Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 septembre 2018, M. A...H..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 9 mars 2018 par laquelle le préfet du Haut-Rhin a décidé son transfert vers le Portugal et la décision du 13 avril 2018 par laquelle le préfet du Haut-Rhin l'a assigné à résidence ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile et un formulaire de demande d'asile, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la décision de transfert vers le Portugal :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- la décision contestée est contraire aux dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- la décision contestée est contraire aux dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
Sur la décision d'assignation à résidence :
- l'auteur de la décision était incompétent pour l'édicter ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- la décision litigieuse indique de manière erronée qu'il se trouve en situation irrégulière sur le territoire français ;
- l'illégalité de la décision de le transférer vers le Portugal prive de base légale la décision contestée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2018, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que le délai d'exécution de la décision de transfert a été porté à dix-huit mois en application du 2 de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et que les moyens soulevés par M. A...H...ne sont pas fondés.
M. A...H...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nancy du 11 septembre 2018.
Par lettre du 13 novembre 2018, la cour a, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, informé les parties de ce que la formation de jugement était susceptible de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de transfert attaquée pour le motif suivant : l'expiration du délai de 6 mois défini à l'article 29 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013, dont le point de départ est la date de lecture du jugement du tribunal administratif se prononçant sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de transfert a pour conséquence que l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale (cf. Conseil d'Etat n° 420708 Mme C...du 24 septembre 2018). Il devient donc impossible d'exécuter la décision de transfert et il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'annulation de cette dernière.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Dhers a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...H..., ressortissant angolais né le 15 août 1991, déclare être entré en France 20 décembre 2017 pour y solliciter l'asile. Le requérant ayant auparavant déposé une demande d'asile au Portugal, le préfet du Haut-Rhin a décidé le 9 mars 2018 de le transférer vers ce pays et le 13 avril 2018 de l'assigner à résidence. Le délai d'exécution de la décision de transfert a été porté à dix-huit mois en application du 2 de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. M. A...H...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler ces décisions. Le requérant relève appel du jugement du 19 avril 2018 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.
Sur la décision de transférer M. A...H...vers le Portugal :
2. En premier lieu, la décision contestée comporte les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement. En particulier, elle comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels le préfet du Haut-Rhin s'est fondé pour estimer que l'examen de la demande présentée par M. A...H...relevait de la responsabilité du Portugal. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'elle est entachée d'un défaut de motivation.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".
4. M. A...H...soutient que l'interprétariat, qui s'est déroulé par téléphone, ne lui a pas permis de comprendre les informations qui lui étaient données et d'exposer de manière complète sa situation, notamment les risques qu'il encourrait au Portugal. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le requérant a bénéficié au cours de son entretien individuel de l'assistance téléphonique d'un interprète de la société ISM interprétariat, agréé par l'administration, en langue portugaise qu'il avait déclarée comprendre. La fiche de cet entretien comporte des réponses aux questions relatives à son état civil, à la date et à ses conditions d'entrée en France, aux démarches qu'il a accomplies en vue d'obtenir l'asile, à sa situation familiale et à ses problèmes de santé. Aucun élément ne corrobore les allégations du requérant. Par conséquent, le moyen tiré de la méconnaissance des garanties prévues par l'article 5 du règlement n° 2013/604 doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. Le cas échéant, il en informe, au moyen du réseau de communication électronique "DubliNet" établi au titre de l'article 18 du règlement (CE) no 1560/2003, l'Etat membre antérieurement responsable, l'Etat membre menant une procédure de détermination de l'Etat membre responsable ou celui qui a été requis aux fins de prise en charge ou de reprise en charge. L'Etat membre qui devient responsable en application du présent paragraphe l'indique immédiatement dans Eurodac conformément au règlement (UE) no 603/2013 en ajoutant la date à laquelle la décision d'examiner la demande a été prise. 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit. La requête aux fins de prise en charge comporte tous les éléments dont dispose l'Etat membre requérant pour permettre à l'Etat membre requis d'apprécier la situation. L'Etat membre requis procède aux vérifications nécessaires pour examiner les raisons humanitaires invoquées et répond à l'Etat membre requérant, au moyen du réseau de communication électronique DubliNet établi conformément à l'article 18 du règlement (CE) no 1560/2003, dans un délai de deux mois à compter de la réception de la requête. Les réponses refusant une requête doivent être motivées. Si l'Etat membre requis accède à la requête, la responsabilité de l'examen de la demande lui est transférée ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 précité, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans ce règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
6. M. A...H...soutient qu'il a trouvé un abri dans un quartier de Lisbonne contrôlé par des gangs, qu'il a été le témoin de délits qu'il a souhaité dénoncer en se rendant à la police, ce qui lui a valu des menaces de mort au Portugal. Toutefois, le requérant n'apporte aucun élément de preuve à l'appui de ses allégations. S'il soutient qu'il souffre de problèmes de santé, il ne ressort pas des pièces du dossier que son état de santé nécessiterait son maintien en France ou qu'il ne pourrait pas faire l'objet d'une prise en charge adaptée au Portugal. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Haut-Rhin a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de mettre en oeuvre les clauses dérogatoires prévues par les dispositions précitées.
Sur la décision d'assignation à résidence :
7. En premier lieu, par un arrêté du 26 septembre 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 2 octobre 2017, le préfet du Haut-Rhin a donné à M. F... E..., chef du service de l'immigration et de l'intégration, délégation à l'effet de signer, dans le cadre de ses fonctions, en cas d'absence ou d'empêchement de M. D..., directeur de la réglementation et des libertés publiques, la décision attaquée. Il n'est pas allégué que M. D...n'aurait pas été absent ou empêché à la date d'édiction de la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de ce que M. E... n'aurait pas été compétent pour signer la décision litigieuse doit être écarté.
8. En deuxième lieu, la décision contestée comporte les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement. M. A...H...n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'elle est entachée d'un défaut de motivation.
9. En troisième lieu, si M. A...H...fait valoir que la décision litigieuse indique de manière erronée qu'il se trouve en situation irrégulière sur le territoire français alors qu'il s'est vu délivrer une attestation de demandeur d'asile, une telle mention ne résulte que d'une erreur de plume, laquelle est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la mesure contestée.
10. En quatrième lieu, les moyens dirigés contre la décision de transfert ayant été écartés, le moyen tiré par la voie de l'exception de l'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté par voie de conséquence.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...H...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A...H...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M.G... A... H...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
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N° 18NC02618