Procédure devant la cour :
I.) Par une requête, enregistrée le 9 mars 2018 sous le numéro 18NC00682, la SASP Stade de Reims, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1601316 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 11 janvier 2018 ;
2°) de prononcer une restitution de 164 882 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'exonération des droits d'entrée aux manifestations sportives de la taxe sur la valeur ajoutée applicable était contraire à la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, ce que confirme un avis motivé adressé par la Commission européenne à la France le 10 juillet 2014 et l'amendement présenté par le gouvernement le 13 octobre 2014, dans le cadre des débats relatifs à la loi de finances pour 2015, qui a été définitivement été adopté le 18 décembre 2014 ; la Commission européenne a ouvert une nouvelle procédure à l'encontre de la France ;
- en instaurant un mécanisme permettant aux communes d'exonérer les droits d'entrée aux manifestations sportives de la taxe sur la valeur ajoutée, la France a méconnu la " clause de gel " figurant à l'article 371 de la directive du 28 novembre 2006.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 août 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
II.) Par une requête, enregistrée le 9 mars 2018 sous le numéro 18NC00683, la SASP Stade de Reims, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1601329 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 11 janvier 2018 ;
2°) de prononcer une restitution de 41 687 euros au titre de la taxe sur les salaires de l'année 2011 et de 118 161 euros au titre de la taxe sur les salaires de l'année 2012.
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soulève les mêmes moyens que ceux qui sont exposés dans l'instance numéro 18NC00682.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 août 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu
- les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dhers,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société anonyme sportive professionnelle (SASP) Stade de Reims, qui gère un club de football professionnel, a demandé à l'administration fiscale, par deux réclamations des 30 décembre 2013 et 29 décembre 2015, de lui restituer les sommes de 164 882 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, de 41 687 euros au titre de la taxe sur les salaires de l'année 2011 et de 118 161 euros au titre de la taxe sur les salaires de l'année 2012. Par deux décisions des 2 et 25 mai 2016, l'administration n'a que partiellement fait droit à ses demandes portant sur la taxe sur les salaires. La SASP Stade de Reims a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la totalité des restitutions sollicitées. Par deux jugements rendus le 11 janvier 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes. La SASP Stade de Reims relève appel de ces jugements.
Sur la jonction :
2. Les requêtes susvisées n°18NC00682 et 18NC00683 de la SASP Stade de Reims présentent à juger des questions similaires et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur les demandes de restitution :
3. Aux termes de l'article 231 du code général des impôts : " 1. Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant (...) et à la charge des personnes ou organismes (...) qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations (...) ". Aux termes de l'article 261 E du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 3° Les droits d'entrée perçus par les organisateurs de réunions sportives soumises à l'impôt sur les spectacles, jeux et divertissements ". Aux termes de l'article 271 du même code, dans sa version applicable aux périodes litigieuses : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) ". Aux termes de l'article 273 de ce code : " 1. Des décrets en Conseil d'Etat déterminent les conditions d'application de l'article 271. Ils fixent notamment : (...) - les modalités suivant lesquelles la déduction de la taxe ayant grevé les biens ou services qui ne sont pas utilisés exclusivement pour la réalisation d'opérations imposables doit être limitée ou réduite. ". Aux termes de l'article 205 de l'annexe II au code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction. ". Aux termes de l'article 206 de ladite annexe, dans sa version applicable au présent litige : " I. - Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission (...) III. - 1. Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est égal à l'unité lorsque les opérations imposables auxquelles il est utilisé ouvrent droit à déduction. 2. Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est nul lorsque les opérations auxquelles il est utilisé n'ouvrent pas droit à déduction.3. Lorsque le bien ou le service est utilisé concurremment pour la réalisation d'opérations imposables ouvrant droit à déduction et d'opérations imposables n'ouvrant pas droit à déduction, le coefficient de taxation est calculé selon les modalités suivantes : 1° Ce coefficient est égal au rapport entre : a. Au numérateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations ouvrant droit à déduction, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; b. Et, au dénominateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations imposables, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations (...) ".
