Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 octobre 2016, M. et MmeA..., représentés par la société d'avocats Juidicia conseils, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007, 2008, 2009 et 2010 et des majorations correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- en émettant une proposition de rectification sans avoir respecté le délai de trente jours accordé aux requérants pour produire des renseignements supplémentaires, l'administration a entaché la procédure d'irrégularité ;
- en ne leur communiquant pas l'ensemble des pièces visées dans la proposition de rectification, l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;
- la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B du code général des impôts est acquise l'année où l'investissement productif est livré ;
- en vertu de l'instruction BOI 5 B-2-07 n° 148, la date de réalisation de l'investissement est, ainsi qu'il est précisé au premier alinéa de l'article 95 Q de l'annexe II du code général des impôts, l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée, c'est-à-dire achevée par l'entreprise, ou lui est livrée ;
- en vertu de cette même instruction, l'administration ne pouvait exclure les prestations annexes facturées par la société Lynx Industrie de la somme servant de base de calcul de pour la réduction d'impôt.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. et Mme A...n'est fondé.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Martinez,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
1. Considérant que M. et MmeA..., associés de plusieurs sociétés en participation (SEP) gérées par la société Dom-Tom Défiscalisation (DTD), ont imputé sur le montant de leur impôt sur le revenu au titre des années 2007, 2008, 2009 et 2010 sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, des réductions d'impôt résultant d'investissements réalisés en Martinique par lesdites sociétés consistant en l'acquisition de centrales photovoltaïques installées sur les toits des habitations des particuliers et données en location à d'autres sociétés en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique ; que ces réductions d'impôt ont été remises en cause par l'administration fiscale notamment au motif qu'en l'absence de raccordement des installations au réseau électrique géré par la société Electricité de France (EDF) aux dates du 31 décembre 2007 et du 31 décembre 2008, les investissements considérés n'étaient pas éligibles au bénéfice du régime de faveur et ne pouvaient en conséquence ouvrir droit à une réduction d'impôt au titre de ces années ; que M. et Mme A...relèvent appel du jugement n° 1302925 du 4 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007, 2008, 2009 et 2010 et des majorations correspondantes ;
Sur les conclusions à fin de décharge :
En ce qui concerne les impositions au titre des années 2007 et 2008 :
2. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l' article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande " ;
3. Considérant qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent ; que lorsque le contribuable en fait la demande à l'administration, celle-ci est tenue de lui communiquer les documents ou copies de documents contenant les renseignements obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés ; qu'il en va ainsi, alors même que le contribuable a pu avoir connaissance de ces renseignements ou de certains d'entre eux, afin notamment de lui permettre d'en vérifier, et le cas échéant d'en discuter, l'authenticité et la teneur ; que d'autre part, les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales instituent une garantie au profit de l'intéressé ;
4. Considérant d'une part, que les requérants avaient, par courrier du 24 février 2011, sollicité la communication de " l'ensemble des pièces auxquelles l'administration fait référence dans la proposition de rectification " et qui ont fondé les rectifications résultant de la proposition de rectification du 22 décembre 2010 ; que, dans sa réponse du 27 septembre 2012 aux observations formulées par M. et MmeA..., l'administration leur a indiqué qu'ils devaient déjà être en possession d'une plaquette commerciale de la société DTD ainsi que d'un dossier de souscription, et que la réponse au droit de communication exercé auprès d'EDF leur avait déjà été communiquée ; que M. et Mme A...soutiennent que cette communication était incomplète dès lors qu'il n'ont été destinataires d'aucune des pièces visées par les propositions de rectification en litige, notamment les procès-verbaux de mise à disposition du matériel photovoltaïque et les factures émises par la société Lynx Industrie et mentionnant le prix de l'investissement ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification litigieuse, que l'administration a, pour l'année d'imposition 2007, justifié les rectifications en remettant en cause la date à laquelle ont été établis les procès-verbaux de mise à disposition ainsi que le prix de revient de l'investissement, résultant des facture émises par la société Lynx et déclaré pour chaque année en cause pour des montants de 298 000 euros, qui a servi de base au calcul des réductions d'impôts en litige ; qu'à supposer, comme le soutient l'administration, que les procès-verbaux ne puissent être regardés comme des documents sur lesquels elle a fondé les redressements, il est cependant constant que les factures émises par la société Lynx, qui détaillaient le montant de l'investissement, ont permis au service de constater que ce montant ne se limitait pas à l'acquisition des panneaux photovoltaïques mais comportait également des prestations annexes en violation, selon l'administration, des dispositions de l'article 199 