Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 septembre 2017, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 31 juillet 2017 en tant que le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2011 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- comme l'atteste l'évolution de la doctrine administrative relative aux critères pour déterminer l'existence de bénéfices industriels et commerciaux imposables en application de l'article 35 du code général des impôts, le caractère habituel des opérations ne saurait faire présumer l'intention spéculative ;
- l'administration ne démontre pas son intention spéculative dans la gestion de son patrimoine immobilier.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lambing,
- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,
- et les observations de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., qui exerçait une activité d'agent d'assurance jusqu'en décembre 2008, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité concernant les opérations d'achat-revente de biens immobiliers qu'il a réalisées. Par proposition de rectification du 8 juin 2015, l'administration lui a notifié dans le cadre de la procédure de taxation d'office une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2011, ainsi que des pénalités correspondantes. M. B..., qui a été déchargé des pénalités relatives à la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2011, relève appel du jugement du 31 juillet 2017 en tant que le tribunal administratif de Nancy a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge de ces impositions.
Sur le bien fondé des impositions :
En ce qui concerne l'application de la loi :
2. En premier lieu, aux termes du I de l'article 35 du code général des impôts : " Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : / 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles, des fonds de commerce (...) ". L'application de ces dispositions est subordonnée à la double condition que les opérations procèdent d'une intention spéculative et présentent un caractère habituel. Les bénéfices et le chiffre d'affaires ainsi réalisés sont imposables à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et taxables à la taxe sur la valeur ajoutée, sauf pour l'intéressé à établir soit que les immeubles qu'il a vendus avaient été acquis pour satisfaire des besoins personnels ou familiaux soit qu'ils constituaient sa résidence principale. Alors même qu'un contribuable a régulièrement fait l'objet d'une procédure de taxation d'office, il appartient au juge de l'impôt de se fonder sur les résultats de l'instruction, compte tenu, le cas échéant, de l'abstention des parties à produire les éléments qu'elles sont seules en mesure d'apporter, pour estimer si l'activité d'un contribuable doit être soumise à l'impôt sur le revenu selon le régime applicable aux marchands de biens et, par suite, à la taxe sur la valeur ajoutée.
3. M. et Mme B... ont, au cours de la période vérifiée par l'administration allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2013, acquis trois terrains et construit sept maisons. S'agissant des maisons cédées au cours de l'année 2011, dont le produit des ventes a donné lieu aux impositions en litige, l'administration a constaté que le terrain d'assiette a été acquis par M. et Mme B...le 15 février 2006. Les déclarations de fin de travaux ont été déposées les 1er juin et 1er septembre 2008 pour chacune des trois maisons réalisées au cours de la période en litige. Le terrain a été ensuite divisé en trois lots par acte de division parcellaire du 25 octobre 2010. Les immeubles ont été cédés par actes notariés des 4, 18 et 21 janvier 2011. Il n'est pas contesté que les activités de M. et Mme B... tendant à l'acquisition de terrains puis à la cession de maisons après division revêtent un caractère habituel.
4. Pour contester le motif tiré de ce que les opérations procèdent d'une intention spéculative, laquelle doit s'apprécier à la date d'acquisition des biens, M. et Mme B... font valoir qu'ils ont mis en location les immeubles avant d'être confrontés à des difficultés de trésorerie les contraignant à les céder. M. B...produit à cet égard des attestations de la caisse d'allocations familiales concernant le versement d'aides au logement à trois personnes ayant loué des biens sis rue Ouchard à Mirecourt, où se situent les maisons en litige, au titre de la période du 1er mai 2008 au 31 janvier 2011. Comme le fait valoir l'administration, M. et Mme B... n'ont cependant pas mentionné ces revenus fonciers dans les déclarations qu'ils ont établies au titre de ces années et qui leur sont opposables. En outre, une de ces maisons a été louée avant l'achèvement des travaux au frère de M.B.... Il a été mis fin à l'ensemble des trois baux les 31 décembre 2010 et 31 janvier 2011, soit quelques jours à peine avant les ventes. M. et MmeB..., qui louent habituellement des biens, n'ont produit aucun bail et aucune quittance de loyer permettant de justifier de la réalité de ces locations. Par ailleurs, si M. B...produit une offre de prêt et des tableaux d'amortissement relatifs à des emprunts à long terme pour un montant total de 299 155 euros, cette circonstance ne suffit pas par elle-même à exclure leur intention de revendre les immeubles construits dès l'acquisition du terrain. Le ministre fait valoir pour sa part que M. et Mme B...ont entrepris à la même période des travaux de construction, reconstruction ou amélioration sur d'autres immeubles leur appartenant pour un montant de 225 030 euros. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que ces emprunts à long terme ont été conclus pour permettre de financer les opérations en litige. Concernant les difficultés financières qui auraient contraint les intéressés à céder les biens en litige, M. B... n'en justifie pas en se bornant à se prévaloir d'un conflit qui l'avait opposé à l'agence AXA relatif à un refus de titularisation en qualité d'agent général. Le ministre fait également valoir, sans être utilement contesté, que M. et Mme B...ont acquis le 7 février 2012 un terrain afin d'y construire deux maisons et ont pu obtenir à cet effet un nouvel emprunt de 220 500 euros, démontrant ainsi leur capacité financière. M. et Mme B...étaient également propriétaires d'autres biens mis en location, qui leur apportaient une source de revenus régulière. Enfin, M. et Mme B... ont revendu les trois biens en litige deux ans et demi après la fin des travaux de construction et cinq ans après l'achat du terrain d'assiette. Les immeubles ont été cédés à une même personne par actes notariés signés auprès de trois notaires distincts, générant une plus-value. En conséquence, eu égard à ces éléments et compte tenu du bref délai dans lequel M. et Mme B... ont acquis le terrain, fait procéder à la division de la parcelle en lots et revendu les trois maisons, c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé que l'intention spéculative des intéressés à la date d'acquisition du terrain était caractérisée. Par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir qu'il a agi dans le cadre de la gestion de son patrimoine.
5. En second lieu, aux termes de l'article 256 du même code : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. / II. 1° Est considéré comme livraison d'un bien, le transfert du pouvoir de disposer d'un bien corporel comme un propriétaire (...) "
6. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 3 et 4, c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé que M. et Mme B...ont exercé une activité de marchand de biens. Il résulte en outre de l'instruction que ces derniers ont cédé, après lotissement de l'unité foncière initiale, des maisons à usage d'habitation individuelle, cette cession caractérisant la livraison d'un bien. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé que les bénéfices tirés de la vente des trois immeubles entraient dans le champ d'application de l'article 256 du code général des impôts.
7. Il résulte de ce qui précède que l'activité de M. B...répondant à un objet commercial de marchand de biens, l'administration fiscale a pu estimer à bon droit que les bénéfices issus de cette activité entraient dans le champ d'application des articles 35-I et 256 du code général des impôts.
En ce qui concerne le bénéfice de l'interprétation administrative de la loi fiscale :
8. L'instruction BOI-BIC-CHAMP-20-10-10 ne donne pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle exposée aux points 2 à 7 et dont M. B... pourrait se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Par suite, le moyen tiré de l'invocation de la doctrine administrative ne peut qu'être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté le surplus de sa demande.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'action et des comptes publics.
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N° 17NC02323