Mme B...D...née E...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 15 février 2017 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1701893,1701894 du 28 juin 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 septembre 2017, M. et MmeD..., représentés par MeC..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés du 15 février 2017 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de les admettre au séjour, les a obligés à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, et a prononcé à l'encontre de M. D...une interdiction de séjour pendant un an ;
2°) d'annuler ces arrêtés du 15 février 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de leur délivrer un titre de séjour et, subsidiairement, de réexaminer leur situation personnelle, dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à leur conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
Sur les décisions leur refusant le séjour :
- les décisions sont entachées d'un défaut d'examen particulier de leur situation ;
- les décisions méconnaissent les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet de la Moselle ne pouvait se fonder sur l'article R. 5221-20 du code du travail pour refuser de leur délivrer un titre de séjour ;
- les décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
- les décisions sont illégales en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- les décisions méconnaissent les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur les décisions fixant le délai de départ volontaire :
- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence ;
- les décisions sont insuffisamment motivées ;
- les décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur les décisions fixant le pays de renvoi :
- les décisions ne sont pas motivées ;
- les décisions sont contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par ordonnance du 26 février 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 9 mars 2018.
Un mémoire présenté par le préfet de la Moselle a été enregistré le 16 mars 2018, postérieurement à la clôture d'instruction.
M. et Mme D...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 28 août 2017.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lambing.
1. Considérant que M. et MmeD..., nés respectivement en 1986 et 1987 de nationalité bosnienne, seraient entrés irrégulièrement en France une première fois en 2013 et ont quitté le territoire français en 2015 après avoir bénéficié de l'aide au retour à la suite de la notification d'une mesure d'éloignement ; qu'ils sont entrés une seconde fois en France en janvier 2016 selon leurs déclarations ; qu'ils ont sollicité leur admission au séjour au titre de l'asile ; que leurs demandes d'asile ont été déclarées irrecevables par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 18 février 2016 ; que leurs recours ont été rejetés par la Cour nationale du droit d'asile le 7 juin 2016 ; que M. D...a sollicité son admission exceptionnelle au séjour au titre du travail ; que Mme D...a quant à elle déposé le 6 décembre 2016 une demande de titre de séjour ; que par arrêtés du 15 février 2017, le préfet de la Moselle a refusé de les admettre au séjour, les a obligés à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, et a prononcé à l'encontre de M. D...une interdiction de séjour pendant un an ; que M. et Mme D...relèvent appel du jugement du 28 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés du 15 février 2017 ;
Sur la légalité des décisions leur refusant le séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que les requérants reprennent en appel les moyens qu'ils avaient invoqués en première instance tirés de l'insuffisance de motivation des décisions de refus de titre de séjour, du défaut d'examen particulier de leur situation et de ce que le préfet aurait entaché la décision de refus de séjour prise à l'encontre de M. D...en lui opposant les dispositions de l'article R. 5221-20 du code du travail ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens à l'appui desquels les requérants ne présentent aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation qu'ils avaient présentée devant le tribunal administratif par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 " ; qu'en présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ;
4. Considérant d'une part, qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour, M. D... a transmis aux services de la préfecture de Moselle une demande d'autorisation de travail pour un salarié étranger en qualité de monteur établie par une société souhaitant l'embaucher et un certificat de travail en qualité de monteur installateur du 25 mai 2004 au 29 mars 2010 ; que le préfet ne disposait ainsi d'aucune indication sur les caractéristiques du poste, sur la qualification et l'expérience professionnelle de M. D...; que d'autre part, les problèmes de santé de M. D..., dont il n'a pas été fait état dans la demande de titre de séjour, la scolarité débutante en France des enfants, le souhait d'insertion professionnelle de M. D... et son expérience professionnelle ne suffisent pas à caractériser des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, M. et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que le préfet a méconnu l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
5. Considérant, en troisième lieu, que M. et Mme D...étaient en France depuis un an à la date des décisions attaquées ; qu'ils ont déjà fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement en 2015 et ont bénéficié de l'aide au retour ; qu'il n'est pas établi que M. D... ne pourrait pas poursuivre son traitement médicamenteux en lien avec son état anxiodépressif dans son pays d'origine ou que l'arrêt de son traitement aurait des conséquences graves pour son état de santé ; que la scolarité des enfants est débutante en France, ces derniers n'ayant été inscrits que depuis mai 2016 en écoles primaire et élémentaire ; que les requérants ne justifient pas avoir tissé des liens sociaux forts en France ; qu'eu égard aux conditions de leur séjour en France, le préfet n'a pas entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :
6. Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. et Mme D...n'établissent pas l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour ; que, dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ces décisions doit être écarté ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié " ;
8. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage l'éloignement d'un étranger du territoire national, de vérifier que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays de renvoi ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement décider l'éloignement de l'étranger que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays de renvoi ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ;
9. Considérant que M. et Mme D...soutiennent que ce dernier ne pourra pas bénéficier effectivement d'un traitement adapté à son état de santé dans son pays d'origine ; que, la production des seules ordonnances de prescription de médicaments et les certificats médicaux mentionnant son état anxiodépressif ne permettent pas d'établir que son état de santé nécessite une prise charge médicale dont le défaut aurait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'en outre, Mme D...ne peut utilement se prévaloir de l'état de santé de son mari à l'appui de son moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le préfet de la Moselle n'a pas entaché ses décisions d'illégalité ;
Sur la légalité des décisions refusant un délai de départ volontaire :
10. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ressort des termes mêmes des arrêtés attaqués que le préfet a pris en compte l'ensemble des circonstances de droit et de fait pour apprécier la situation des intéressés et décider de ne pas assortir les obligations de quitter le territoire français dont les requérants font l'objet d'un délai de départ volontaire ; que, par suite, les moyens tirés de ce que le préfet aurait insuffisamment motivé les décisions en litige et se serait cru en situation de compétence liée doivent être écartés ;
11. Considérant, en second lieu, que si M. et Mme D...se prévalent de l'état de santé de M. D...et du risque qu'aurait pour lui l'interruption brutale de son traitement, ils n'établissent pas que sa situation médicale nécessiterait de fixer un délai de départ volontaire ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les décisions en litige seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté ;
Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :
12. Considérant, en premier lieu, que les requérants reprennent en appel le moyen qu'ils avaient invoqué en première instance tiré de l'insuffisance de motivation des décisions fixant le pays de destination ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen à l'appui duquel les requérants ne présentent aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation qu'ils avaient présentée devant le tribunal administratif par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;
13. Considérant, en second lieu, que si les requérants soutiennent qu'ils encourent des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Bosnie, ils n'apportent aucun élément permettant d'établir le caractère réel, personnel et actuel des risques ainsi allégués ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que M. et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 15 février 2017 par lesquels le préfet de la Moselle a refusé de les admettre au séjour, les a obligés à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, et a prononcé à l'encontre de M. D... une interdiction de séjour pendant un an ; qu'il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction, et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Mme B... D...née E...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise pour information au préfet de la Moselle.
2
N° 17NC02309