1°) d'annuler la décision de la préfète de la Haute-Marne du 26 février 2019 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'autorisation d'exploiter le projet éolien de Châteauvillain, qui lui a été accordée par un arrêté préfectoral du 30 novembre 2016, n'est pas devenue caduque ;
- la décision en litige du 26 février 2019 est entachée d'un vice de procédure, dès lors qu'elle n'a pas été mise à même de présenter ses observations dans le cadre d'une procédure contradictoire préalable ;
- la décision en litige est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que les modifications déclarées dans le porter à connaissance du 21 décembre 2018 ne présentaient pas un caractère substantiel au sens de l'article L. 181-14 du code de l'environnement et que l'administration aurait pu prévenir ou atténuer l'impact présumé de ces modifications sur le paysage par l'édiction de prescriptions supplémentaires.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2020, la ministre de la transition écologique conclut au non-lieu à statuer ou, à défaut, au rejet de la requête.
Elle soutient que le présent litige a perdu son objet, dès lors que l'autorisation d'exploiter le projet éolien de Châteauvillain accordée à la société FE Sainte-Anne est devenue caduque et, subsidiairement, que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.
II. Vu, sous le n° 19NC02966, la procédure suivante :
La société FE Sainte-Anne a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2019 par lequel la préfète de la Haute-Marne l'a mise en demeure de régulariser sa situation en déposant une nouvelle demande d'autorisation environnementale en vue de l'exploitation des éoliennes E 3, E 5 et E 7 du parc éolien de Châteauvillain dans un délai de douze mois, de suspendre immédiatement la poursuite des travaux jusqu'à ce qu'il ait été statué sur cette demande et de remettre en état le site dans un délai d'un mois, à titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2019 en tant qu'il lui fait obligation de suspendre immédiatement la poursuite des travaux et de remettre en état le site dans un délai d'un mois, en tout état de cause, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance n° 1901693 et 1901694 du 19 juillet 2019, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, en application du second alinéa de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, transmis le dossier au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat.
Par une ordonnance n° 432722 et 432920 du 9 octobre 2019, le Conseil d'Etat a attribué le jugement de la requête de la société FE Sainte-Anne à la cour administrative d'appel de Nancy.
Par une requête, enregistrée le 9 octobre 2019, et des mémoires, enregistrés le 21 novembre 2019 et le 12 novembre 2020, la société FE Sainte-Anne, représentée par Me B..., demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Haute-Marne du 3 juillet 2019 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- nonobstant l'abrogation de l'arrêté en litige du 3 juillet 2019 par l'arrêté du 23 octobre 2019, les conditions du non-lieu à statuer ne sont pas remplies dès lors que le premier arrêté a reçu un commencement d'exécution et que le second, qui fait l'objet d'un recours en annulation, n'est pas devenu définitif ;
- l'arrêté en litige du 3 juillet 2019 est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté en litige est entaché d'un vice de procédure, dès lors qu'il se fonde sur un rapport d'inspection irrégulier et que la mesure de suspension immédiate des travaux, qu'il comporte, aurait dû faire l'objet d'un arrêté distinct et respecter une procédure spécifique ;
- il est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation au regard des articles L. 171-7 et L. 171-8 du code de l'environnement en tant qu'il ordonne la suspension des travaux et la remise en état des lieux ;
- il est entaché d'illégalité en tant qu'il se fonde sur la décision du 26 février 2019 qui est elle-même illégale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2020, la ministre de la transition écologique conclut au non-lieu à statuer ou, à défaut, au rejet de la requête.
Elle soutient que le présent litige a perdu son objet, dès lors que l'arrêté en litige a été abrogé par celui du 23 octobre 2019 et, subsidiairement, que les moyens invoqués par la société FE Sainte-Anne ne sont pas fondés.
