Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 octobre 2015, MmeC..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°1503302 du tribunal administratif de Strasbourg du 8 octobre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté précité du préfet du Bas-Rhin du 20 mai 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'à la décision de la Cour nationale du droit d'asile, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros à verser à MeB..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est signé par une autorité incompétente dès lors que son signataire ne dispose pas d'une délégation de signature en matière d'éloignement et que la délégation de signature consentie est trop générale ;
- cet arrêté méconnaît l'article 46§5 de la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013, dont le délai de transposition est désormais expiré ;
- il méconnaît les articles 2, 3 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 mai 2016, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 25 février 2016.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Di Candia, premier conseiller.
1. Considérant que Mme C..., ressortissante géorgienne, est entrée en France le 11 septembre 2014, selon ses déclarations ; que, par une décision du 1er octobre 2014, le préfet du Bas-Rhin a refusé de l'admettre provisoirement au séjour au titre de l'asile ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile par une décision du 24 mars 2015 ; que, par un arrêté du 20 mai 2015, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée d'office ; que Mme C...relève appel du jugement du 8 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant, en premier lieu, que Mme C...se borne à reprendre le même moyen que celui déjà présenté devant le tribunal administratif de Strasbourg tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué ; que ce moyen doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 742-6 dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office (...) " ; qu'aux termes de l'article 46 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres font en sorte que les demandeurs disposent d'un droit à un recours effectif devant une juridiction contre les actes suivants : / a) une décision concernant leur demande de protection internationale, y compris : / i) les décisions considérant comme infondée une demande quant au statut de réfugié et/ou au statut conféré par la protection subsidiaire (...) /3. Pour se conformer au paragraphe 1, les États membres veillent à ce qu'un recours effectif prévoie un examen complet et ex nunc tant des faits que des points d'ordre juridique, y compris, le cas échéant, un examen des besoins de protection internationale en vertu de la directive 2011/95/UE, au moins dans le cadre des procédures de recours devant une juridiction de première instance (...) / 5. Sans préjudice du paragraphe 6, les États membres autorisent les demandeurs à rester sur leur territoire jusqu'à l'expiration du délai prévu pour l'exercice de leur droit à un recours effectif et, si ce droit a été exercé dans le délai prévu, dans l'attente de l'issue du recours " ; qu'aux termes de l'article 51 de la directive : " 1. Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer aux articles (...) 32 à 46 (...) au plus tard le 20 juillet 2015 (...) " ;
4. Considérant, d'une part, que dès lors que le 20 mai 2015, date à laquelle le préfet du Bas-Rhin a adopté la décision contestée, le délai accordé jusqu'au 20 juillet 2015 aux États membres pour transposer en droit interne les dispositions précitées de l'article 46 de la directive du 26 juin 2013 n'était pas expiré, la requérante ne peut utilement invoquer la méconnaissance de cet article ;
5. Considérant, d'autre part, que si les autorités nationales, dans le délai de transposition d'une directive, ne peuvent légalement prendre des mesures de nature à compromettre sérieusement la réalisation du résultat prescrit par la directive, le premier alinéa des dispositions de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, seul applicable à la requérante, n'a pas été modifié postérieurement à l'adoption de la directive du 26 juin 2013 ; que par suite, la requérante n'est pas fondée soutenir que les dispositions de l'article L. 742-6 alors en vigueur compromettraient sérieusement la réalisation du résultat prescrit par l'article 46 de la directive du 26 juin 2013 ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que l'intéressée, qui n'établit pas être menacée de mort en cas de retour dans son pays d'origine, n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaîtrait ces stipulations ;
7. Considérant, en quatrième lieu, que l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles " ; que ces stipulations garantissent à toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la convention ont été violés, le droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale ;
8. Considérant que l'étranger qui fait l'objet de la procédure prioritaire prévue à l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose du droit de se maintenir sur le territoire uniquement jusqu'à ce que lui soit notifiée la décision de rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que s'il dispose de la possibilité de contester cette décision devant la Cour nationale du droit d'asile, comme l'a fait en l'espèce la requérante, les stipulations précitées n'impliquent pas qu'il puisse se maintenir sur le territoire français jusqu'à l'issue de son recours devant cette juridiction ; que, par ailleurs, un recours suspensif devant la juridiction administrative est ouvert contre la mesure d'éloignement ; qu'ainsi, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que la mesure d'éloignement qui lui a été opposée le 20 mai 2015 méconnaîtrait les stipulations précitées ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision attaquée, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
11. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
12. Considérant que l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, ne saurait être condamné à verser à l'avocat de Mme C...une somme en application de ces dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...épouse C...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N°15NC02219