Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 août 2016, la commune d'Ecromagny, représentée par Mes Montrichard et Ciaudo, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1400800 du tribunal administratif de Besançon du 21 juin 2016 ;
2°) de prononcer la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er janvier au 31 mars 2008 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé s'agissant du moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification et, plus particulièrement, sur le fait que l'administration n'a pas indiqué les motifs pour lesquels les travaux qu'elle a réalisés seraient des immobilisations susceptibles d'engendrer une régularisation de taxe sur la valeur ajoutée, d'autant que les biens résultants des travaux en cause n'ont pas été intégrés dans son patrimoine et ont été remis aux bénéficiaires des travaux ;
- le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tiré de ce que l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts ne lui était pas applicable ;
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée pour les raisons qui viennent d'être exposées ;
- l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts ne lui est pas applicable, dès lors qu'elle a opté pour l'assujettissement de son service public d'assainissement non collectif à la taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 260 A de ce code ;
- elle a effectué des travaux de mise aux normes d'installations individuelles d'assainissement non collectif, en l'occurrence des opérations de terrassement, de déconnexion des systèmes d'évacuation préexistants, de fourniture et de pose en tranchée de canalisations, de mise en place de nouvelles fosses septiques et de leur raccordement aux installations ; les travaux qu'elle a exécutés ne constituent pas des immobilisations et les biens qui résultent de la réalisation de ces travaux ne font pas partie de son patrimoine, puisqu'ils ont été remis aux bénéficiaires de ces travaux ;
- l'opération a eu un impact important sur ses finances et, en cas de rejet de sa requête, elle engagera la responsabilité sans faute de l'Etat et de la communauté de communes de la Haute Vallée de l'Ognon.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la santé publique ;
- l'arrêté du 22 juin 1999 portant homologation du règlement n° 99-03 du Comité de la réglementation comptable ;
- l'arrêté du 27 août 2002 relatif à l'approbation de plans comptables applicables au secteur public local ;
- l'arrêté du 17 décembre 2007 relatif à l'instruction budgétaire et comptable M. 4 applicable aux services publics locaux industriels et commerciaux ;
- l'arrêté du 14 décembre 2009 relatif à l'instruction budgétaire et comptable M. 4 applicable aux services publics locaux industriels et commerciaux ;
- l'arrêté du 16 décembre 2010 relatif à l'instruction budgétaire et comptable M. 4 applicable aux services publics locaux industriels et commerciaux ;
- l'arrêté du 27 décembre 2011 relatif à l'instruction budgétaire et comptable M. 4 applicable aux services publics locaux industriels et commerciaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dhers,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
1. Considérant que, par une délibération du 8 septembre 2007, la commune d'Ecromagny a opté, en application de l'article 260 A du code général des impôts, pour l'assujettissement de son service public d'assainissement non collectif à la taxe sur la valeur ajoutée à compter du 1er octobre 2007 ; qu'elle a effectué de 2007 à 2011 des travaux de mise aux normes d'installations individuelles d'assainissement non collectif ; que, par un arrêté du préfet de la Haute-Saône du 12 décembre 2012, elle a été intégrée le 1er janvier 2013 dans le périmètre de la communauté de communes de la Haute Vallée de l'Ognon et la compétence qu'elle exerçait en matière de service public d'assainissement non collectif a été transférée à cet établissement public de coopération intercommunale à cette même date ; que la commune d'Ecromagny a fait l'objet d'une vérification de comptabilité en 2016 à la suite de laquelle l'administration a estimé que la commune requérante aurait dû procéder à une régularisation globale de la taxe sur la valeur ajoutée au titre du 1er trimestre 2013, en application de l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts à raison de ces travaux ; que la commune d'Ecromagny a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge du rappel qui en est résulté et qui s'est élevé à 30 649 euros ; que, par un jugement du 21 juin 2016, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ; que la commune d'Ecromagny relève régulièrement appel de ce jugement ;
Sur le bien-fondé des impositions contestées :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 256 B du code général des impôts : " Les personnes morales de droit public ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'activité de leurs services administratifs, sociaux, éducatifs, culturels et sportifs lorsque leur non-assujettissement n'entraîne pas de distorsions dans les conditions de la concurrence (...) " ; qu'aux termes de l'article 260 A du même code : " Les collectivités locales, leurs groupements ou leurs établissements publics peuvent, sur leur demande, être assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée au titre des opérations relatives aux services suivants : (...) assainissement (...) " ; qu'aux termes de l'article 207 de l'annexe II à ce code, dans sa rédaction applicable au rappel litigieux : " (...) II.-1. Pour les biens immobilisés, une régularisation de la taxe initialement déduite est opérée chaque année pendant cinq ans, dont celle au cours de laquelle ils ont été acquis, importés, achevés, utilisés pour la première fois ou transférés entre secteurs d'activité constitués en application de l'article 209 (...) Par dérogation à la durée mentionnée au 1 et à la fraction mentionnée au 2, cette régularisation s'opère pour les immeubles immobilisés par vingtième pendant vingt années (...) III.-1. Une régularisation de la taxe initialement déduite et grevant un bien immobilisé est également opérée : (...) 