III. Vu, sous le n° 19NC03298, la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 14 novembre 2019, et un mémoire complémentaire, enregistré le 23 novembre 2020, la société FE Sainte-Anne, représentée par Me B..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du 23 octobre 2019 par lequel la préfète de la Haute-Marne l'a mise en demeure de régulariser sa situation en déposant une nouvelle demande d'autorisation environnementale en vue de l'exploitation des éoliennes E 3, E 5 et E 7 du parc éolien de Châteauvillain avant le 31 juillet 2020 et de suspendre immédiatement la poursuite des travaux jusqu'à ce qu'il ait été statué sur cette demande ;
2°) à titre subsidiaire, de constater, en sa qualité de juge du plein contentieux, que les prescriptions prévues par les articles 1er et 2 de l'arrêté du 23 octobre 2019 ont été respectées par l'exploitant et, en conséquence, de prononcer l'abrogation de ces articles ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté en litige du 23 octobre 2019 est entaché d'un vice de procédure, dès lors qu'il se fonde sur un rapport d'inspection irrégulier et que la mesure de suspension immédiate des travaux, qu'il comporte, aurait dû faire l'objet d'un arrêté distinct et respecter une procédure spécifique ;
- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un détournement de pouvoir ;
- il méconnaît les stipulations des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard au regard de l'article L. 171-7 du code de l'environnement en tant qu'il ordonne la suspension des travaux ;
- il est entaché d'illégalité en tant qu'il se fonde sur la décision du 26 février 2019, qui est elle-même illégale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2020, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens invoqués par la société FE Sainte-Anne ne sont pas fondés.
Par courrier du 3 mai 2021, les parties ont été informées, conformément à l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que les conclusions de la société FE Sainte-Anne dirigées contre l'arrêté du 23 octobre 2019 sont devenues sans objet, dès lors que cet arrêté a été abrogé et remplacé par l'arrêt du 18 septembre 2020.
Des observations en réponse au courrier du 3 mai 2021, présentées pour la société FE Sainte-Anne, ont été reçues le 6 mai 2021.
IV. Vu, sous le n° 20NC00244, la procédure suivante :
La société FE Sainte-Anne et la société Innovent ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, de condamner l'Etat à leur verser respectivement les sommes de 8 110 392,20 euros et de 155 221,72 euros, augmentées des intérêts échus à compter du jour du dépôt de la requête, en réparation des préjudices financiers et de réputation qu'elles estiment avoir subis du fait de l'illégalité de la décision du 26 février 209 et des arrêtés des 3 juillet et 23 octobre 2019, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance n° 2000054 du 23 janvier 2020, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, en application du premier alinéa de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, transmis le dossier à la cour administrative d'appel de Nancy.
Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2020, et des mémoires complémentaires, enregistrés le 26 juin 2020 et le 12 novembre 2020, la société FE Sainte-Anne et la société Innovent, représentées par Me B..., demandent à la cour :
1°) de condamner l'Etat à leur verser respectivement les sommes de 8 110 392,20 euros et de 155 221,72 euros, augmentées des intérêts échus à compter du jour du dépôt de la requête, en réparation des préjudices financiers et du préjudice de réputation qu'elles estiment avoir subis du fait de l'illégalité de la décision du 26 février 2019 et des arrêtés des 13 mai, 3 juillet et 23 octobre 2019 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- l'illégalité de la décision du 26 février 209 et des arrêtés des 13 mai, 3 juillet et 23 octobre 2019 constituent des fautes qui engagent la responsabilité de l'Etat ;
- la société FE Sainte-Anne est fondée à réclamer la somme totale de 8 110 392,20 euros au titre des préjudices financiers subis ;
- la société Innovent est fondée à réclamer la somme totale de 155 221,72 euros au titre du préjudice de réputation subi et des honoraires d'avocat acquittés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2020, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les prétentions indemnitaires des requérantes ne sont pas fondées.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'environnement ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Seibt, rapporteure publique,
- et les observations de Mes B... et Dermenghem pour les sociétés FE Sainte-Anne et Innovent.