undecies B ; que par ailleurs, l'administration ne pouvait pas s'abstenir de répondre, avant la mise en recouvrement des impositions, à une demande relative à des documents obtenus de tiers, mentionnés dans la proposition de rectification et qui avaient fondé les redressements, alors même que les contribuables auraient pu avoir, par ailleurs, connaissance des renseignements contenus dans ces documents ; que dès lors les requérants sont fondés à soutenir que l'administration n'a pas respecté l'obligation résultant des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales de communiquer, avant mise en recouvrement, la copie des documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir les impositions litigieuses ; que cette omission, qui a privé les contribuable d'une garantie, vicie la régularité de la procédures d'imposition au titre de l'année 2007 ;
6. Considérant d'autre part, que les requérants avaient, par courrier du 6 janvier 2012, sollicité la communication de " l'ensemble des pièces auxquelles l'administration fait référence dans la proposition de rectification " et qui ont fondé les rectifications résultant de la proposition de rectification 7 novembre 2011 ; que dans sa réponse du 27 septembre 2012 aux observations de M. et MmeA..., l'administration s'est bornée à leur adresser la copie des documents obtenus dans l'exercice de son droit de communication, auprès d'Electricité de France (EDF) et de divers services douaniers relatifs, selon le cas, à la livraison des installations de panneaux photovoltaïques ou à leur raccordement au réseau électrique ; que les requérants soutiennent que cette communication était incomplète dès lors qu'il n'ont pas été destinataires des autres pièces mentionnées par le service, soit la brochure d'information diffusée par la société DTD, le dossier de souscription, le bilan des SEP ainsi que les factures établies par la société Lynx Industrie et mentionnant le prix de l'investissement ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification litigieuse, que l'administration a, pour l' année d'imposition 2008, justifié les rectifications en remettant en cause les attestations fournies par la société DTD et en soulignant la disproportion entre les fonds récoltés et les investissements effectués par la dite société ; qu'elle a également retenu que le fait générateur de la réduction d'imposition n'était pas intervenu ; qu'elle a enfin remis en cause le prix de revient de l'investissement, résultant des facture émises par la société Lynx et déclaré pour chaque année en cause des montants de 298 000 euros, qui a servi de base au calcul des réductions d'impôts en litige ; qu'à supposer, comme le soutient l'administration, que la brochure d'information diffusée par la société DTD ainsi que le dossier de souscription ou le bilan des SEP ne puissent être regardés comme des documents sur lesquels elle a fondé les redressements, il est cependant constant que les factures émises par la société Lynx, qui détaillaient le montant de l'investissement, ont permis au service de constater que ce montant ne se limitait pas à l'acquisition des panneaux photovoltaïques mais comportait également des prestations annexes en violation, selon l'administration, des dispositions de l'article 199 undecies B ; que, dans ces conditions, et alors même que ces renseignements sont susceptibles de correspondre à ceux portés sur l'attestation qui est délivrée par chaque SEP et que les contribuables doivent joindre à la déclaration de leurs revenus en vertu des dispositions de l'article 95 T de l'annexe II au code général des impôts, les requérants sont fondés à soutenir que l'administration n'a pas respecté l'obligation résultant des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales de communiquer, avant mise en recouvrement, la copie des documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir les impositions litigieuses ; que cette omission, qui a privé les contribuable d'une garantie, vicie la régularité de la procédure d'imposition au titre de l'année 2008 ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme A...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des majorations correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007 et 2008 consécutivement à la remise en cause de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts ;
En ce qui concerne les impositions supplémentaires dues au titre des années 2009 et 2010 :
9. Considérant que pour les impositions dues au titre des années 2009 et 2010, les requérants ont bénéficié du report de l'excédent de réduction d'impôt consécutif au dispositif de plafonnement des réductions d'impôt pratiquées ; que l'administration a remis en cause cette imputation de l'excédent des réductions d'impôt au motif que la remise en cause de la réduction d'impôt pratiquée à raison des investissements auxquels M. et Mme A...ont procédé au titre des années 2007 et 2008 emportait par voie de conséquence la remise en cause des réductions d'impôt dont M. et Mme A...ont bénéficié au titre des années 2009 et 2010 ; qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 8 du présent arrêt que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010 ainsi que des majorations correspondantes ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 4 octobre 2016 est annulé.
Article 2 : M. et Mme A...sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007, 2008, 2009 et 2010 ainsi que des majorations correspondantes.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A...une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. à M. et Mme B...A...et ministre de l'action et des comptes publics.
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N°16NC02409