5° Lorsqu'il cesse d'être utilisé à des opérations imposables (...) " ; qu'aux termes de l'article 208 de cette annexe : " I. - Le montant de la taxe déductible doit être mentionné sur les déclarations déposées pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée (...) Les régularisations prévues à l'article 207 doivent également être mentionnées distinctement sur ces déclarations (...) " ; qu'en vertu de l'article L. 1331-1-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à la période en litige, les immeubles non raccordés au réseau public de collecte des eaux usées sont équipés d'une installation d'assainissement non collectif dont le propriétaire assure l'entretien et la vidange et, en cas de non-conformité de son installation d'assainissement non collectif à la réglementation en vigueur, le propriétaire doit procéder aux travaux prescrits par le document établi à l'issue du contrôle prévu au III de l'article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriale et qui est effectué par les communes ; qu'en application du III de l'article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable à la période litigieuse, les communes peuvent, avec l'accord du propriétaire, assurer des travaux de réalisation et des travaux de réhabilitation des installations d'assainissement non collectif ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 38 quater de l'annexe II au code général des impôts : " Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt " ; qu'aux termes de l'article 211-1 du plan comptable général, dans sa rédaction applicable au litige : " 1 - Un actif est un élément identifiable du patrimoine ayant une valeur économique positive pour l'entité, c'est-à-dire un élément générant une ressource que l'entité contrôle du fait d'événements passés et dont elle attend des avantages économiques futurs (...) 6- La définition générale d'un actif est complétée comme suit dans les deux situations suivantes : (...) sont considérés comme des éléments d'actifs, pour les entités du secteur public, les éléments utilisés pour une activité ou pour la partie d'activité autre qu'industrielle et commerciale, et dont les avantages futurs ou la disposition d'un potentiel de services attendus profiteront à des tiers ou à l'entité conformément à sa mission ou à son objet (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2224-11 du code général des collectivités territoriales : " Les services publics d'eau et d'assainissement sont financièrement gérés comme des services à caractère industriel et commercial " ; qu'aux termes de l'instruction budgétaire et comptable M. 4 applicable aux services publics locaux industriels et commerciaux, dans sa rédaction applicable à l'année 2007 : " Les immobilisations comprennent tous les biens et valeurs destinés à rester durablement sous la même forme dans le patrimoine (...) " ; qu'aux termes de cette instruction, dans sa rédaction applicable aux années 2008 à 2012 : " 2.2.1. La définition des actifs : Un actif est un élément identifiable du patrimoine ayant une valeur économique positive pour l'entité, c'est-à-dire un élément générant une ressource que l'entité contrôle du fait d'événements passés et dont elle attend des avantages économiques futurs. Cette définition s'applique aux éléments suivants : - les immobilisations corporelles, qui sont des actifs physiques dont l'entité attend qu'il soit utilisé au-delà de l'exercice en cours (...) 2.2.2. Les critères généraux de comptabilisation des actifs : Une immobilisation corporelle, incorporelle ou un stock est comptabilisé à l'actif lorsque les conditions suivantes sont simultanément réunies : - il est probable que l'entité bénéficiera des avantages économiques futurs correspondants ; - son coût ou sa valeur peut être évalué avec une fiabilité suffisante (...) " ;
4. Considérant qu'au cours des années 2007 à 2011 la commune d'Ecromagny a entrepris chez des particuliers des travaux de mise aux normes de leurs installations individuelles d'assainissement non collectif, en procédant notamment à des opérations de terrassement, de déconnexion des systèmes d'évacuation préexistants, de fourniture et de pose en tranchée de canalisations et de mise en place de nouvelles fosses septiques ; que les constructions résultant de ces travaux présentaient un caractère immobilier au sens des dispositions précitées de l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts ; qu'il résulte, toutefois de l'instruction, et en particulier des conventions conclues par la commune avec les particuliers concernés, que lesdites constructions sont devenues la propriété de ces derniers dès l'achèvement des travaux ; que ces constructions ne sauraient être regardées comme constituant des biens restant durablement sous la même forme dans le patrimoine de la commune ou générant des ressources qu'elle contrôle au sens des dispositions précitées de l'instruction budgétaire et comptable M. 4, alors même que les travaux litigieux auraient été imputés sur le compte 21532 " réseaux assainissement " dans la comptabilité de la commune et que celle-ci perçoit des redevances et des subventions pour le service public d'assainissement non collectif qu'elle assume ; que la commune d'Ecromagny s'est, en réalité, bornée à effectuer pour le compte des propriétaires des travaux relatifs aux installations d'assainissement non collectif, comme le permettent les dispositions du III de l'article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriale ; que, dans ces conditions, les biens immeubles résultant de ces travaux ne sauraient être regardés comme constituant des actifs immobilisés pour la commune d'Ecromagny ; que, dès lors, la commune d'Ecromagny n'était tenue à aucune régularisation de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il suit de là qu'elle est fondée à demander, pour ce seul motif, la décharge du rappel litigieux ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que la commune d'Ecromagny est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune d'Ecromagny et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1400800 du tribunal administratif de Besançon du 21 juin 2016 est annulé.
Article 2 : Il est accordé à la commune d'Ecromagny la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er janvier au 31 mars 2008.
Article 3 : L'Etat versera à la commune d'Ecromagny une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Ecromagny et au ministre de l'action et des comptes publics.
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N° 16NC01828