Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2020, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2001117 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 1er juillet 2020 ;
2°) d'annuler les arrêtés contestés ;
3°) d'enjoindre au préfet des Ardennes de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocate en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les arrêtés contestés ont été pris en méconnaissance des dispositions du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle ne présente pas une menace pour l'ordre public ;
- en l'obligeant à quitter sans délai le territoire français, le préfet a commis un détournement de pouvoir ;
- l'interdiction de retour méconnaît les dispositions III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle ne présente pas une menace pour l'ordre public ;
- l'obligation de quitter le territoire français est contraire aux stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- les arrêtés contestés méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Le préfet des Ardennes, à qui la requête a été communiquée, n'a pas déposé de mémoire en défense.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
1. En premier lieu, les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicables, qui régissent la décision relative au délai de départ volontaire dont dispose l'étranger pour quitter le territoire français, ne s'appliquent pas à la décision distincte énonçant l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de leur méconnaissance ne peut pas être utilement invoqué à l'encontre de cette dernière.
2. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Mme C..., ressortissante gabonaise née en 1984 et entrée en France le 6 septembre 2017, fait valoir l'ancienneté de son séjour et la présence en France de son fils, de son époux et de sa mère, tous de nationalité française, ainsi que du ressortissant français qui a reconnu son fils. Toutefois, elle séjournait en France depuis moins de trois ans à la date de la décision contestée. Son mariage, qui remonte au 27 juin 2019, moins d'un an avant cette décision, est encore plus récent et elle n'apporte aucun élément quant à l'ancienneté et à la stabilité de sa relation avec son époux français. Alors qu'elle est installée dans les Ardennes avec son fils, elle n'apporte pas non plus d'élément permettant d'apprécier l'intensité de ses liens avec sa mère, qui réside en région parisienne, ni d'établir la réalité même des liens dont elle allègue l'existence entre son fils et le ressortissant français qui l'a reconnu, et est lui aussi domicilié en région parisienne. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante est dépourvue de toute attache dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 33 ans, ni qu'elle serait dans l'impossibilité d'y reconstituer sa cellule familiale avec son fils, qui y est né le 1er octobre 2013, y a vécu pendant près de quatre ans, et n'en est parti que pour suivre sa mère en France.
4. Par ailleurs, il est constant que c'est de manière frauduleuse que son fils, né le 1er octobre 2013 à Libreville, au Gabon, a été reconnu le 7 décembre 2013 par un ressortissant français, ce qui a valu à ce dernier et à la requérante, le 13 novembre 2019, des condamnations à des peines d'emprisonnement et d'amende avec sursis. Au moyen de cette fraude, Mme C... a obtenu de l'administration française, avant son arrivée en France, le 2 juillet 2015, un passeport et, après son arrivée en France, le 30 novembre 2017, un certificat de nationalité française et, le 23 mars 2018, une carte nationale d'identité, tous établis au nom de cet enfant. Elle a usé de ces documents, notamment pour tenter d'obtenir la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant de nationalité française. Ainsi, elle a obtenu, ou tenté d'obtenir, frauduleusement des documents administratifs constatant un droit, une identité ou une qualité ou accordant une autorisation, pendant une période s'étendant au moins du 2 juillet 2015 au 21 juin 2018. Eu égard à la nature des documents obtenus par fraude, à la particulière gravité de ces faits, aux conditions dans lesquelles, et à la durée pendant laquelle il a été fait usage de ces documents, le comportement et la présence en France de Mme C... constituent une menace pour l'ordre public.
5. Compte tenu de ce qui précède, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'atteinte portée par le préfet à son droit au respect de sa vie privée et familiale est disproportionnée par rapport aux buts, notamment la protection de l'ordre public, en vue desquels il a décidé de l'obliger à quitter le territoire français. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes du § 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
7. L'obligation faite à la requérante de quitter le territoire français ne saurait être regardée comme ayant pour effet de séparer l'enfant du ressortissant français qui l'a reconnu dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point 3, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils aient jamais entretenu une quelconque relation, tant à l'époque où l'enfant vivait au Gabon, que lors de son séjour en France. La décision n'a pas non plus pour objet ou pour effet de séparer la requérante de son fils, dont elle assure seule la charge et qui peut l'accompagner hors du territoire français et poursuivre sa scolarité au Gabon, où il est né et a vécu pendant près de quatre ans. Dans ces conditions, alors même que l'enfant serait français, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet des Ardennes a méconnu son intérêt supérieur.
Sur l'absence de délai de départ volontaire :
8. En premier lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ".
9. Ainsi qu'il a été dit au point 4, le comportement de la requérante constitue une menace pour l'ordre public. Par suite, le préfet a pu légalement, sur le fondement des dispositions précitées, décider de l'obliger à quitter sans délai le territoire français.
10. En second lieu, la requérante n'indiquant pas en quoi ses attaches privées et familiales en France sont de nature à justifier qu'elle bénéficie d'un délai de départ volontaire, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
11. En premier lieu, pour la même raison que celle indiquée au point 1, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être utilement invoqué à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.
12. En deuxième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ".
13. D'une part, il résulte de ces dispositions que l'interdiction de retour sur le territoire français assortit l'obligation de quitter le territoire français dès lors qu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Tel étant le cas en l'espèce, il s'ensuit que la requérante ne peut pas utilement faire valoir que l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre est illégale dans son principe au motif que son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre public.
14. D'autre part, compte tenu de ce qui a été dit aux points 3 et 4, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet a commis une erreur d'appréciation en fixant à une année la durée de l'interdiction de retour prononcée à l'encontre de la requérante.
15. En troisième lieu, pour les mêmes raisons que celles indiquées aux points 3 et 4, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur l'assignation à résidence :
16. En premier lieu, pour la même raison que celle indiquée au point 1, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicables, ne peut être utilement invoqué à l'encontre de la décision d'assignation à résidence.
17. En second lieu, la requérante n'indiquant pas en quoi ses attaches privées et familiales en France sont de nature à faire obstacle à ce qu'elle fasse l'objet d'une assignation à résidence, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
18. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de Mme C..., ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1 : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me B... pour Mme D... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Ardennes.
N° 20NC02157 2