Une note en délibéré, présentée pour la société FE Sainte-Anne et pour la société Innovent dans le dossier 20NC00244, a été enregistrée le 12 mai 2021.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n° 19NC01373, 19NC02966, 19NC03298 et 20NC00244, présentées pour la société FE Sainte-Anne et pour la société Innovent, concernent le même projet de parc éolien. Elles soulèvent des questions analogues et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. Le 4 juin 2014, le préfet de la Haute-Marne a délivré à la société Innovent des permis de construire en vue de la réalisation de sept éoliennes (E1 à E7) au lieu-dit d'Essey-les-Ponts sur le territoire de la commune de Châteauvillain. Après avoir accordé à cette même société, le 30 novembre 2016, l'autorisation d'exploiter ce parc éolien prévu par la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, le préfet lui a également délivré, le 31 mars 2017, les permis de construire modificatifs sollicités en vue de permettre l'installation, aux lieu et place des habituels mâts en acier, des mâts en bois sur les sept éoliennes projetées. Le 27 juillet 2017, les permis de construire modificatifs concernant, d'une part, les éoliennes E1, E2, E4 et E6 et, d'autre part, les éoliennes E3, E5 et E7 ont été respectivement transférés à la société FE Saint-Julien et à la société FE Sainte-Anne, toutes deux filiales de la société Innovent. Ces permis ont ensuite été successivement prorogés, pour une année supplémentaire, les 23 mai 2017 et 31 mai 2018. Par un arrêté du 4 décembre 2018, la préfète de la Haute-Marne a prorogé jusqu'au 30 avril 2019 le délai de mise en service du parc éolien exploité par la société FE Sainte-Anne, qui aurait dû arriver à échéance le 31 décembre 2018 conformément aux dispositions du deuxième paragraphe de l'article R. 515-109 du code de l'environnement. Par un courrier du 21 décembre 2018, la société FE Sainte-Anne a porté à la connaissance de la préfète de la Haute-Marne des modifications relatives à la structure du mât des éoliennes projetées. Faisant valoir des difficultés d'ordre technique, elle a indiqué vouloir installer sur ses éoliennes, aux lieu et place des mâts intégralement en bois, des mâts hybrides bois/acier, constitués, en partie haute, d'un mât métallique supportant le rotor et, en partie basse, d'une structure présentant quatre poteaux en bois ancrés au sol et formant un treillis recouvert d'un plaquage et répartissant les descentes de charges. Estimant que les modifications envisagées présentaient un caractère " substantiel ", au sens de l'article R. 181-46 du code de l'environnement, la préfète de la Haute-Marne, par une décision du 26 février 2019, a refusé de modifier les conditions de l'autorisation environnementale accordée à la société FE Sainte-Anne en vue de l'exploitation des éoliennes E3, E5 et E7 du parc éolien de Châteauvillain et lui a enjoint, si elle souhaitait maintenir ces modifications, de présenter une nouvelle demande d'autorisation en application de l'article L. 181-1 du même code. Par trois arrêtés en date des 13 mai, 3 juillet et 23 octobre 2019, pris sur le fondement des articles L. 171-7 et L. 181-16 du même code, la préfète de la Haute-Marne a mis en demeure la société FE Sainte-Anne de régulariser sa situation par le dépôt d'une nouvelle demande d'autorisation environnementale, de suspendre immédiatement la poursuite des travaux jusqu'à ce qu'il ait été statué sur cette demande et, pour les deux premiers arrêtés, de remettre en état le site dans un délai d'un mois. L'arrêté du 13 mai 2019 ayant finalement été retiré le 11 juin 2019, la société FE Sainte-Anne demande à la cour d'annuler la décision du 26 février 2019 et les arrêtés des 3 juillet et 23 octobre 2019. En outre, leur demande préalable d'indemnisation, formée par un courrier du 5 septembre 2019, s'étant heurtée au silence de l'administration, cette même société et la société Innovent sollicitent la condamnation de l'Etat à leur verser respectivement les sommes de 8 110 392,20 euros et de 155 221,72 euros en réparation des préjudices financiers et du préjudice de réputation qu'elles estiment avoir subis du fait de l'illégalité de la décision du 26 février 2010 et des arrêtés des 13 mai, 3 juillet et 23 octobre 2019.
