Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 4 août 2014 sous le n° 14MA03486 et un mémoire en réplique enregistré le 26 septembre 2016, l'EURL Mister Kebab, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 20 juin 2014 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la réponse que l'administration a donnée le 13 mars 2012 à ses observations est insuffisamment motivée ;
- elle n'a pas été informée, avant la mise en recouvrement, des modifications apportées aux rehaussements initialement notifiés ;
- le rejet de sa comptabilité n'est pas fondé ;
- la charge de prouver le bien-fondé des impositions en litige incombe à l'administration contrairement à ce qu'a jugé le tribunal ;
- les taux de perte retenus par le vérificateur en ce qui concerne les kebabs, les sandwiches, les paninis, les ciabattas, les cafés et les pâtisseries sont insuffisants ;
- les pénalités qui lui ont été appliquées ne sont pas justifiées.
Par un mémoire enregistré le 3 décembre 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par l'EURL Mister Kebab ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Boyer,
- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.
1. Considérant que l'EURL Mister Kebab, dont M. A... est le gérant et unique associé, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, dans le cadre de laquelle l'administration, après avoir rejeté la comptabilité, a procédé à une reconstitution du chiffre d'affaires de l'entreprise ; que l'EURL Mister Kebab relève appel du jugement du 20 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande de décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés à la suite de ce contrôle ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...). / Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée " ; que selon l'article L. 48 du même code : " A l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou d'une vérification de comptabilité, lorsque des rectifications sont envisagées, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou dans la notification mentionnée à l'article L. 76, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications. Lorsqu'à un stade ultérieur de la procédure de rectification contradictoire l'administration modifie les rehaussements, pour tenir compte des observations et avis recueillis au cours de cette procédure, cette modification est portée par écrit à la connaissance du contribuable avant la mise en recouvrement, qui peut alors intervenir sans délai " ;
3. Considérant que, dans la réponse qu'il a adressée le 13 mars 2012 à l'EURL Mister Kebab à la suite de ses observations sur la proposition de rectification du 16 décembre 2011, le vérificateur, contrairement aux affirmations de l'appelante, n'a pas limité son argumentation à la justification de la majoration pour manquement délibéré mais s'est également prononcé de manière circonstanciée sur les arguments avancés par l'intéressée pour contester les taux de pertes et offerts ainsi que les quantités de produits retenues par le service pour procéder à la reconstitution de son chiffre d'affaires ; que le vérificateur a notamment accepté, pour les cafés, de porter le taux d'offerts à 20 % et de retenir un prix moyen de 1,83 euro au lieu de 1,50 euro ; qu'il a ensuite précisé les conséquences financières de ces modifications, les suppléments de taxe sur la valeur ajoutée étant ramenés, en droits et pénalités de 8 089 euros à 6 111 euros au titre de l'année 2008 ; que, dès lors, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de ce que la réponse en date du 13 mars 2012 ne serait pas motivée et de ce que l'EURL Mister Kebab n'aurait pas été informée, avant la mise en recouvrement, des modifications apportées aux rehaussements initialement notifiés ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " (...) La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) " ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'EURL Mister Kebab utilisait, au cours des années vérifiées, une caisse enregistreuse SHARP UP 3500 dotée d'un logiciel permettant notamment les traitements de données tels que l'édition de notes pour la clientèle, le calcul de la taxe sur la valeur ajoutée, l'établissement de comptes de gestion par des programmes définis par l'utilisateur ; que si les requérants font valoir que cette caisse enregistreuse ne servait qu'à l'impression des tickets clients et que la comptabilité de l'EURL Mister Kebab ne pouvait, par suite, être regardée comme irrégulière au regard des exigences applicables à une comptabilité informatisée au sens de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, il n'est, en tout état de cause, pas sérieusement contesté que les données de caisse communiquées sur support papier au vérificateur faisaient apparaître des enregistrements de recettes globalisés en fin de journée ainsi qu'une absence de numérotation chronologique ininterrompue, et n'étaient pas accompagnées de documents de nature à justifier ces enregistrements ; que, de plus, le vérificateur a relevé qu'il ressortait de l'inventaire des stocks que les boissons étaient globalisées par contenance, que la caisse a enregistré des mouvements non justifiés de crédit sous le libellé " apport " ou " prêts ", et que l'EURL Mister Kebab a effectué des achats auprès de la " Boucherie du soleil " sans que les tickets de vente ne mentionnent la nature des produits achetés ; que, compte tenu de l'ensemble de ces irrégularités, c'est à bon droit que le vérificateur a rejeté la comptabilité de l'EURL Mister Kebab et a procédé à la reconstitution de ses recettes ;
