Procédure devant la cour :
I) - Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 août 2016 et 21 février 2017, sous le n° 16NC001819, le préfet de la Moselle demande à la cour :
- d'annuler le jugement du 28 juin 2016 du tribunal administratif de Nancy en tant qu'il a annulé l'arrêté du 20 avril 2015 refusant d'admettre provisoirement M. B...C...au séjour en qualité de demandeur d'asile ;
- de rejeter la demande d'annulation présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Nancy.
Il soutient que le motif d'annulation retenu par le tribunal est infondé dès lors que les époux C...avaient reçu une information complète sur leurs droits dans une langue qu'ils comprennent conformément aux dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2017, M.C..., représenté par MeA..., conclut, à titre principal, au non-lieu à statuer dès lors qu'il a été autorisé à déposer une demande d'asile en France, subsidiairement, au rejet de la requête et à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et, enfin, à la condamnation de l'Etat à verser à son conseil une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir que :
- le préfet n'établit pas qu'il aurait reçu une information sur ses droits conforme à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- il reprend en tant que de besoin l'ensemble de ses moyens d'annulation soulevés en première instance.
II - Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 août 2016 et 21 février 2017, sous le n° 16NC01825, le préfet de la Moselle demande à la cour :
- d'annuler le jugement du 28 juin 2016 du tribunal administratif de Nancy en tant qu'il a annulé l'arrêté du 20 avril 2015 refusant d'admettre provisoirement Mme D...C...au séjour en qualité de demandeur d'asile ;
- de rejeter la demande d'annulation présentée par Mme C...devant le tribunal administratif de Nancy.
Il soutient que le motif d'annulation retenu par le tribunal est infondé dès lors que les époux C...avaient reçu une information complète sur leurs droits dans une langue qu'ils comprennent, conformément aux dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2017, MmeC..., représentée par MeA..., conclut, à titre principal, au non-lieu à statuer dès lors qu'elle a été autorisée à déposer une demande d'asile en France, subsidiairement, au rejet de la requête, et à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et enfin à la condamnation de l'Etat à verser à son conseil une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle fait valoir que :
- le préfet n'établit pas qu'elle aurait reçu une information sur ses droits conforme à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- elle reprend en tant que de besoin l'ensemble de ses moyens d'annulation soulevés en première instance.
M. et Mme C...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décisions du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 8 décembre 2016.
Vu :
- les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le règlement nº 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 ;
- le règlement UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- la directive 2005/85/CE du 1er décembre 2005 ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 dont les dispositions ont été notamment reprises par l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Didiot.
1. Considérant que les requêtes susvisées concernent des décisions administratives relatives à un couple et dont le bien-fondé dépend d'éléments de fait et de considérations de droit qui sont étroitement liés, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt ;
2. Considérant que M. et MmeC..., ressortissants kosovars, sont entrés en France, selon leurs déclarations, le 22 décembre 2014, pour y solliciter l'octroi du statut de réfugié ; que le relevé de leurs empreintes digitales ayant fait apparaître qu'elles avaient déjà été relevées par les autorités hongroises, le préfet de la Moselle a saisi ces dernières de demandes de reprise en charge des intéressés dans le cadre du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dit " Dublin III ", acceptées par les autorités hongroises par courrier du 15 avril 2015 ; que par arrêtés du 20 avril 2015, le préfet de la Moselle a refusé de délivrer à M. et Mme C...une autorisation provisoire de séjour en qualité de demandeur d'asile ; que par la présente requête, ce dernier relève appel du jugement du 28 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Nancy a annulé lesdites décisions et lui a enjoint de réexaminer la situation des intéressés ; que, par la voie de l'appel incident, M. et Mme C...demandent qu'il soit enjoint au préfet de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
Sur l'exception à fin de non-lieu soulevée par M. et MmeC... :
4. Considérant que la circonstance que les époux C...ont été admis à séjourner du 19 avril 2016 au 18 juillet 2016 pour déposer des demandes d'asile ne rend pas sans objet la requête du préfet dès lors que les décisions du 20 avril 2015 ont produit des effets ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du
26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou apatride : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite (... ) dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...) 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune ainsi qu'une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n o 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac (...) " ;