Sur les exceptions de non-lieu à statuer :
3. En premier lieu, aux termes du premier paragraphe de l'article R. 181-48 du code de l'environnement : " L'arrêté d'autorisation environnementale cesse de produire effet lorsque le projet n'a pas été mis en service ou réalisé soit dans le délai fixé par l'arrêté d'autorisation soit dans un délai de trois ans à compter du jour de la notification de l'autorisation, sauf cas de force majeure ou de demande justifiée et acceptée de prorogation de délai et sans préjudice des dispositions des articles R. 211-117 et R. 214-97. ". Aux termes de l'article R. 515-109 du code de l'environnement : " I. - Les délais mentionnés aux premiers alinéas des articles R. 181-48 et R. 512-74 peuvent être prorogés dans la limite d'un délai total de dix ans, incluant le délai initial de trois ans, par le représentant de l'Etat dans le département, sur demande de l'exploitant, en l'absence de changement substantiel de circonstances de fait et de droit ayant fondé l'autorisation ou la déclaration, lorsque, pour des raisons indépendantes de sa volonté, l'exploitant ne peut mettre en service son installation dans ce délai. / (..) / II. - Pour les installations mentionnées au premier et au quatrième alinéa de l'article L. 515-44, le bénéfice des droits acquis est soumis aux règles de caducité prévues aux articles R. 181-48, R. 512-74 et au I du présent article dans les conditions suivantes : 1° Le délai de mise en service de trois ans court à compter du 1er janvier 2016 ou à compter de la date de notification à son bénéficiaire du permis de construire mentionné à l'article L. 515-44 si celle-ci est postérieure au 1er janvier 2016 ; 2° Le délai de mise en service n'excède pas huit ans, ce délai incluant les trois ans mentionnés à l'alinéa précédent ; (...) ". Les dispositions précitées ne peuvent recevoir application que si l'absence de mise en service ou l'interruption de l'exploitation n'est pas imputable au fait de l'administration. Le fait de l'administration a pour effet, non de suspendre, mais d'interrompre le délai de caducité. Un nouveau délai de caducité commence à courir lorsque le fait de l'administration cesse de produire son effet interruptif.
4. Il résulte de l'instruction que, par un arrêté du 4 décembre 2018, la préfète de la Haute-Marne a prorogé, jusqu'au 30 avril 2019, le délai de mise en service du parc éolien exploité par la société FE Sainte-Anne, qui aurait dû arriver à échéance le 31 décembre 2018 conformément aux dispositions du deuxième paragraphe de l'article R. 515-109 du code de l'environnement. Par la décision en litige du 26 février 2019, cette même autorité a considéré que les modifications techniques envisagées par l'exploitant, qui ont été portées à sa connaissance par un courrier du 21 décembre 2018, présentaient un caractère substantiel et nécessitaient le dépôt d'une nouvelle demande d'autorisation environnementale. Une telle décision constitue un fait de l'administration, qui a eu pour effet d'interrompre le délai de caducité. Par suite, contrairement aux allégations de la ministre de la transition écologique, les conclusions à fin d'annulation de la requête n° 19NC01373 n'ont pas perdu leur objet.
5. En second lieu, il appartient au juge de plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement de se prononcer sur l'étendue des obligations mises à la charge des exploitants par l'autorité compétente au regard des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle il statue. Il en résulte que si l'acte attaqué, pris pour l'application de la législation relative aux installations classées, est rapporté ou remplacé par l'autorité compétente avant que le juge ait statué, il n'y a pas lieu pour celui-ci, que ce retrait ou cette abrogation ait ou non acquis un caractère définitif, de se prononcer sur le mérite de la demande dont il est saisi.
6. Il résulte de l'instruction que l'arrêté du 3 juillet 2019 a été abrogé et remplacé par celui du 23 octobre 2019, qui lui-même a été abrogé et remplacé par celui du 18 septembre 2020, lequel se borne désormais à mettre en demeure la société FE Sainte-Anne de suspendre les travaux jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa demande d'autorisation environnementale, déposée le 7 mai 2020, à l'exception des travaux de sécurisation de l'éolienne E3. Par suite, les conclusions à fin d'annulation des requêtes n° 19NC02966 et 19NC03298 ont perdu leur objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la requête n° 19NC01373 :
7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) 3° Subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
8. Il résulte de l'instruction que la préfète de la Haute-Marne, pour considérer que les modifications envisagées par la société FE Sainte-Anne présentaient un caractère substantiel et nécessitaient le dépôt d'un nouvelle demande d'autorisation environnementale, s'est contentée d'indiquer, dans les motifs de la décision en litige du 26 février 2019, que, " d'un point de vue qualitatif, la modification est de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement ". Une telle motivation, qui ne permet pas de savoir précisément de quels intérêts il s'agit, ni en quoi les modifications envisagées par l'exploitant entraineraient pour ces intérêts des dangers et des inconvénients significatifs, ne satisfait pas aux exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, la société FE Sainte-Anne est fondée à soutenir que la décision du 26 février 2019 est insuffisamment motivée.
