Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 août 2019, et trois mémoires complémentaires, enregistrés les 30 novembre 2020, 28 février 2021 et 14 mars 2021, Mme E... B..., représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 1703179 du tribunal administratif de Strasbourg du 4 juin 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 25 avril 2017 par laquelle le président du conseil régional de Lorraine a refusé de faire droit à ses demandes d'aménagement de son poste de travail concernant la mise à disposition d'un bureau à hauteur réglable, le bénéfice d'horaires de travail aménagés et le recours au télétravail ;
3°) d'enjoindre à la région Grand Est de procéder à ces aménagements dès la reprise effective de ses fonctions ;
4°) à titre subsidiaire, de désigner un expert aux fins de déterminer si son état de santé nécessite les aménagements ainsi sollicités ;
5°) en tout état de cause, de mettre à la charge de la région Grand Est la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement de première instance est entaché d'une insuffisance de motivation, qui affecte sa régularité, dès lors que les premiers juges ne se sont pas prononcés sur l'existence d'une contradiction au sein de l'avis du médecin inspecteur régional du travail du 24 novembre 2015 entre la constatation d'un danger créé par la pose de cales sous son bureau et l'absence de préconisation d'un bureau réglable en hauteur ;
- sa demande de première instance était recevable dès lors que le courrier du 25 avril 2017 présentait un caractère décisoire ;
- la décision du 25 avril 2017 est entachée d'un vice de procédure dans la mesure où le médecin de prévention n'a pas été préalablement consulté ;
- la décision en litige est entachée d'erreurs de fait et d'erreurs manifestes d'appréciation, dès lors que son état de santé justifie les aménagements sollicités.
Par un mémoire, enregistré le 25 février 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 12 mars 2021, la région Grand Est, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la requérante d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la demande de première instance était irrecevable, le courrier du 25 avril 2017 ne présentant pas de caractère décisoire, et que, en tout état de cause, les moyens invoqués par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;
- le décret n° 85-603 du 10 janvier 1985 ;
- le décret n° 2016-151 du 11 février 2016 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,
- et les observations de Me F... pour Mme B... et de Me A... pour la région Grand Est.
Une note en délibéré, présentée pour Mme B..., a été enregistrée le 26 mars 2021.
Considérant ce qui suit :
1. Titulaire du grade d'attachée d'administration territoriale, Mme E... B... exerce ses fonctions au sein des services de la région Lorraine, devenue région Grand Est, depuis le 1er avril 1984. Le 8 septembre 2014, Mme B... a été victime d'un accident reconnu imputable au service par un arrêté du 26 novembre 2015 et a été placée en congé de maladie. La requérante ayant contesté les propositions d'aménagement de son poste de travail émises par le médecin de prévention, le 23 juillet 2015, en vue de sa reprise de fonctions, l'autorité territoriale a, le 7 octobre 2015, saisi le médecin inspecteur régional du travail, en application du quatrième alinéa de l'article 24 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail, ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale. Après avoir examiné l'intéressée le 10 novembre 2015, ce dernier a préconisé, à son tour, les aménagements de poste à mettre en place dans un courrier du 24 novembre 2015. Enfin, à l'issue de sa séance du 3 novembre 2016, le comité médical départemental de la Moselle a constaté que l'agent était apte à reprendre ses fonctions à temps plein et a émis un avis favorable pour un aménagement de poste à convenir avec le médecin du travail, avec bureau à proximité du domicile, au rez-de-chaussée ou à l'étage si le bâtiment d'affectation dispose d'un ascenseur et mise à disposition d'un fauteuil ergonomique. Estimant ces aménagements insuffisants au regard de son état de santé et de sa qualité de travailleur handicapé, Mme B... a demandé notamment à pouvoir bénéficier, dans un courrier du 6 février 2017, d'un bureau à hauteur réglable, d'une activité en télétravail et d'horaires de travail aménagés. Par une décision du 25 avril 2017, le président du conseil régional de la région Grand Est a refusé de faire droit à sa demande. Le 22 juin 2017, la requérante