6. Considérant qu'il ressort des éléments nouveaux produits en appel par le préfet, que M. et Mme C...se sont vu remettre le jour de leur demande, le 27 février 2015, la brochure A s'intitulant " j'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et la brochure B " je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", soit les brochures communes prévues par le 3 de l'article 4 du Règlement du 26 juin 2013, traduites en langue albanaise, que les intéressés ont déclaré comprendre, de même que le guide du demandeur d'asile ; que les époux C...doivent, ainsi, être regardés comme ayant été mis, dès le début de la procédure suivie à leur encontre, en possession des informations relatives au traitement de leur demande d'asile et à l'application du règlement susmentionné dit Dublin III ; que, par suite, le préfet de la Moselle est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a prononcé l'annulation des arrêtés attaqués refusant l'admission provisoire au séjour en qualité de demandeur d'asile des épouxC..., motif pris de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
7. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les époux C...devant le tribunal administratif et, le cas échéant, devant la cour ;
8. Considérant, en premier lieu, que M. et Mme C...soutiennent que les dispositions de l'article 18 du règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 ont été méconnues dès lors qu'ils n'ont pas été informés de l'ensemble des informations mentionnées par cet article ;
9. Considérant toutefois que le règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du
11 décembre 2000 a été remplacé par le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement n° 604/2013 ; que comme cela a déjà été indiqué au point 3, les époux C...ont été mis en possession, dans une langue qu'ils comprenaient, de l'ensemble des informations relatives au traitement de leur demande d'asile et à l'application de ce règlement ; que le moyen dont s'agit ne peut ainsi qu'être écarté ;
10. Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu du point 29 des motifs de la directive 2005/85 du Conseil du 1er décembre 2005, les dispositions de cette directive ne s'appliquent pas aux procédures régies par le règlement (CE) n° 343/2203 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, auquel a été substitué le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; que par suite, le moyen tiré de ce que les décisions
du 20 avril 2015 méconnaîtraient les dispositions de l'article 10 de la directive 2005/85 du 1er décembre 2005, au demeurant transposées par les dispositions de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est inopérant ;
11. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 5 du règlement
n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. " ;
12. Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers que les intéressés ont bénéficié d'un entretien individuel avec l'assistance d'un interprète en langue albanaise le
27 février 2015, résumé dans le formulaire de demande d'admission provisoire au séjour en qualité de demandeur d'asile ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 5 du règlement (UE) n°604/13 du 26 juin 2013 doit, par suite, être écarté ;
13. Considérant, en quatrième lieu, que les décisions du 20 avril 2015 comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui les fondent ; que le moyen tiré du défaut de motivation doit, par suite, être écarté ;
14. Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) " ;
15. Considérant que la Hongrie est un membre de l'Union Européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet État membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cette présomption est toutefois réfragable lorsque qu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'État membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant ; que dans cette hypothèse, il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités hongroises répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ;
16. Considérant qu'en se bornant à faire état des défaillances du système d'accueil des demandeurs d'asile en Hongrie, M. et Mme C...n'établissent pas qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque sérieux de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; qu'ils ne précisent pas davantage les circonstances particulières tenant à leur situation personnelle qui auraient dû justifier qu'il soit fait usage à leur profit de la clause de souveraineté de
l'article 17 du Règlement communautaire du 26 juin 2013 ; qu'il s'ensuit que ce moyen doit être écarté ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Moselle est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé ses arrêtés du 20 avril 2015 et lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation des époux C...;
Sur les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. et Mme C...:
18. Considérant que le présent arrêt, qui annule le jugement du tribunal administratif de Nancy, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées présentées par M. et Mme C...ne peuvent être accueillies ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
19. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
20. Considérant que l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, ne saurait être condamné à verser à l'avocat des époux C...une somme en application de ces dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement susvisé du 28 juin 2016 du tribunal administratif de Nancy est annulé.
Article 2 : Les demandes de M. et Mme C...devant le tribunal administratif de Nancy sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de M. et Mme C...à fin d'injonction et relatives à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et Mme D...C...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 16NC01819, 16NC01825