Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 janvier 2019, et un mémoire complémentaire, enregistré le 3 mars 2020, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1701625 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 6 novembre 2018 ;
2°) de rejeter la demande présentée en première instance par la communauté d'agglomération Ardenne Métropole ;
3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Ardenne Métropole la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont annulé l'arrêté du préfet des Ardennes du 21 juin 2017 ;
- les dispositions du dernier alinéa du III de l'article L. 5211-41-3 du code général des collectivités territoriales, selon lesquelles " l'ensemble des personnels des établissements publics de coopération intercommunale fusionnés est réputé relever de l'établissement public issu de la fusion dans les conditions de statut et d'emploi qui sont les siennes ", ne s'appliquent pas aux agents nommés sur des emplois fonctionnels de direction au sein des établissements publics de coopération intercommunale fusionnés ;
- eu égard à la nature particulière de ces emplois, ces dispositions ne sauraient être interprétées comme faisant obligation à l'établissement public issu de la fusion de maintenir les agents concernés sur des emplois fonctionnels de direction nouvellement créés ;
- les nominations dans les emplois fonctionnels de direction créés par l'établissement public de coopération intercommunale issu de la fusion, y compris pour les agents qui occupaient déjà de tels emplois dans les établissements publics fusionnés, ne sauraient être regardées comme des " renouvellements dans un même emploi " ou comme des " nominations dans un même type d'emploi ", au sens des dispositions du premier alinéa du I de l'article 6 quater de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, et doivent donc être prises en compte pour l'appréciation du respect de l'obligation de nomination équilibrée énoncée par ces mêmes dispositions ;
- les dispositions de l'article 82 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, qui prévoient que, en cas de fusion d'établissements publics de coopération intercommunale, la nomination, dans les six mois à compter de cette fusion, d'un agent occupant un emploi de direction au sein de l'un de ses établissements publics dans un emploi de direction au sein de l'établissement public issu de cette fusion est considérée comme un renouvellement dans le même emploi, ne s'appliquent pas au présent litige ;
- en nommant, par un arrêté du 7 janvier 2015, des agents de sexe masculin sur les six emplois fonctionnels de direction nouvellement créés par l'établissement public issu de la fusion, le président de la communauté d'agglomération Ardenne Métropole n'a pas respecté, pour l'année 2015, le taux d'au moins 30 % de nomination de personnes de chaque sexe dans les emplois de direction des établissements publics de coopération intercommunale de plus de 80 000 habitants.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 février 2020, la communauté d'agglomération Ardenne Métropole, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 3 000 en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués par la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;
- la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 ;
- le décret n° 2012-601 du 30 avril 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de Mme Seibt, rapporteure publique,
- et les observations de Me E... pour la communauté d'agglomération Ardenne Métropole.
Considérant ce qui suit :
1. La communauté d'agglomération de Charleville-Mézières-Sedan, devenue à compter du mois de septembre 2015 la communauté d'agglomération Ardenne Métropole, a été créée par un arrêté préfectoral du 23 août 2013, qui a pris effet le 1er janvier 2014. Regroupant cinquante-huit communes et comptant une population totale de cent trente mille habitants, elle résulte de la fusion de la communauté d'agglomération de Charleville-Mézières Coeur d'Ardenne, de trois communautés de communes, du syndicat intercommunal de ramassage et de traitement des ordures ménagères et de l'intégration de plusieurs communes isolées. A la suite de la création, par la délibération du conseil communautaire du 16 décembre 2014, de six emplois fonctionnels de direction, le président de la communauté d'agglomération Ardenne Métropole a nommé sur ces emplois, par des arrêtés du 7 janvier 2015, six agents de sexe masculin. Estimant que, en l'absence de nomination d'un agent de sexe féminin, l'obligation de nomination équilibrée énoncée à l'article 6 quater de la loi du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, avait été méconnue, le préfet des Ardennes, par un courrier du 17 juin 2016, a informé l'établissement public de coopération qu'il était redevable, au titre de l'année 2015, d'une contribution forfaitaire de 60 000 euros. Puis, après avoir recueilli ses observations le 30 août 2016 et l'avoir vainement mis en demeure de payer la somme en cause le 20 mars 2017, il a, par un arrêté du 21 juin 2017, ordonné le mandatement d'office de cette somme en application des dispositions de l'article L. 1612-16 du code général des collectivités territoriales. La communauté d'agglomération Ardenne Métropole a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 21 juin 2017. La ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales relève appel du jugement n° 1701625 du 6 novembre 2018.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. D'une part, aux termes du premier paragraphe de l'article 6 quater de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction alors applicable : " Au titre de chaque année civile, les nominations (...) dans les emplois de direction des régions, des départements ainsi que des communes et des établissements publics de coopération intercommunale de plus de 80 000 habitants (...) doivent concerner, à l'exclusion des renouvellements dans un même emploi ou des nominations dans un même type d'emploi, au moins 40 % de personnes de chaque sexe. Le nombre de personnes de chaque sexe devant être nommées en application de cette règle est arrondi à l'unité inférieure. / Le respect de l'obligation mentionnée au premier alinéa du présent I est apprécié, au terme de chaque année civile, (...) par autorité territoriale ou établissement public de coopération intercommunale (...). / Toutefois, lorsqu'au titre d'une même année civile, l'autorité territoriale n'a pas procédé à des nominations dans au moins cinq emplois soumis à l'obligation prévue au premier alinéa du présent I, cette obligation s'apprécie sur un cycle de cinq nominations successives. / II.