4. La SASP Stade de Reims a appliqué l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée, alors prévue par les dispositions précitées du 3° de l'article 261 E du code général des impôts, aux droits d'entrée qu'elle a perçus sur les réunions sportives. Elle a en conséquence déterminé ses droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, selon les règles prévues par les articles 205 et 206 de l'annexe II au code général des impôts et, en application de l'article 231 du code général des impôts, payé la taxe sur les salaires. La société requérante a contesté l'inclusion d'une partie de ses recettes dans le champ de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée et a demandé, par suite, le remboursement de la fraction de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle n'a pu déduire, du fait de cette inclusion, au titre de la période précitée, ainsi que la restitution des cotisations de taxe sur les salaires qu'elle a acquittées au titre des années 2011 et 2012.
5. En premier lieu, en édictant les dispositions, citées au point 3, du 3° de l'article 261 E du code général des impôts, issues de la loi du 29 décembre 1978 de finances rectificatives pour 1978 et prises pour la transposition de la directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, le législateur a entendu maintenir l'exonération dont bénéficiaient auparavant les réunions sportives, sur le fondement du 5° du 1 de l'article 261 du même code qui exonérait " les affaires qui entrent dans le champ de l'impôt sur les spectacles ". Par suite, les réunions sportives soumises à l'impôt sur les spectacles au sens des dispositions du 3° de l'article 261 E de ce code sont celles qui entrent dans le champ d'application de cet impôt en vertu de l'article 1559 du même code aux termes duquel, dans sa version applicable au litige : " Les spectacles, jeux et divertissements de toute nature sont soumis à un impôt dans les formes et modalités déterminées par les articles 1560 à 1566. (...) ".
6. Si la loi du 29 décembre 1989 de finances rectificative pour 1989 a prévu, au b du 3° de l'article 1561 du code général des impôts, la faculté pour le conseil municipal d'exempter d'impôt sur les spectacles " l'ensemble des compétitions sportives organisées pendant l'année sur le territoire de la commune ", alors que cette possibilité d'exonération était jusque-là limitée aux seules " réunions exceptionnelles ", il résulte de ce qui précède que cette extension de l'exonération facultative d'impôt sur les spectacles est restée sans incidence sur la portée de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux réunions sportives, dès lors que ces dernières, même lorsqu'elles en sont exonérées, demeurent....dans le champ d'application de l'impôt sur les spectacles
7. En second lieu, aux termes de l'article 371 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, qui reprend les dispositions du b) du 3 de l'article 28 de la sixième directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 : " Les États membres qui, au 1er janvier 1978, exonéraient les opérations dont la liste figure à l'annexe X, partie B, peuvent continuer à les exonérer, dans les conditions qui existaient dans chaque État membre concerné à cette même date. ". Le 1) de la partie B de l'annexe X à cette directive mentionne " la perception de droits d'entrée aux manifestations sportives ". Ces dispositions interdisent aux Etats membres de l'Union européenne d'introduire de nouvelles exonérations de taxe sur la valeur ajoutée ou d'étendre la portée des exonérations existantes postérieurement au 1er janvier 1978 ;
8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 6 que l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée applicable à la perception de droits d'entrée aux manifestations sportives, qui couvre l'ensemble des manifestations situées dans le champ d'application de l'impôt sur les spectacles, est restée inchangée depuis le 1er janvier 1978. Par suite, le maintien de cette exonération ne méconnaissait pas les dispositions de l'article 371 de la directive du 28 novembre 2006.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la SASP Stade de Reims n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes de restitution. Par suite, ses conclusions à fin de restitution ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de la SASP Stade de Reims sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SASP Stade de Reims et au ministre de l'action et des comptes publics.
2
N° 18NC00682,18NC00683