Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 juin 2016, MmeC..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, subsidiairement, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré du caractère insuffisamment motivé en droit de la décision de refus de séjour ;
- la décision de refus de séjour n'est pas suffisamment motivée en droit et en fait ;
- le préfet a commis une erreur de droit en se croyant tenu de rejeter la demande de titre de séjour compte tenu du rejet par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de sa demande d'asile ;
- le préfet a méconnu son droit à être entendu ;
- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée en raison de l'illégalité du refus de séjour ;
- le préfet a commis une erreur de droit en se croyant tenu de l'obliger à quitter le territoire français ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ;
- l'exécution possible de l'obligation de quitter le territoire français le prive de son droit au recours effectif à contester la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;
- doit être posée à la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles suivantes : " le droit d'être entendu dans toute procédure, tel qu'il s'applique dans le cadre de la directive 2008/115/CE du Parlement Européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier et, notamment de l'article 6 de celle-ci, doit il être interprété en ce sens que les modalités de la procédure ayant pleinement respecté son droit d'être entendu préalables à la décision de retour permettent que le ressortissant du pays tiers ne soit entendu qu'à une reprise dans le cadre de la procédure d'asile à l'exclusion de tout accès devant le juge de l'asile et de toute observation présentée à l'administration qui prononce la décision de retour ' Ce droit doit il être interprété en ce sens qu'il convient de laisser à la personne déboutée de sa demande d'asile un délai raisonnable pour présenter des observations écrites ou orales à l'administration qui envisage de prononcer à son encontre une décision de retour ' " ;
- la décision lui octroyant un délai de départ volontaire de trente jours n'est pas motivée ;
- le préfet a commis une erreur de droit en se croyant tenu de l'obliger à quitter le territoire français dans le délai de trente jours ;
- il a commis une erreur d'appréciation en ne lui accordant pas un délai supérieur ;
- la décision fixant le pays de destination n'est pas suffisamment motivée ;
- elle craint pour sa vie et sa sécurité en cas de retour en Arménie.
Mme C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 28 avril 2016.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2008/115/CE du parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 dont les dispositions ont été reprises par l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Etienvre.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 8° A l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié en application du livre VII du présent code (...) " ;
2. Considérant que Mme A...C..., de nationalité arménienne, née le 20 octobre 1957, a, le 25 juin 2014, présenté une demande d'admission au statut de réfugié auprès de la préfecture de la Marne ; que cette demande a fait l'objet le 19 décembre 2014 d'une décision de rejet par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que le préfet de la Marne était, dès lors, tenu de refuser à Mme C...le titre de séjour qu'elle sollicitait sur le fondement des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
3. Considérant que le préfet étant en situation de compétence liée pour rejeter la demande de Mme C...de délivrance du titre de séjour prévu pour les réfugiés, compte tenu du rejet par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de sa demande d'asile, le moyen tiré du caractère insuffisamment motivé de la décision contestée doit être écarté, en tout état de cause, comme inopérant ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
4. Considérant, en premier lieu, que si, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) " ;
5. Considérant que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, qui doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui est loisible, tout au long de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ; que MmeC..., qui a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile et pouvait ainsi faire valoir à tout moment auprès de la préfecture les éléments pertinents relatifs à sa situation tant en ce qui concerne son séjour en France que ses perspectives d'éloignement avant que n'intervienne la décision portant obligation de quitter le territoire français litigieuse, n'est ainsi pas fondée à soutenir qu'elle a été privée du droit d'être entendue qu'elle tient notamment de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 2 et 3 que le moyen tiré de l'exception d'illégalité entachant la décision de refus de séjour, invoqué à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire prise à l'encontre de Mme C...ne peut qu'être écarté ; qu'il résulte également de ce qui a été dit aux points 2 et 3, que la requérante n'est pas davantage fondée à soutenir que la décision d'éloignement doit être annulée en conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se soit cru tenu d'obliger Mme C...à quitter le territoire français ;
8. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne ressort pas davantage de ces pièces que le préfet ait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de MmeC..., entrée récemment en France et dont le fils majeur fait également l'objet d'une mesure d'éloignement ;
9. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles " ; qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution " ;
10. Considérant que Mme C...soutient que son droit à un recours effectif, tel que garanti par les dispositions précitées des articles 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen a été méconnu ;
11. Considérant que l'étranger, qui a fait, comme MmeC..., l'objet de la procédure prioritaire prévue à l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, dispose du droit de se maintenir sur le territoire uniquement jusqu'à ce que lui soit notifiée la décision de rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que s'il a la possibilité de contester cette décision devant la Cour nationale du droit d'asile, les stipulations précitées de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'impliquent pas qu'il puisse se maintenir sur le territoire français jusqu'à l'issue de son recours devant cette juridiction, dès lors, d'une part, qu'il peut utilement faire valoir l'ensemble de ses arguments dans le cadre d'une procédure écrite et se faire représenter à l'audience et, d'autre part, qu'un recours suspensif est ouvert contre la mesure d'éloignement ; qu'ainsi, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que l'autorité administrative l'aurait privée, en l'obligeant à quitter le territoire français, du droit d'exercer un recours effectif contre la décisions lui refusant le statut de réfugié et aurait ainsi méconnu les articles 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
En ce qui concerne l'octroi d'un délai de départ volontaire de trente jours :
12. Considérant, en premier lieu, que les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'impliquent pas que l'autorité administrative, lorsqu'elle prend une décision de retour prévoyant un délai de départ volontaire de trente jours, comme c'est le cas en l'espèce, démontre l'absence de circonstances particulières qui auraient pu, le cas échéant, justifier une prolongation de ce délai ; que lorsqu'elle accorde le délai de trente jours, l'autorité administrative n'a, par suite, pas à motiver spécifiquement cette décision, à moins que l'étranger ait expressément demandé le bénéfice d'une telle prolongation ou justifie avoir informé l'autorité administrative d'éléments suffisamment précis sur sa situation personnelle susceptibles de rendre nécessaire, au sens des dispositions précitées, une telle prolongation ; que l'intéressée ne justifie pas avoir effectué une telle démarche auprès du préfet, de sorte que le moyen tiré de ce que la décision lui octroyant un délai de départ volontaire de trente jours serait insuffisamment motivée doit être écarté ;
13. Considérant, en deuxième lieu, que le préfet a expressément indiqué, dans son arrêté, que la situation personnelle de Mme C...ne justifiait pas que lui octroyé un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ; que le moyen tiré de ce que le préfet se serait cru tenu de lui octroyer un délai de départ volontaire de trente jours doit être, par suite, écarté comme manquant en fait ;
14. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste, au vu de la situation personnelle de MmeC..., qui se borne à indiquer qu'elle est vulnérable et a besoin de préparer sa défense avec son avocat pour contester la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, en ne lui accordant pas un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
15. Considérant, en premier lieu, qu'en indiquant que la décision ne contrevenait pas aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où Mme C...n'établissait pas être exposée à des peines ou des traitements contraires à cette convention en cas de retour dans son pays d'origine, le préfet a satisfait aux exigences de motivation en droit et en fait ;
16. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l' homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;
17. Considérant que MmeC..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et qui se borne, en appel, à soutenir que sa vie et sa sécurité sont menacés en Arménie, ne justifie pas de la réalité de craintes de traitements inhumains ou dégradants au sens de l'article 3 précité ;
18. Considérant, en dernier lieu, que Mme C...n'est pas fondée à soutenir, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, que la décision contestée doit être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour qui lui a été faite et de l'obligation de quitter le territoire français ;
19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, qui n'a pas omis de répondre à un moyen opérant, a rejeté sa demande en annulation ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
20. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation des décisions contestées, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme C...ne peuvent être accueillies ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
21. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à son conseil de la somme que Mme C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Marne.
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N° 16NC01174