9. En second lieu, aux termes de l'article L. 181-14 du code de l'environnement : " Toute modification substantielle des activités, installations, ouvrages ou travaux qui relèvent de l'autorisation environnementale est soumise à la délivrance d'une nouvelle autorisation, qu'elle intervienne avant la réalisation du projet ou lors de sa mise en oeuvre ou de son exploitation. / En dehors des modifications substantielles, toute modification notable intervenant dans les mêmes circonstances est portée à la connaissance de l'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation environnementale dans les conditions définies par le décret prévu à l'article L. 181-32. / L'autorité administrative compétente peut imposer toute prescription complémentaire nécessaire au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4 à l'occasion de ces modifications, mais aussi à tout moment s'il apparaît que le respect de ces dispositions n'est pas assuré par l'exécution des prescriptions préalablement édictées. ". Aux termes de l'article R. 181-46 du même code : " I. - Est regardée comme substantielle, au sens de l'article L. 181-14, la modification apportée à des activités, installations, ouvrages et travaux soumis à autorisation environnementale qui : 3° Ou est de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3. / La délivrance d'une nouvelle autorisation environnementale est soumise aux mêmes formalités que l'autorisation initiale. / II. - Toute autre modification notable apportée aux activités, installations, ouvrages et travaux autorisés, à leurs modalités d'exploitation ou de mise en oeuvre ainsi qu'aux autres équipements, installations et activités mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 181-1 inclus dans l'autorisation doit être portée à la connaissance du préfet, avant sa réalisation, par le bénéficiaire de l'autorisation avec tous les éléments d'appréciation. / S'il y a lieu, le préfet, après avoir procédé à celles des consultations prévues par les articles R. 181-18 et R. 181-22 à R. 181-32 que la nature et l'ampleur de la modification rendent nécessaires, fixe des prescriptions complémentaires ou adapte l'autorisation environnementale dans les formes prévues à l'article R. 181-45. ".
10. Par ailleurs, aux termes du premier paragraphe de l'article L. 181-3 du même code : " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. ". Aux termes de l'article L. 211-1 du même code : " I.- Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; (...) / II.- La gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ".
11. Il n'est pas contesté que l'installation sur les trois éoliennes exploitées par la société FE Sainte-Anne de mâts hybrides bois/acier implique la mise en place, en partie haute, d'un mât métallique supportant le rotor et, en partie basse, d'une structure constituée de quatre poteaux en bois ancrés au sol, formant un treillis recouvert d'un plaquage et répartissant les descentes de charges. Il résulte d'un tel dispositif que les ouvrages concernés présentent une sorte de renflement à leur base. La préfète de la Haute-Marne fait valoir que la modification envisagée aura nécessairement un impact sur les paysages. Elle se prévaut, à cet égard, du rapport de l'inspection des installations classées du 29 janvier 2019 et des avis du service " eau, biodiversité et paysages " de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de la région Grand Est et de l'architecte des bâtiments de France de la Haute-Marne des 7 et 14 janvier 2019, qui soulignent tous l'atteinte à la cohérence globale du projet de parc éolien de Châteauvillain qui résulterait de l'alternance non régulière de mâts hybrides bois/acier avec les mâts en acier parfaitement cylindriques des éoliennes exploitées par la société FE Saint-Julien. Toutefois, à supposer même que la modification envisagée par l'exploitant soit de nature à impacter les paysages environnants, il ne résulte pas de l'instruction, spécialement des photographies figurant dans le porté à connaissance du 21 décembre 2018 et dans le rapport de l'inspection des installations classées du 29 janvier 2019, que cet impact paysager serait d'une importance telle qu'il présenterait des dangers ou des inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement. Par suite, alors qu'il est loisible au préfet, en cas de modification notable apportée aux activités, installations, ouvrages et travaux autorisés, ainsi qu'à leurs modalités d'exploitation ou de mise en oeuvre, de fixer des prescriptions complémentaires rendues nécessaires par la nature ou l'ampleur de la modification, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit être accueilli.
