Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 octobre 2020 et le 24 mars 2021, Mme D... A..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif du 17 septembre 2020 ;
2°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du 2 juillet 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;
3°) à titre subsidiaire, de suspendre l'arrêté du 2 juillet 2020 dans l'attente de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits et des libertés fondamentales ; le tribunal a commis une erreur de fait et une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle fait des efforts d'intégration ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an est excessive alors qu'elle ne représente pas une menace pour l'ordre public.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 janvier 2021, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que les conclusions tendant à la suspension de la décision portant obligation de quitter le territoire français ont perdu leur objet dès lors que la Cour nationale du droit d'asile a statué sur le recours formé contre la décision de l'OFPRA du 6 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., de nationalité kosovare, née le 14 février 1995, est entrée irrégulièrement en France, en 2018, en vue de solliciter l'asile. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 6 mai 2020, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 28 décembre 2020. Par un arrêté du 2 juillet 2020, le préfet du Haut-Rhin a fait obligation à l'intéressée de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un jugement du 17 septembre 2020, dont Mme A... fait appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, Mme A... ne peut pas utilement se prévaloir des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la mesure d'éloignement qui, par elles-mêmes, ne fixent pas le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. Mme A... est présente sur le territoire français depuis deux seulement à la date de l'arrêté en litige. Elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident encore ses parents et amis. Si elle se prévaut de son accueil par une famille de ressortissants français et de l'apprentissage du français, ces circonstances ne suffisent pas à établir qu'elle aurait transféré le centre de ses intérêts en France. Dans ces conditions, le préfet du Haut-Rhin n'a pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport au but en vue duquel cette décision a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, à supposer qu'elle ait entendu s'en prévaloir en faisant état de ses efforts d'insertion, être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
5. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
6. Mme A... fait valoir qu'elle craint, en cas de retour au Kosovo, d'être exposée aux violences et persécutions de son ancien compagnon et d'un homme qui l'a séquestrée et qui a abusé d'elle, sans pouvoir bénéficier de la protection des autorités. S'il ressort des pièces du dossier, notamment d'un acte d'accusation du 9 août 2018 du procureur de la République de Gjilan au Kosovo, que Mme A... a été victime d'agression verbale et physique de la part de son ancien compagnon sur la période de 2015 à 2018, il ne ressort pas des pièces du dossier que les autorités de son pays ne seraient pas en mesure de lui assurer une protection efficace contre les agissements de ce dernier, alors même qu'elle a produit un acte d'accusation provenant des autorités judiciaires. En outre, les attestations établies par les membres de sa famille, lesquelles sont insuffisamment circonstanciées, ne permettent pas d'établir que son ancien compagnon constituerait pour elle une menace actuelle. Quant aux déclarations de ses deux amis, elles ne font que relater les allégations de la requérante. Enfin, Mme A... n'établit par aucune pièce probante la réalité des menaces qu'elle allègue avoir subies de la part d'un homme qui aurait abusé d'elle et qui, selon ses seules déclarations, seraient de connivence avec son ancien compagnon. Au demeurant, tant l'OFPRA que la CNDA ont estimé que ses déclarations étaient trop imprécises pour être crédibles. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
7. Aux termes des dispositions du III de l'article L. 5111 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
8. Eu égard aux conditions de séjour en France de Mme A..., à sa présence récente sur le territoire français, à la circonstance qu'elle ne justifie pas avoir tissé de liens intenses alors qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales au Kosovo, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en fixant la durée de l'interdiction de retour à un an, alors même que l'intéressée n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et qu'elle ne constituerait pas une menace pour l'ordre public.
En ce qui concerne les conclusions à fin de suspension de l'obligation de quitter le territoire français :
9. Aux termes de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI. /Dans le cas où le droit de se maintenir sur le territoire a pris fin en application des 4° bis ou 7° de l'article L. 743-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné statuant sur le recours formé en application de l'article L. 512-1 contre l'obligation de quitter le territoire français de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la cour ".
10. Il est constant que, par une décision du 28 décembre 2020, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté le recours exercé par Mme A... à l'encontre de la décision de l'OFPRA du 6 mai 2020. Par suite, ses conclusions tendant à la suspension de l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français ont perdu leur objet.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par la requérante sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à la suspension de l'arrêté du 2 juillet 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin a fait obligation de quitter le territoire français à Mme A....
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me C... pour Mme D... A... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Haut-Rhin.
N° 20NC03017 2