En ce qui concerne la reconstitution des recettes :
S'agissant de la charge de la preuve :
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'EURL Mister Kebab a répondu aux propositions de rectifications qui lui ont été adressées dans les délais légaux dont elle disposait, compte tenu de ses demandes de prolongation de ces délais ; que, par suite, à défaut d'avoir constaté l'absence de toute comptabilité, il revient à l'administration de supporter la charge de prouver le bien-fondé des impositions en litige ;
S'agissant de la méthode de reconstitution :
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que pour procéder à la reconstitution des recettes de l'EURL Mister Kebab, le vérificateur, après avoir procédé au dépouillement des achats de kebabs, viandes, pains, viennoiseries et boissons, qu'il a corrigés de la prise en compte des stocks et d'un taux de pertes, offerts et consommations du personnel de 5 % sur les boissons et de 10 % sur les produits alimentaires, a retenu des prix unitaires sur la base de tarifs déterminés contradictoirement avec le gérant de l'EURL Mister Kebab ; que le vérificateur a appliqué aux kebabs une réfaction supplémentaire de 30 % en raison des pertes de poids des viandes du fait de leur décongélation et de leur cuisson, avant d'admettre de nouveau un taux de 10 % au titre des pertes, offerts et consommations du personnel ; que si la société revendique, pour les pertes liées à la décongélation et à la cuisson des kebabs, un taux de 41 %, le procès-verbal de constat d'huissier en date du 26 janvier 2012 dont elle se prévaut sur ce point n'est pas de nature à remettre en cause le taux de 30 % appliqué par le service, qui a été déterminé en accord avec le gérant de l'entreprise ; qu'en outre les viandes dont il est fait état dans le procès-verbal n'ont pour la plupart pas été retenues dans la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires ; que l'EURL Mister Kebab n'est pas davantage fondée à faire valoir que le taux de pertes de 10 % appliqué aux baguettes, aux paninis et aux ciabattas serait insuffisant, dès lors que la perte de cinq baguettes par jour qu'elle prétend avoir subie, sans assortir cette allégation d'aucune pièce justificative, correspond à des taux de 32 % en 2009 et 24 % en 2010 dont il n'est pas sérieusement contesté qu'ils sont excessifs au regard des conditions économiques dans lesquelles était exploitée l'entreprise, notamment du fait qu'elle était en mesure d'ajuster les achats de denrées périssables à des ventes quotidiennes relativement stables ; que s'agissant des cafés, la société n'est, d'une part, pas fondée à faire valoir que l'administration aurait, à tort, retenu le prix unitaire de deux euros pour la totalité de l'année 2008, dès lors qu'il résulte de l'instruction qu'en raison du changement de tarif intervenu à compter du 1er mai 2008, le service a décidé, en réponse à ses observations, d'appliquer un prix moyen de 1,83 euro pour l'année entière ; que, d'autre part, si l'EURL Mister Kebab demande la prise en compte d'une consommation de quatre cafés par jour par le personnel et le gérant, cette demande, qui correspond à des taux de pertes relativement élevés, à savoir respectivement plus de 50 % et 30 % des cafés vendus en 2009 et 2010, n'est pas assortie de justifications de nature à faire regarder comme insuffisant le taux de 15 % appliqué par le vérificateur ; que s'agissant des pâtisseries, la société ne produit pas davantage d'éléments de nature à corroborer l'allégation selon laquelle, en raison de la pose d'un échafaudage au-dessus de son établissement entre septembre 2009 et septembre 2011, elle aurait connu un important taux de pertes, qu'elle évalue à 40 % contre 10 % appliqué par l'administration ; que, dans ces conditions, la société n'est pas fondée à soutenir que l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe du bien-fondé de la méthode de reconstitution qui a conduit aux rectifications en litige ;
Sur les pénalités :
8. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du même code : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) " ; qu'en vertu des dispositions de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, il incombe à l'administration d'apporter la preuve du manquement délibéré reproché au contribuable à raison de l'omission déclarative ;
9. Considérant qu'en retenant que la comptabilité de l'EURL Mister Kebab était affectée d'importantes irrégularités du fait notamment de l'absence de pièces justificatives de recettes, et que ces manquements ont entraîné une reconstitution des recettes révélant des omissions représentant respectivement 36 %, 9 % et 37 % du chiffre d'affaires déclaré en 2008, 2009 et 2010, l'administration doit être regardée comme établissant l'intention délibérée d'éluder l'impôt et, par suite, comme justifiant les pénalités pour manquement délibéré dont les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de l'EURL Mister Kebab ont été assortis ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'EURL Mister Kebab n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête présentée par l'EURL Mister Kebab est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Mister Kebab et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2016, où siégeaient :
- M. Cherrier, président,
- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur,
- Mme Boyer, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 décembre 2016.
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N° 14MA03486
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