Procédures devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 10 avril 2020, sous le n° 20NC00906, M. A... E..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2000415-2000416 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon du 12 mars 2020 en tant qu'il rejette sa demande ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet du Doubs du 6 mars 2020 prononçant sa remise aux autorités allemandes et son assignation à résidence ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent cinquante euros par jour de retard, de lui délivrer une attestation de demande d'asile " procédure normale " en application du sixième alinéa de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;
4°) à titre subsidiaire, de transmettre une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne ou, à défaut, un avis au Conseil d'Etat sur la conformité au droit de l'Union européenne de l'état de la jurisprudence imposant à l'étranger de démontrer, d'une part, que l'agent ayant consulté le fichier Eurodac ne serait pas spécialement désigné, ni habilité à le faire au sens des articles 1er, 5 et 6 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, d'autre part, que l'entretien individuel ne se serait pas déroulé dans le respect de la confidentialité et par le biais d'un agent qualifié au sens de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du même jour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37, alinéa 2, de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le jugement de première instance est entaché d'irrégularité dès lors que, en méconnaissance des dispositions de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le magistrat désigné n'a pas motivé son refus de saisir la Cour de justice à titre préjudiciel des questions relatives à l'interprétation du droit de l'Union européenne soulevées devant lui ;
- l'arrêté du 6 mars 2020 prononçant sa remise aux autorités allemandes méconnaît les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors que l'entretien individuel réalisé en préfecture n'a pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et n'a pas été effectué dans des conditions garantissant sa confidentialité ;
- en méconnaissance des articles 1er, paragraphe 2, 5 et 6 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, l'agent de la préfecture ayant consulté et transmis les données du fichier Eurodac n'était pas spécialement habilité à cette fin ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 compte tenu de la présence de deux enfants en bas âge, de l'épidémie de coronavirus en Allemagne et du risque de renvoi immédiat en Russie ;
- l'arrêté en litige méconnaît les dispositions de l'article 7 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, dès lors que, ayant présenté sa première demande d'asile en Pologne, ce sont les autorités polonaises, et non pas allemandes, qui étaient responsables de l'examen de sa demande d'asile ;
- l'arrêté du 6 mars 2020 prononçant son assignation à résidence est illégal en raison de l'illégalité de l'arrêté du même jour prononçant sa remise aux autorités allemandes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2020, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
II. Par une requête, enregistrée le 10 avril 2020, sous le n° 20NC00907, Mme F... D..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2000415-2000416 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon du 12 mars 2020 en tant qu'il rejette sa demande ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet du Doubs du 6 mars 2020 prononçant sa remise aux autorités allemandes et son assignation à résidence ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent cinquante euros par jour de retard, de lui délivrer une attestation de demande d'asile " procédure normale " en application du sixième alinéa de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;
4°) à titre subsidiaire, de transmettre une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne ou, à défaut, un avis au Conseil d'Etat sur la conformité au droit de l'Union européenne de l'état de la jurisprudence imposant à l'étranger de démontrer, d'une part, que l'agent ayant consulté le fichier Eurodac ne serait pas spécialement désigné, ni habilité à le faire au sens des articles 1er, 5 et 6 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, d'autre part, que l'entretien individuel ne se serait pas déroulé dans le respect de la confidentialité et par le biais d'un agent qualifié au sens de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du même jour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37, alinéa 2, de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- le jugement de première instance est entaché d'irrégularité dès lors que, en méconnaissance des dispositions de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le magistrat désigné n'a pas motivé son refus de saisir la Cour de justice à titre préjudiciel des questions relatives à l'interprétation du droit de l'Union européenne soulevées devant lui ;
- l'arrêté du 6 mars 2020 prononçant sa remise aux autorités allemandes méconnaît les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors que l'entretien individuel réalisé en préfecture n'a pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et n'a pas été effectué dans des conditions garantissant sa confidentialité ;
- en méconnaissance des articles 1er, paragraphe 2, 5 et 6 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, l'agent de la préfecture ayant consulté et transmis les données du fichier Eurodac n'était pas spécialement habilité à cette fin ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 compte tenu de la présence de deux enfants en bas âge, de l'épidémie de coronavirus en Allemagne et du risque de renvoi immédiat en Russie ;
- l'arrêté en litige méconnaît les dispositions de l'article 7 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, dès lors que, ayant présenté sa première demande d'asile en Pologne, ce sont les autorités polonaises, et non pas allemandes, qui étaient responsables de l'examen de sa demande d'asile ;
- l'arrêté du 6 mars 2020 prononçant son assignation à résidence est illégal en raison de l'illégalité de l'arrêté du même jour prononçant sa remise aux autorités allemandes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2020, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.