- En cas de non-respect de l'obligation prévue au I, une contribution est due (...) par (...) la collectivité territoriale ou l'établissement public de coopération intercommunale concerné (...). / Le montant de cette contribution est égal au nombre d'unités manquantes au regard de l'obligation prévue au I du présent article, constaté au titre de l'année écoulée ou au titre de l'année au cours de laquelle se clôt le cycle de nominations prévu au dernier alinéa du même I, multiplié par un montant unitaire. / III. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article, notamment la liste des emplois et types d'emploi concernés, le montant unitaire de la contribution ainsi que les conditions de déclaration, par les redevables, des montants dus. ". Aux termes du second alinéa du troisième paragraphe de l'article 56 de la loi de la loi du 12 mars 2012, relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emplois des agents contractuels dans la fonction publique, da sa rédaction alors applicable : " La proportion minimale de personnes de chaque sexe prévue au premier alinéa du I de l'article 6 quater de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée est fixée à 20 % pour les nominations prononcées en 2013 et 2014 et à 30 % pour celles prononcées de 2015 à 2016. Le décret en Conseil d'Etat prévu au III du même article fixe, pour les années 2013 à 2016, le nombre de nominations à retenir pour l'application du dernier alinéa du I dudit article. ". Aux termes de l'article 1er du décret du 30 avril 2012, relatif aux modalités de nominations équilibrées dans l'encadrement supérieur de la fonction publique : " Les emplois soumis à l'obligation prévue au I de l'article 6 quater de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, ainsi que les types d'emploi mentionnés au même I, figurent, pour chacune des trois fonctions publiques, à l'annexe au présent décret. ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " Le montant unitaire de la contribution financière est fixé à 30 000 pour les nominations prononcées au titre des années 2013 et 2014 et à 60 000 pour les nominations prononcées au titre des années 2015 et 2016. ". Enfin, il résulte de l'article II-2 de l'annexe mentionnée à l'article 1er du même décret que, dans les communes et les établissements publics de coopération intercommunale de plus de quatre-vingt mille habitants, font partie d'un même type d'emplois " les emplois de directeur général des services, de directeur général adjoint des services et de directeur général des services techniques (...) ".
3. D'autre part, aux termes du onzième et dernier alinéa du troisième paragraphe de l'article L. 5211-41-3 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction alors applicable : " L'ensemble des personnels des établissements publics de coopération intercommunale fusionnés est réputé relever de l'établissement public issu de la fusion dans les conditions de statut et d'emploi qui sont les siennes. (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que, à la date de la création de la communauté d'agglomération Ardenne Métropole le 1er janvier 2014, M. B... H..., M. F... D... et M. A... G... occupaient respectivement, au sein de la communauté d'agglomération de Charleville-Mézières Coeur d'Ardenne, les emplois fonctionnels de directeur général des services (strate 40 000 à 150 000 habitants), de directeur général adjoint des services (strate 40 000 à 150 0000 habitants) et de directeur général des services techniques (strate 40 000 à 80 000 habitants). Ils sont ainsi réputés relever, en application des dispositions du onzième et dernier alinéa du troisième paragraphe de l'article L. 5211-41-3 du code général des collectivités territoriales, de l'établissement public de coopération issu de la fusion, qui s'est substitué de plein droit aux établissement publics de coopération fusionnés, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que les emplois en cause, eu égard à la nature particulière des responsabilités qui en découlent, impliquent l'existence d'une relation de confiance entre les agents concernés et l'employeur public. Il n'est pas contesté que, pour des raisons liées notamment à la continuité du service, les intéressés ont été maintenus sur leurs emplois jusqu'à leur suppression par la délibération du conseil communautaire de la communauté d'agglomération Ardenne Métropole du 16 décembre 2016 et que, à la suite de la création, par cette même délibération, de six nouveaux emplois fonctionnels, ils ont été nommés par voie de détachement, par des arrêtés du 7 janvier 2015, sur les emplois fonctionnels de directeur général adjoint des services (strate 80 000 à 150 000 habitants), pour les deux premiers, et sur celui de directeur général des services techniques (strate 80 000 à 150 000 habitants), pour le troisième. Dans ces conditions, les agents concernés doivent être regardés comme ayant bénéficié d'une " nomination dans un même type d'emploi ", au sens des dispositions du premier alinéa du premier paragraphe de l'article 6 quater de la loi du 13 juillet 1983. Par suite, ces trois nominations n'avaient pas à être prise en compte pour la détermination de la proportion minimale de personnes de chaque sexe, nommées dans les emplois de direction de la communauté d'agglomération Ardenne Métropole, et pour celle du montant de contribution financière à acquitter en cas de non-respect de l'obligation de nomination équilibrée. Il résulte de ce qui précède que la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du préfet des Ardennes du 21 juin 2017. Par suite, il y a lieu également de rejeter ses conclusions tendant au rejet de la demande présentée en première instance par la communauté d'agglomération Ardenne Métropole.
Sur les frais de justice :
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la communauté d'agglomération Ardenne Métropole la somme réclamée par la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la défenderesse de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera 1 500 euros à la communauté d'agglomération Ardenne Métropole en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la communauté d'agglomération Ardenne Métropole.
Copie en sera adressée au préfet des Ardennes.
N° 19NC00039 6