Par un jugement no 2000276-2000640 du 29 juillet 2020, le tribunal administratif de Besançon, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite, a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 novembre 2020, M. F... A..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 29 juillet 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 mars 2020 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit ;
3°) d'enjoindre à titre principal au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) d'enjoindre, à titre subsidiaire, au préfet de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire enregistré le 8 février 2021, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant macédonien, né en 1989, est entré en France, selon ses déclarations, en 2011. Il a sollicité, le 24 juillet 2019, un titre de séjour et sa demande a été implicitement rejetée par le préfet du Doubs, puis par un arrêté du 16 mars 2020, le préfet a explicitement rejeté la demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit. Par un jugement du 29 juillet 2020, dont Mme A... fait appel, le tribunal administratif de Besançon a prononcé un non-lieu à statuer les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite et rejeté celles tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 mars 2020.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990, publiée par décret le 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
3. Il ressort des pièces du dossier que si M. A... n'apporte aucun élément suffisamment probant pour établir sa présence continue en France depuis 2011, il justifie s'être maintenu irrégulièrement sur le territoire au moins depuis 2016 et avoir eu, avec une compatriote titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 6 novembre 2026, qu'il a épousée le 6 avril 2019, un enfant, né le 4 novembre 2016. Il est également démontré par les pièces du dossier, notamment d'une attestation, de factures et du livret de scolarité de l'enfant, que son épouse a eu d'une précédente union, que M. A... a une communauté de vie avec son épouse depuis 2017, soit environ deux ans à la date de la décision de refus de titre de séjour. Les pièces versées par le requérant, notamment une attestation du médecin traitant, établissent que M. A... participe à l'éducation et à l'entretien de son fils C... ainsi que du premier fils de son épouse. Il ressort également des pièces du dossier que M. A... est père d'un autre enfant, B..., né le 15 mai 2013 d'une précédente relation. Le témoignage de son ancienne compagne, corroboré par les jugements du juge aux affaires familiales des 17 avril 2014 et 24 juillet 2018 et une attestation du directeur du service d'action éducative en milieu ouvert du 28 janvier 2016, démontre que le requérant, qui est titulaire de l'autorité parentale, exerce régulièrement son droit de visite et d'hébergement à l'égard de son fils B.... En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant, dont les parents résident régulièrement en France, disposerait encore d'attaches dans son pays d'origine, les autres membres de sa famille résidant en Allemagne. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet du Doubs a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. Par suite, la décision de refus de séjour qui lui a été opposée le 16 mars 2020 par le préfet du Doubs doit être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet du Doubs de délivrer à M. A... une carte de séjour mention " vie privée et familiale", dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.
Sur les frais de l'instance :
6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me E..., avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me E... de la somme de 1 500 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 29 juillet 2020 en tant qu'il a rejeté la demande enregistrée sous le n° 200640 tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 mars 2020 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet du Doubs du 16 mars 2020 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer à M. A..., dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", et dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'Etat versera à Me E... une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me E... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Me E... pour M. F... A... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Doubs.
N° 20NC03437 2