Par des jugements nos 2000317 et 2000318 du 12 mars 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 19 août 2020 sous le n° 20NC02413, M. E... D..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2000317 du tribunal administratif de Strasbourg du 12 mars 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours, au besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocate en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- pour refuser de l'admettre au séjour sur le fondement de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet s'est estimé à tort lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2021, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête, au motif qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
II. Par une requête, enregistrée le 19 août 2020 sous le n° 20NC02416, Mme F... A... épouse D..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2000318 du tribunal administratif de Strasbourg du 12 mars 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours, au besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocate en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- pour refuser de l'admettre au séjour sur le fondement de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet s'est estimé à tort lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- le refus de séjour méconnaît les dispositions des 7° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2021, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête, au motif qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
M. et Mme D... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 7 juillet 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes susvisées, enregistrées sous les nos 20NC02413 et 20NC02416, concernent un couple d'étranger dont les situations sont liées. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur les refus de séjour :
En ce qui concerne le refus de séjour opposé à Mme D... :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
3. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas allégué, que le préfet de la Moselle aurait, pour se prononcer, disposé d'autres éléments au sujet de l'état de santé de Mme D... que l'avis émis le 10 septembre 2019 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Dès lors, il a pu, sans renoncer à son pouvoir d'appréciation ni, par suite, commettre une erreur de droit, s'approprier les termes de cet avis.
4. D'autre part, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de Mme D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, l'Albanie. Alors que cet avis est de nature à faire présumer que son état de santé ne justifie pas qu'elle soit admise au séjour en France sur le fondement des dispositions précitées, Mme D... se borne à soutenir qu'elle bénéficie d'une prise en charge médico-psychologique, sans fournir le moindre élément concret, ni même la moindre précision quant à sa ou ses pathologies. La cour n'étant ainsi pas à même d'apprécier le bien-fondé de sa contestation, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées ne peut qu'être écarté.
5. En deuxième lieu, l'état de santé de Mme D... ne saurait, par lui-même, lui conférer un droit au séjour sur le fondement de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable.
6. En troisième lieu, en se bornant à soutenir qu'il lui est impossible de mener une vie normale en Albanie et qu'elle souffre d'importants problèmes de santé, Mme D... n'établit pas que le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne le refus de séjour opposé à M. D... :
7. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment pas des énonciations de l'arrêté contesté, que, pour refuser d'admettre au séjour M. D..., qui faisait valoir l'état de santé de son épouse, sur le fondement de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet se soit cru lié par l'avis émis le 10 septembre 2019 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
8. En second lieu, en se bornant à soutenir qu'il lui est impossible de mener une vie normale en Albanie et que son épouse souffre d'importants problèmes de santé, M. D... n'établit pas que le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
Sur les obligations de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. S'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme D..., ressortissants albanais nés respectivement en 1986 et en 1988, sont entrés en France en décembre 2013, ils ne s'y prévalent d'aucune attache familiale ou personnelle, n'allèguent pas être dépourvus de toute attache dans leur pays d'origine, et ne démontrent pas être dans l'impossibilité d'y reconstituer leur cellule familiale. Dans ces conditions, le préfet n'a pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il les a obligés à quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
12. La circonstance que les enfants des requérants sont scolarisés en France n'est pas, par elle-même, de nature à démontrer que le préfet a méconnu les stipulations précitées.
13. En troisième lieu, pour les mêmes raisons que celles indiquées aux points précédents, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en obligeant les requérants à quitter le territoire français.
Sur les interdictions de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an :
14. En se bornant à indiquer que le préfet a commis une erreur d'appréciation en se fondant sur leur absence de liens stables et intenses en France, sans plus de précisions, les requérants ne mettent pas la cour à même d'apprécier la portée et le bien-fondé de leur moyen, lequel ne peut dès lors qu'être écarté.
15. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de M. et Mme D..., ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction, d'astreinte et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1 : Les requêtes nos 20NC02413 et 20NC02416 présentées par M. et Mme D... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me B... pour M. E... D... et Mme F... A... épouse D..., en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
N° 20NC02413 et 20NC02416 2