M. E... et Mme D... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 14 mai 2020.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n° 20NC00906 et n° 20NC00907, présentées respectivement pour M. A... E... et pour Mme F... D..., concernent la situation d'un même couple d'étrangers. Elles soulèvent des questions identiques et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. M. E... et Mme D... sont des ressortissants russes, nés respectivement le 4 janvier 1986 et 9 octobre 1993. Ils ont déclaré être entrés irrégulièrement en France au cours de l'année 2019, accompagnés de leurs quatre enfants mineurs. Le 11 décembre 2019, les requérants ont présenté chacun une demande d'asile. Toutefois, la consultation du fichier Eurodac ayant révélé que les intéressés avaient été enregistrés en Allemagne comme demandeurs d'asile le 3 juillet 2013, les autorités allemandes ont été saisies, le 2 janvier 2020, de demandes de reprise en charge de M. E... et de Mme D..., qui ont donné lieu à des accords explicites le 9 janvier 2020. Par deux arrêtés du 6 mars 2020, le préfet du Doubs a décidé de transférer les requérants à destination de l'Allemagne. Puis, par deux autres arrêtés du même jour, il les a assignés à résidence dans le département pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable trois fois, dans l'attente de l'exécution des mesures de transfert. M. E... et Mme D... ont saisi le tribunal administratif de Besançon de demandes tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux du 6 mars 2020. Ils relèvent appel du jugement n° 2000415-2000416 du 12 mars 2020, qui rejettent leur demande respective.
Sur la régularité du jugement :
3. D'une part, aux termes de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " La Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel : a) sur l'interprétation des traités, b) sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union. / Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question. / Lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour. (...) ". D'autre part, aux termes du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ".
4. Contrairement aux allégations des requérants, l'obligation pour le juge national de motiver son refus de saisir la Cour de justice à titre préjudiciel d'une question relative à l'interprétation du droit de l'Union européenne au regard des exceptions à l'obligation de renvoi admises par la jurisprudence de la Cour de justice ne pèse que sur les juridictions des Etats membres, dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, à l'exclusion des autres juridictions nationales pour lesquelles la mise en oeuvre du renvoi préjudiciel en interprétation demeure une simple faculté. Dans ces conditions, en considérant que les dispositions pertinentes des règlements (UE) n° 603/2013 et n° 604/2013 du 26 juin 2013 n'avaient pas été méconnues en l'espèce, " sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ", le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon, dont le jugement était susceptible d'appel, n'a pas insuffisamment motivé sa décision, ni contrevenu au droit à un procès équitable garanti par le premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que ce jugement serait, pour ces motifs, entaché d'irrégularité et qu'il devrait, en conséquence, être annulé.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les arrêtés portant remise aux autorité allemandes :
5. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".
6. Il est constant que M. E... et Mme D... ont bénéficié chacun d'un entretien individuel au sein des locaux de la préfecture de la Côte-d'Or le 11 décembre 2019. Il résulte des résumés de ces entretiens, sur lesquels figurent notamment la signature des intéressés et le cachet de la préfecture, que ceux-ci ont été conduits, avec l'assistance d'une interprète en langue russe, par " un agent qualifié de la préfecture de la Côte-d'Or ". Les requérants ne font état d'aucun élément susceptible de remettre en cause une telle mention. Et la seule circonstance que l'agent concerné, qui n'était pas tenu de préciser son identité et sa qualité, se soit contenté d'apposer ses initiales sur ces résumés ne permet pas de considérer que les entretiens individuels de M. E... et de Mme D... n'auraient pas été menés par une personne qualifiée en vertu du droit national. En outre, en se bornant à faire valoir que les photographies d'identité figurant sur leur attestation de demande d'asile ont été prises dans un endroit fréquenté par le public, les requérants ne démontrent pas que ces entretiens se seraient déroulés dans des conditions ne garantissant pas dûment la confidentialité. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté dans ses deux branches, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice d'une question préjudicielle, ni le Conseil d'Etat d'une demande d'avis.
7. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la consultation du fichier Eurodac, dont les modalités sont contestées par M. E... et Mme D..., ait été effectuée " à des fins répressives ", c'est-à-dire en vue de " la prévention ou la détection des infractions terroristes ou d'autres infractions pénales graves, ou des enquêtes en la matière ", ainsi qu'il résulte des dispositions du i) du premier paragraphe de l'article 2 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) n° 604/2013 et relatif aux demandes de comparaison avec les données d'Eurodac présentées par les autorités répressives des États membres et Europol à des fins répressives. Dans ces conditions, les requérants ne sauraient utilement se prévaloir des dispositions des articles 1er, paragraphe 2, 5 et 6 du même règlement, qui ne s'appliquent pas aux demandes de comparaison des données dactyloscopiques des demandeurs de protection internationale. Par suite et alors que l'article 17 dudit règlement n'impose pas que de telles demandes doivent émaner d'autorités spécialement désignées et habilitées à cette fin et qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la consultation du fichier Eurodac n'entrait pas dans les attributions de l'agent concerné, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice d'une question préjudicielle, ni le Conseil d'Etat d'une demande d'avis.
8. En troisième lieu, aux termes du premier paragraphe de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. ". Aux termes de l'article 7 du même règlement : " 1. Les critères de détermination de l'État membre responsable s'appliquent dans l'ordre dans lequel ils sont présentés dans le présent chapitre. / 2. La détermination de l'État membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un État membre. ". Aux termes du premier paragraphe de l'article 17 du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. ".
9. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation sanitaire en Allemagne, liée à l'épidémie du coronavirus, serait d'une gravité telle qu'elle ferait obstacle au transfert de M. E... et de Mme D... à destination de ce pays. D'autre part, à supposer même que les autorités allemandes décident de renvoyer les intéressés en Russie, il n'est pas établi, ni même allégué, qu'une telle mesure d'éloignement ne sera pas précédée d'un examen approfondi de la situation des requérants, notamment au regard des risques encourus par eux en cas de retour sur le territoire russe, et qu'elle ne pourra pas faire l'objet, le cas échéant, d'une contestation par la voie juridictionnelle. Par suite, alors même que M. E... et Mme D... ont deux enfants en bas âge, le préfet du Doubs n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du premier paragraphe de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013.
10. En quatrième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que, après avoir sollicité l'asile en Pologne le 22 juin 2013, les requérants ont de nouveau présenté des demandes en ce sens, le 3 juillet 2013, auprès des autorités allemandes, qui ont décidé de les instruire sans saisir leurs homologues polonais d'une demande de reprise en charge dans le délai imparti. Dans ces conditions, conformément aux dispositions du troisième paragraphe de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'Allemagne doit être regardée comme l'Etat membre responsable des demandes de protection internationale formulées par les intéressés. Par suite, et alors que M. E... et Mme D... ont vécu cinq années sur le territoire allemand et que deux de leurs quatre enfants y sont nés, les 8 août 2016 et 14 décembre 2018, le moyen tiré du non-respect de la hiérarchie des critères de détermination de l'Etat membre responsable, énoncée à l'article 7 du même règlement, ne peut être accueilli.
En ce qui concerne les arrêtés portant assignation à résidence dans le département du Doubs :
11. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que les décisions en litige seraient illégales en raison de l'illégalité des décisions portant remise aux autorités allemandes.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... et Mme D... ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés du préfet du Doubs du 6 mars 2020. Par suite, ils ne sont pas davantage fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande respective. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et leurs conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1 : Les requêtes de M. E... et D... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me C... pour M. A... E... et Mme F... D... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
N° 20NC00906 et 20NC00907 8