Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 31 août 2020, Mme C... E..., représentée par Me A..., doit être regardée comme demandant à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1909411 du tribunal administratif de Strasbourg du 21 février 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 6 novembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêté à intervenir et sous astreinte de cinquante euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'un vice de procédure dès lors que l'identité du médecin instructeur n'a pas été transmise au préfet par l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- la décision en litige méconnaît les dispositions du 11° du l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît également les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant fixation du pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été régulièrement communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas défendu dans la présente instance.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... E... est une ressortissante nigériane, née le 16 juin 1995. Elle a déclaré être entrée irrégulièrement en France, le 15 août 2015, afin d'y solliciter la reconnaissance de la qualité de réfugiée. Le 19 février 2016, elle a présenté une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français des réfugiés et apatrides le 24 novembre 2016, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 27 juin 2017. Le 9 mai 2018, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, à la suite de l'avis défavorable du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 3 décembre 2018, le préfet du Bas-Rhin, par un arrêté du 6 novembre 2019, a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. Mme E... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 6 novembre 2019. Elle relève appel du jugement n° 1909411 du 21 février 2020 qui rejette sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / (...) ".
3. D'une part, contrairement aux allégations de la requérante, la circonstance que l'Office français de l'immigration et de l'intégration ait omis de communiquer au préfet l'identité du médecin ayant établi le rapport médical visé à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas de nature, par elle-même, à entacher la décision en litige d'illégalité. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que l'identité de ce médecin figurait, tant sur le bordereau de transmission de l'avis du collège de médecins du 3 décembre 2018, que sur l'avis lui-même. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure ne peut qu'être écarté.
4. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que, pour refuser d'admettre au séjour Mme E... en qualité d'étranger malade, le préfet du Bas-Rhin s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 3 décembre 2018. Selon cet avis, si l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il lui permet de voyager sans risque à destination de son pays d'origine, où, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie. Mme E... fait valoir qu'elle souffre d'un syndrome post-traumatique. Toutefois, la seule production du certificat médical confidentiel du 29 mai 2018, adressé par son médecin psychiatre au médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en charge de l'établissement du rapport médical, ne suffit pas à remettre en cause l'appréciation à laquelle s'est livré le préfet du Bas-Rhin sur la disponibilité effective du traitement dans le pays d'origine et sur la capacité de l'étranger à voyager sans risque. La requérante n'établit pas davantage que ses troubles psychiatriques seraient en lien avec des événements traumatisants vécus au Nigéria et qu'ils risqueraient de s'aggraver du seul fait de son retour sur le territoire nigérian. Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme E... ait sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet du Bas-Rhin n'ayant pas examiné d'office si l'intéressée pouvait être admise au séjour en application des dispositions en cause, ainsi qu'il lui était loisible de le faire, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté comme inopérant.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Mme E... se prévaut de sa relation avec un compatriote et de la naissance à Strasbourg de leur fille le 5 juin 2018. Toutefois, la requérante, présente sur le territoire français depuis le 15 août 2015, ne justifie pas d'une intégration particulière en France, ni y posséder d'autres attaches familiales ou personnelles. Elle n'est pas isolée dans son pays d'origine, où vivent notamment son père et une soeur. Enfin, le compagnon de Mme E... faisant également l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale, constituée par les intéressés et leur fille, se poursuive au Nigéria. Par suite, et alors que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu qu'il estime le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations en cause.
8. En quatrième et dernier lieu, pour les motifs qui viennent d'être exposés, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme E... ne peut être accueilli.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. Compte tenu de ce qui précède, les moyens tirés respectivement de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.
En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :
10. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
11. Mme E... fait valoir qu'elle appartient à une communauté ethnique au sein de laquelle la mutilation génitale des femmes est une pratique courante. Toutefois, la circonstance que la requérante ait été victime par le passé d'une excision, ainsi que l'atteste le certificat médical du 6 décembre 2019 versé aux débats, ne suffit pas à démontrer que sa fille risquerait de subir le même traitement en cas de retour au Nigéria, alors qu'il résulte de la note d'information de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada du 13 septembre 2016, produite par l'intéressée elle-même, que les parents nigérians peuvent s'opposer à ce type de pratique et solliciter, le cas échéant, la protection de l'Etat et des institutions religieuses. Par suite, et alors que Mme E... n'explique pas en quoi l'arrêt de la Cour nationale du droit d'asile, dont elle se prévaut, serait transposable à sa propre situation, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 6 novembre 2019. Par suite, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me A... pour Mme C... E... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
N° 20NC02539 4