté ont été contestés par M. C... devant le tribunal administratif de Nice, qui a rejeté sa demande de décharge par jugement du 22 mai 2014 ; que M. C... relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. " ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une notification de redressements doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations ;
3. Considérant d'une part, que la proposition de rectification du 19 octobre 2010 adressée à M. C... indique que sont imposables à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2008 dans la catégorie des traitements et salaires, en application des articles 12, 13 et 83 du code général des impôts, des primes et gratifications versées au requérant par la société TRF pour un montant de 96 000 euros au titre de l'année 2008 ; que d'autre part, le vérificateur a repris dans cette proposition de rectification la teneur de la proposition de rectification notifiée à la SAS TRF, sous la forme d'un extrait relatif aux dépenses de frais de voyages et déplacements non admises en déduction, dans lequel il est notamment précisé que les indemnités kilométriques ayant fait l'objet de la déduction dont il s'agit ont été réintégrées à concurrence de 53 780 euros en 2007 et de 64 125 euros en 2008 dans les résultats de la société à défaut de présentation de pièces justificatives probantes ; que le vérificateur en a tiré la conséquence que les rehaussements ainsi opérés devaient être regardés comme correspondant à des bénéfices distribués au profit du requérant au sens du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, imposables par suite à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des capitaux mobiliers ; qu'ainsi les motifs justifiant les redressements notifiés à M. C... ont été exposés de façon suffisamment circonstanciée pour mettre en mesure le requérant de faire valoir utilement ses observations, alors même que des éléments d'information complémentaires ont été ultérieurement apportés par l'administration en réponse aux observations de l'intéressé ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la proposition de rectification du 19 octobre 2010 ne répondrait pas aux exigences des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales doit être écarté ;
4. Considérant, en second lieu, que la circonstance que, lorsqu'est intervenue la proposition de rectification du 19 octobre 2010, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ne s'était pas encore prononcée sur le différend concernant les rehaussements notifiés à la SAS TRF est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie à l'égard du requérant à titre personnel ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'exception de prescription opposée par M. C... :
5. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 que M. C... ne saurait soutenir que la proposition de rectification qui lui a été adressée n'a pu valablement interrompre la prescription en raison d'un défaut de motivation ;
En ce qui concerne la rectification opérée dans la catégorie des traitements et salaires au titre de l'année 2008 :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année " ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la somme de 96 000 euros réintégrée dans les revenus imposables au titre de l'année 2008 dans la catégorie des traitements et salaires correspond à la prime attribuée au requérant par acte sous seing privé des associés de la SAS TRF en date du 3 décembre 2007, confirmé par décision de l'assemblée générale ordinaire du 30 juin 2008 ; que cette somme, inscrite au compte 428600 " personnel charge à payer " en 2007, a été versée le 18 décembre 2008 par débit du compte bancaire que la société détient à la Société Générale ; que la circonstance que le compte 428600 présentait toujours au 31 décembre 2008 un solde créditeur de 96 000 euros est sans incidence sur le présent litige dès lors que l'administration fait valoir sans être valablement contredite que cette écriture correspond à l'attribution à M. C..., par une décision des associés en date du 6 septembre 2008, d'une nouvelle prime de 96 000 euros, qui a donné lieu à un versement à hauteur de 80 000 euros au cours de l'année 2009 ; qu'ainsi, l'administration établit, contrairement à ce qui est soutenu, que M. C... a disposé de la somme de 96 000 euros au cours de l'année 2008 au sens de l'article 12 du code général des impôts ;
En ce qui concerne les rectifications opérées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre des années 2007 et 2008 :
8. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ; qu'il appartient au contribuable, pour l'application de ces dispositions, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; qu'il peut apporter cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que, dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration, après avoir estimé que la SAS TRF n'avait pas produit d'éléments suffisamment probants pour justifier l'enregistrement, en tant que dépenses de frais de voyages et déplacements, des indemnités kilométriques versées à M. C..., a réintégré, sur le fondement de l'article 39-1 du code général des impôts, les montants de ces indemnités dans les résultats imposables à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2007 et 2008 ; qu'en application des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts aux termes duquel : " Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ", elle a regardé les sommes en cause comme présentant le caractère de revenus réputés distribués entre les mains de M. C... ;
10. Considérant, d'une part, que contrairement à ce que soutient M. C..., il appartenait à la société TRF de produire des éléments suffisamment précis pour justifier de la réalité du caractère professionnel des dépenses qu'elle a portées en déduction de ses résultats ; que, d'autre part, les documents produits lors de la vérification de comptabilité et à nouveau présentés dans la présente instance, notamment constitués de relevés kilométriques globaux attribués à trois véhicules pour chacune des années en litige, de relevés sommaires de voyages ou missions effectués par M. C... ou par Mme C..., et de documents relatifs à des déplacements pour le compte d'autres personnes que la société TRF, ne permettent pas d'établir que les sommes en cause correspondraient à des frais kilométriques engagés par son dirigeant dans l'intérêt de l'entreprise ; qu'il suit de là que le requérant, qui ne conteste pas l'appréhension des sommes en litige, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration les a réintégrées dans son revenu imposable en tant que revenus de capitaux mobiliers ;
Sur les pénalités :
11. Considérant, en premier lieu, que l'administration n'a pas fait application de la majoration de 10 % prévue à l'article 1758 A du code général des impôts ; que les moyens tirés de ce que l'application de cette majoration, d'une part, méconnaîtrait les stipulations des articles 6, 8 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, et, d'autre part, de ce qu'elle ferait double emploi avec l'application des intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré doivent donc être écartés comme inopérants ;
12. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entrainent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...). " ; qu'en vertu des dispositions de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, il incombe à l'administration d'apporter la preuve du manquement délibéré reproché au contribuable à raison de l'omission déclarative ;
13. Considérant qu'en retenant que M. C... ne pouvait ignorer avoir perçu une prime de 96 000 euros alors qu'il avait lui-même signé l'acte du 3 décembre 2007 décidant de son attribution et que, s'agissant des revenus distribués, il a été procédé de façon répétée par la SAS TRF, dont le requérant était le dirigeant, à des remboursements de frais non justifiés, l'administration doit être regardée comme établissant l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt ; que, par suite, c'est à bon droit que les impositions en litige ont été assorties de la pénalité pour manquement délibéré prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande de décharge des impositions contestées ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête présentée par M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2016, où siégeaient :
- M. Cherrier, président,
- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur,
- Mme Boyer, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 décembre 2016.
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N° 14MA03398
mtr