12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire, que la société FE Sainte-Anne est fondée à demander l'annulation de la décision du 26 février 2019.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation de la requête n° 20NC00244 :
En ce qui concerne le principe de la responsabilité :
13. Ainsi qu'il vient d'être dit, la préfète de la Haute-Marne, en considérant que les modifications portées à sa connaissance par le courrier du 21 décembre 2018 étaient substantielles et nécessitaient, pour leur réalisation, le dépôt d'une nouvelle demande d'autorisation environnementale a entaché sa décision du 26 février 2019 d'une erreur d'appréciation. Il en résulte que les arrêtés des 13 mai, 3 juillet et 23 octobre 2019, en tant qu'ils mettent en demeure la société FE Sainte-Anne de déposer une nouvelle demande d'autorisation environnementale et de suspendre les travaux jusqu'à ce qu'il ait été statué sur cette demande, sont également entachés d'illégalité. Ces illégalités sont fautives et engagent la responsabilité extracontractuelle de l'Etat.
En ce qui concerne le montant de la réparation :
14. En premier lieu, aux termes de l'article 6 du décret n° 2016-691 du 28 mai 2016 définissant les listes et les caractéristiques des installations mentionnées aux articles L. 314-1, L. 314-2, L. 314-18, L. 314-19 et L.314-21 du code de l'énergie : " (...) III.- Les installations mentionnées par l'arrêté du 17 juin 2014 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie mécanique du vent implantées à terre pour lesquelles une demande complète de contrat a été déposée avant la date d'entrée en vigueur du présent décret peuvent conserver le bénéfice des conditions d'achat telles que définies par cet arrêté, sous réserve que l'installation soit achevée avant la plus tardive des deux dates suivantes : dans un délai de trois ans à compter de la date de demande complète de contrat par le producteur ou dans un délai de dix-huit mois à compter de la date d'entrée en vigueur du présent décret. L'achèvement de l'installation se matérialise par la remise de l'attestation prévue à l'article R. 314-7 du code de l'énergie. / (...) / XI.- Lorsque l'achèvement de l'installation intervient après la date limite d'achèvement définie aux I à X, et sous réserve que les délais de réalisation des travaux de raccordement ne soient pas imputables en tout ou partie au producteur, les délais d'achèvement définis aux I à X sont prolongés de la durée nécessaire pour terminer ces travaux de raccordement, augmentée de deux mois. Cette durée débute au terme des délais d'achèvement définis aux I à X et s'achève à la plus tardive des deux dates entre celle de l'émission de la facture du raccordement et celle de la mise à disposition des ouvrages de raccordement prévue dans la convention de raccordement. / Lorsque des recours contentieux dirigés contre des actes nécessaires à la réalisation ou au fonctionnement de l'installation ont pour effet de retarder son achèvement, les délais d'achèvement définis aux I à X sont suspendus, à la demande et sur du producteur. Chaque période de suspension débute à la date d'enregistrement de la requête de première instance et s'achève à la date à laquelle la dernière décision juridictionnelle relative à cette requête est devenue définitive. / Les délais d'achèvement mentionnés au présent article peuvent également être prolongés par le ministre chargé de l'énergie en cas de force majeure dûment justifiée par le producteur. ".
15. La société FE Sainte-Anne fait valoir que la décision du 26 février 2019, qui l'a contrainte à arrêter le chantier, a eu pour effet de lui faire perdre le bénéfice du tarif d'achat d'électricité à un prix plus élevé que celui du marché (tarif E14), faute d'avoir pu mettre en service ses installations avant la date butoir du 30 avril 2019. Toutefois, eu égard à la faible avancée de ce chantier à la date du 26 février 2019, il n'est pas établi que les trois éoliennes exploitées par la requérante auraient pu être mises en service avant le 30 avril 2019. Au surplus, il ne résulte pas de l'instruction que la société FE Sainte-Anne, qui a bénéficié d'une première prolongation du délai d'achèvement de ses installations pour force majeure en application des dispositions du troisième alinéa du onzième paragraphe de l'article 6 du décret n° 2016-691 du 28 mai 2016, aurait sollicité une nouvelle demande en ce sens postérieurement à la décision du 26 février 2019. Dans ces conditions, la décision du 26 février 2019 ne saurait être regardée comme la cause directe et immédiate du préjudice financier allégué. Par suite, les prétentions indemnitaires de la société FE Sainte-Anne sur ce point ne sont pas fondées.
