Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 septembre 2017, la société civile immobilière (SCI) Elb, représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2010 au 31 mai 2013 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en ne réalisant que deux interventions et n'examinant que des contrats établis par des tiers, l'administration l'a privée d'un débat oral et contradictoire ;
- la vérification de comptabilité s'est irrégulièrement poursuivie au-delà du 1er août 2013 ;
- dès lors qu'elle assure au moins trois des prestations énumérées au b du 4° de l'article 261 D du code général des impôts, elle entre dans le champ d'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SCI Elb ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lambing,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société civile immobilière (SCI) Elb, propriétaire d'une villa dans le département du Gard qui est donnée en location par bail commercial à la société à responsabilité limitée (SARL) Madison, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité. Par proposition de rectification du 7 novembre 2013, l'administration lui a notifié dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes pour la période du 1er janvier 2010 au 31 mai 2013. La SCI Elb relève appel du jugement du 13 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. ".
3. Dans le cas où la vérification de comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat. Lorsqu'après la fin des opérations de contrôle sur place, le vérificateur obtient des pièces nouvelles, celles-ci sont présumées ne pas avoir fait l'objet d'un débat oral et contradictoire, sauf preuve contraire rapportée par l'administration. L'absence de débat, dans une telle hypothèse, n'est en principe pas de nature à affecter la régularité de la procédure d'imposition, sauf s'il apparaît que les pièces recueillies après la fin des opérations de vérification, en raison de leur teneur, de leur portée et de l'usage qui en a été fait par l'administration, impliquaient la réouverture du débat oral et contradictoire sur la comptabilité de l'entreprise.
4. La SCI Elb soutient qu'elle a été privée d'un débat oral et contradictoire durant la vérification de comptabilité réalisée au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 mai 2013 dès lors qu'elle n'a bénéficié que d'un premier rendez-vous de prise de contact avec le vérificateur et d'un second portant sur la synthèse des redressements. Elle fait valoir également que la vérification de comptabilité s'est prolongée après le 1er août 2013, date de la dernière intervention du vérificateur, sans que les documents obtenus par l'administration après cette date n'aient été soumis à un débat oral et contradictoire.
5. Il résulte de l'instruction que le vérificateur a rencontré M.A..., le gérant de la société requérante, les 29 juillet et 1er août 2013, au cabinet de l'expert comptable, à la demande de ce dernier. Il n'est pas contesté que, lors de la première intervention, le gérant de la SCI Elb a remis à l'administration des copies des fichiers des écritures comptables relatifs à la période vérifiée ainsi que le bail commercial conclu entre ladite société et la SARL Madison, qui exploite la villa. Lors de la réunion du 1er août 2013, des documents relatifs à l'activité de la SCI Elb ont été examinés et rapprochés des écritures comptables. M. A...a précisé à l'administration au cours de cet entretien être en possession des contrats et factures permettant de justifier la fourniture des prestations énumérées aux dispositions du b du 4° de l'article 261 D du code général et impôts et ouvrant droit à l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée. Le gérant de la SCI Elb a présenté ces pièces à l'administration le 5 septembre 2013. La proposition de rectification notifiée le 7 novembre 2013 à la société requérante a remis en cause son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée au motif que la SARL Madison réalisait des prestations de location en meublé saisonnière et non des prestations d'hébergement à caractère hôtelier. Il ressort des termes mêmes de ladite proposition de rectification que l'administration a analysé les contrats de location saisonnière et le contrat de prestations de services conclu entre la SARL Madison et la SNC Just Sud, produits, à la demande du vérificateur, par la société requérante le 5 septembre 2013, et en a tiré les conséquences pour fonder les redressements en litige. Il s'ensuit que ces pièces, recueillies après la fin des opérations de vérification, qui ne se sont déroulées que durant une période de quatre jours, impliquaient, en raison de leur teneur, de leur portée et de l'usage qui en a été fait par l'administration, la réouverture du débat oral et contradictoire sur la comptabilité de l'entreprise, alors même qu'il ne s'agissait pas de documents issus de la comptabilité de la société vérifiée. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, l'absence de réouverture du débat oral et contradictoire avec le gérant de la SCI Elb, à la suite de la production des pièces en cause avant la notification de la proposition de rectification et l'expiration du délai de contrôle, a privé la société requérante d'une garantie attachée à la procédure de contrôle et, par conséquent, a entaché d'irrégularité la procédure d'imposition.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Elb est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2010 au 31 mai 2013.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le paiement à la SCI Elb d'une somme de 1 500 euros.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1406158 du 13 juillet 2017 est annulé.
Article 2 : La SCI Elb est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2010 au 31 mai 2013.
Article 3 : L'Etat versera à la SCI Elb la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Elb et au ministre de l'action et des comptes publics.
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N° 17NC02235