a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant, à titre principal, à l'annulation de la décision du 25 avril 2017 et à ce qu'il soit enjoint au président du conseil régional de procéder aux aménagements sollicités dès la reprise effective de ses fonctions, à titre subsidiaire, à la désignation d'un expert aux fins de déterminer si ces aménagements sont nécessités par son état de santé. Mme B... relève appel du jugement n° 1703179 du 4 juin 2019 qui rejette sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. Contrairement aux allégations de Mme B..., en ne prononçant pas sur l'existence d'une contradiction au sein de l'avis du médecin inspecteur régional du travail du 24 novembre 2015 entre la constatation d'un danger créé par la pose de cales sous son bureau et l'absence de préconisation d'un bureau réglable en hauteur, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'ont pas entaché leur jugement d'une irrégularité pour insuffisance de motivation. Par suite, ce moyen doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 14 du décret du 10 juin 1985, relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale : " Le service de médecine préventive conseille l'autorité territoriale, les agents et leurs représentants en ce qui concerne : 1° L'amélioration des conditions de vie et de travail dans les services ; (...) 3° L'adaptation des postes, des techniques et des rythmes de travail à la physiologie humaine ; (...) ". Aux termes de l'article 24 du même décret : " Les médecins du service de médecine préventive sont habilités à proposer des aménagements de poste de travail ou de conditions d'exercice des fonctions, justifiés par l'âge, la résistance physique ou l'état de santé des agents. / (...) / En cas de contestation par les agents intéressés des propositions formulées par les médecins du service de médecine préventive, l'autorité territoriale peut saisir pour avis le médecin inspecteur régional du travail et de la main-d'oeuvre territorialement compétent. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que, dans son avis du 24 novembre 2015 qui s'est substitué à celui du médecin de prévention du 23 juillet 2015, dont les préconisations avaient été contestées par Mme B..., le médecin inspecteur régional du travail, saisi par l'autorité territoriale le 7 octobre 2015, s'est prononcé, après examen de la requérante le 10 novembre 2015, pour une reprise de fonctions dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique de six mois, pour une prise en charge par la collectivité des trajets entre le domicile et le lieu de travail, pour une limitation des déplacements à l'intérieur des locaux et une nécessité d'éviter l'usage des escaliers, pour un bureau individuel équipé d'une imprimante et d'un fauteuil adapté et doté d'un repose-pied. En revanche, le médecin inspecteur a considéré qu'un bureau à hauteur réglable n'apparaissait pas nécessaire au plan médical. Il a également estimé que, " au-delà de la période de mi-temps thérapeutique, compte tenu d'une difficulté prévisible pour Mme B... d'une reprise à temps plein, une évolution vers une activité partielle en télétravail pourra être envisagée ". Par ailleurs, également consulté sur la reprise de fonctions de l'intéressée, le comité médical départemental a émis un avis favorable, le 3 novembre 2016, pour une réintégration à temps plein, sous réserve d'aménagements du poste de travail caractérisés par la mise à disposition d'un bureau localisé à proximité du domicile, dont l'accès n'implique pas l'usage des escaliers, et d'un fauteuil ergonomique. Mme B..., qui n'établit pas que son état de santé aurait évolué dans l'intervalle, ne saurait utilement se prévaloir du délai séparant l'émission de l'avis du médecin inspecteur régional du travail du 24 novembre 2015 et la décision en litige du 25 avril 2017. Les circonstances que cet avis était différent de celui émis par le médecin de prévention le 23 juillet 2,015, qu'il constatait que la requérante utilise des briques pour rehausser son bureau ou encore, que la date de consolidation et les séquelles résultant de l'accident de service du 8 septembre 2015 restaient à apprécier sont sans incidence sur la légalité du refus litigieux. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le président du conseil régional aurait dû saisir le médecin avant de rejeter sa demande du 6 février 2017 tendant au bénéfice d'un bureau à hauteur réglable, d'une activité en télétravail et d'horaires de travail aménagés. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 133 de la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, dans sa rédaction alors applicable : " Les fonctionnaires relevant de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires peuvent exercer leurs fonctions dans le cadre du télétravail tel qu'il est défini au premier alinéa de l'article L. 1222-9 du code du travail. L'exercice des fonctions en télétravail est accordé à la demande du fonctionnaire et après accord du chef de service. Il peut y être mis fin à tout moment, sous réserve d'un délai de prévenance. Les fonctionnaires télétravailleurs bénéficient des droits prévus par la législation et la réglementation applicables aux agents exerçant leurs fonctions dans les locaux de leur employeur public. ". Aux termes de l'article 5 du décret du 11 février 2016, relatif aux conditions et modalités de mise en oeuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature : " L'exercice des fonctions en télétravail est accordé sur demande écrite de l'agent. Celle-ci précise les modalités d'organisation souhaitées, notamment les jours de la semaine travaillés sous cette forme ainsi que le ou les lieux d'exercice. / Le chef de service, l'autorité territoriale ou l'autorité investie du pouvoir de nomination apprécie la compatibilité de la demande avec la nature des activités exercées, l'intérêt du service et, lorsque le télétravail est organisé au domicile de l'agent, la conformité des installations aux spécifications techniques précisées par l'employeur. / La durée de l'autorisation est d'un an maximum. L'autorisation peut être renouvelée par décision expresse, après entretien avec le supérieur hiérarchique direct et sur avis de ce dernier. En cas de changement de fonctions, l'agent intéressé doit présenter une nouvelle demande. / (...) ".
6. Par ailleurs, aux termes du premier alinéa de l'article 60 quinquies de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Des aménagements d'horaires propres à faciliter son exercice professionnel ou son maintien dans l'emploi sont accordés à sa demande au fonctionnaire handicapé relevant de l'une des catégories mentionnées aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de l'article L. 5212-13 du code du travail, dans toute la mesure compatible avec les nécessités du fonctionnement du service. ".
7. Contrairement aux allégations de Mme B..., l'avis du médecin inspecteur régional du travail du 24 novembre 2015, qui, après avoir constaté l'absence de nécessité d'un bureau à hauteur réglable, estime que le fait, pour l'intéressée, de rehausser son bureau à l'aide de briques présente un risque d'accident du travail, ne comporte aucune contradiction. Pour justifier les aménagements de poste qu'elle sollicite, la requérante verse aux débats un certificat médico-légal établi par un médecin légiste le 20 juin 2016. Toutefois, eu égard à la teneur de l'avis du médecin inspecteur régional du travail du 24 novembre 2015 et de celui du comité médical départemental du 3 novembre 2016, alors qu'il est constant que la requérante a, nonobstant ce dernier avis, bénéficié d'une reprise de fonctions dans le cadre d'un
mi-temps thérapeutique, ce seul document ne suffit pas à établir que le refus d'accorder à l'intéressée le bénéfice d'un bureau à hauteur réglable, d'une activité en télétravail et d'horaires de travail aménagés serait entaché d'erreurs de fait et d'erreurs d'appréciation. De même, Mme B... ne saurait utilement se prévaloir des préconisations contenues dans la fiche de visite médicale du 24 janvier 2020, qui est postérieure à la décision en litige. Par suite, les moyens tirés respectivement de l'erreur de fait et de l'erreur d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance, ni de désigner un expert aux fins de déterminer si l'état de santé de l'intéressée nécessite les aménagements qu'elle sollicite, Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du président du conseil régional du 25 avril 2017. Par suite, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les frais de justice :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la région Grand Est, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par Mme B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu non plus, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la défenderesse en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la région Grand Est en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me F... pour Mme E... B... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et à la région Grand Est.
N° 19NC02523 2