16. En deuxième lieu, en se bornant à produire les factures d'achats mensuels de l'électricité produite par les quatre éoliennes exploitées par la société FE Saint-Julien, la société FE Sainte-Anne n'établit pas la réalité du manque à gagner résultant du retard dans la mise en service de ses propres éoliennes qu'elle estime avoir subi à la date du 31 décembre 2019. Par suite, la requérante, qui se borne à réclamer le paiement des intérêts au taux légal échus à cette date, qu'elle aurait pu percevoir si elle avait pu disposer de la somme correspondante au manque à gagner allégué, n'est pas fondée à solliciter une indemnisation pour ce chef de préjudice.
17. En troisième lieu, la société FE Sainte-Anne ne justifie pas avoir exposé des frais liés au redéploiement des effectifs vers d'autres missions et à la suspension des engagements contractuels pris avec divers intervenants sur le site. De même, en se bornant à produire un devis daté du 23 avril 2018, elle ne démontre pas avoir acquitté une somme de 22 500 euros au titre de la démobilisation et de la remobilisation de la grue se trouvant sur le chantier. Enfin, si la requérante justifie avoir supporté, au titre des mois de mai et de juin 2019, des frais pour le stockage longue durée au port de Rouen et à celui de Radicatel de divers composants d'éoliennes pour un montant total de 21 000 euros, les factures produites ne permettent pas de tenir pour établi que le matériel en cause était destiné à la réalisation du parc éolien de Châteauvillain. Par suite, la société FE Sainte-Anne ne peut prétendre à être indemnisée pour ces différents chefs de préjudice.
18. En quatrième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que la décision du 26 février 2019 et les arrêts des 13 mai, 3 juillet et 23 octobre 2019 auraient eu pour effet de dégrader la réputation de la société Innovent, ni, à plus forte raison, que les actes contestés seraient le reflet d'une animosité personnelle de la préfète de la Haute-Marne à l'égard du dirigeant de cette société. Par suite, la société Innovent n'est pas fondée à demander réparation à ce titre.
19. En cinquième et dernier lieu, les frais de justice, s'ils ont été exposés en conséquence directe d'une faute de l'administration, sont susceptibles d'être pris en compte dans le préjudice résultant de l'illégalité fautive imputable à l'administration. Toutefois, lorsque l'intéressé a fait valoir devant le juge une demande fondée sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le préjudice est intégralement réparé par la décision que prend le juge sur ce fondement. Il n'en va autrement que dans le cas où le demandeur ne pouvait légalement bénéficier de ces dispositions.
20. Si les requérantes réclament le remboursement des honoraires d'avocats qu'elles ont dû acquitter lors des procédures visant à contester la décision du 26 février 2019 et les arrêtés des 13 mai, 3 juillet et 23 octobre 2019, il est constant qu'elles ont systématiquement sollicité, durant les diverses instances ainsi engagées, le bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il en résulte que les frais exposés pour leur défense ont fait ou doivent faire l'objet d'une appréciation d'ensemble dans ce cadre, qui exclut toute demande indemnitaire de ce chef sur un autre fondement juridique. Par suite, les prétentions indemnitaires exposées à ce titre ne sont pas fondées.
21. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'indemnisation présentées par la société FE Sainte-Anne et par la société Innovent ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais de justice :
22. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société FE Sainte-Anne la somme totale de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation des requêtes n° 19NC02966 et 19NC03298.
Article 2 : L'arrêté du 26 février 2019 est annulé.
Article 3 : L'Etat versera à la société FE Sainte-Anne la somme totale de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Me B... pour les sociétés FE Sainte-Anne et Innovent en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et à la ministre de la transition écologique.
Copie en sera adressée à la préfète de la Haute-Marne.
N° 19NC01373, 19NC02966, 19NC03298 et 20NC00244 12