Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 décembre 2017, M. A... E..., représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1603784 du 27 juin 2017 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 mars 2016 et la décision du 2 mai 2016 du recteur de l'académie de Strasbourg ;
3°) d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Strasbourg de le titulariser et de reconstituer sa carrière ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au profit de son avocat en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- l'arrêté du 3 mars 2016 est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté en litige est entaché d'un vice de procédure en l'absence de communication préalable de son dossier ;
- il est également entaché d'un vice de procédure en raison des irrégularités affectant la composition de la commission administrative paritaire lors de sa réunion du 26 février 2016 ;
- il est entaché d'une erreur de droit, dès lors que le motif tiré de ce qu'il aurait une hygiène corporelle incorrecte ne peut légalement justifier un licenciement pour insuffisance professionnelle ;
- il est entaché d'une erreur d'appréciation sur sa manière de servir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2018, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. E... ne sont pas fondés.
M. E... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 octobre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ;
- le décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Meisse, premier conseiller
- et les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... E... a été recruté, le 2 février 2011, par le recteur de l'académie de Strasbourg en qualité d'adjoint technique de recherche et de formation, pour exercer les fonctions d'agent d'entretien. Son contrat à durée déterminée, d'une durée initiale de quatre mois, a été régulièrement renouvelé jusqu'au 30 juin 2014. Le 20 juin 2014, bénéficiant d'un recrutement sans concours, le requérant a été nommé fonctionnaire stagiaire au grade d'adjoint technique de recherche et de formation de deuxième classe. Son stage d'un an, qui a débuté le 1er septembre 2014, a été prolongé de cinq mois supplémentaires à compter du 1er septembre 2015 par un arrêté du recteur de l'académie de Strasbourg du 17 juin 2015. Par un nouvel arrêté du 3 mars 2016, le recteur de l'académie de Strasbourg a décidé de ne pas titulariser l'intéressé en raison de son insuffisance professionnelle et de mettre fin à ses fonctions à compter du 5 mars 2015. Par un courrier du 19 avril 2016, M. E... a formé, contre l'arrêté du 3 mars 2015, un recours gracieux qui a été rejeté le 2 mai 2016. Par une requête, enregistrée le 4 juillet 2016, le requérant a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 mars 2016 et de la décision du 2 mai 2016. Il relève appel du jugement n° 1603784 du 27 juin 2017 qui rejette sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes du second alinéa de l'article 26 du décret n° 94-874 du 7 octobre 1994, fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l'Etat et de ses établissements publics : " Sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l'article 22 du présent décret [qui concernent les congés de maternité et de paternité], le total des congés rémunérés de toute nature accordés aux stagiaires en sus du congé annuel ne peut être pris en compte comme temps de stage que pour un dixième de la durée statutaire de celui-ci. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M E... a bénéficié d'un recrutement sans concours et a été nommé, par un arrêté du recteur de l'académie de Strasbourg du 20 juin 2014, fonctionnaire stagiaire au grade d'adjoint technique de recherche et de formation de deuxième classe. Son stage d'un an, qui avait débuté le 1er septembre 2014, a été prolongé de cinq mois supplémentaires, à compter du 1er septembre 2015, par un arrêté du 17 juin 2015, pris conformément à l'avis rendu le même jour par la commission administrative paritaire compétente. Le terme de cette prolongation de stage, initialement fixée au 1er février 2016, a été repoussé au 5 mars 2016 afin de prendre en considération les arrêts de travail pour maladie de l'intéressé. Contrairement à ses allégations, il résulte des dispositions précitées du second alinéa de l'article 26 du décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 que la durée de son stage complémentaire de cinq mois devait être prolongée, non pas de la totalité de la période au cours de laquelle il a été placé en arrêt de travail pour maladie, soit 45 jours, mais uniquement du nombre de jours d'arrêts de travail excédant le dixième de la durée statutaire du stage, soit 30 jours. Il suit de là que le stage du requérant aurait normalement dû prendre fin au 1er mars 2016. Dans ces conditions, en mettant fin aux fonctions de l'intéressé à compter du 5 mars 2016, le recteur, par son arrêté du 3 mars 2016, a prononcé un licenciement pour insuffisance professionnelle en fin de stage. Par suite, les moyens tirés respectivement du défaut de motivation et du vice de procédure pour absence de communication préalable du dossier doivent être écartés comme inopérants.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 7 du décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 : " Le fonctionnaire stagiaire peut être licencié pour insuffisance professionnelle lorsqu'il est en stage depuis un temps au moins égal à la moitié de la durée normale du stage. / La décision de licenciement est prise après avis de la commission administrative paritaire prévue à l'article 29 du présent décret, sauf dans le cas où l'aptitude professionnelle doit être appréciée par un jury. (...) ". Aux termes de l'article 29 du même décret : " Les questions d'ordre individuel résultant de l'application des articles 7 et 13 du présent décret sont soumises pour avis à la commission administrative paritaire du corps dans lequel le fonctionnaire stagiaire concerné a vocation à être titularisé. / Lorsqu'elle se prononce sur la situation d'un fonctionnaire stagiaire, la commission mentionnée à l'alinéa précédent comprend, en qualité de représentants du personnel, les membres qui représentent le grade de début du corps et les membres qui représentent le grade immédiatement supérieur. (...) ". Aux termes de l'article 27 du décret n° 82-451 du 28 mai 1982, relatif aux commissions administratives paritaires : " Les commissions administratives paritaires sont présidées par le directeur général, directeur ou chef de service auprès duquel elles sont placées. / En cas d'empêchement, le président désigne, pour le remplacer, un autre représentant de l'administration, membre de la commission administrative paritaire. Il en est fait mention au procès-verbal de la réunion. ". Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article 31 du même décret : " Les suppléants peuvent assister aux séances de la commission sans pouvoir prendre part aux débats. Ils n'ont voix délibérative qu'en l'absence des titulaires qu'ils remplacent. (...) ".
5. D'une part, il ressort des pièces du dossier, spécialement du procès-verbal de la séance de la commission administrative paritaire du 26 février 2016, qu'ont siégé en qualité de représentants du personnel non seulement deux fonctionnaires ayant le grade d'adjoint technique de recherche et de formation de deuxième classe, ce qui correspond au grade de début de corps, et deux agents ayant le grade d'adjoint technique de recherche et de formation de première classe, qui correspond au grade immédiatement supérieur, mais aussi quatre adjoints techniques de recherche et de formation principaux de première et deuxième classe, dont la présence n'est pas prévue par les textes. Toutefois, alors que les huit représentants du personnel se sont prononcés en faveur de la titularisation de M. E..., il ne ressort pas des pièces du dossier que la présence de ces quatre adjoints techniques de recherche et de formation principaux ait eu une influence sur le sens de la décision finalement prise par le recteur de l'académie de Strasbourg de ne pas titulariser le requérant, ni qu'elle ait privé l'intéressé d'une garantie.
6. D'autre part, il ressort de ce procès-verbal que la séance de la commission administrative paritaire du 26 février 2016 a été présidée par M. Jean-Pierre C..., secrétaire général adjoint, directeur des ressources humaines. Or, par un arrêté du 23 février 2016, le recteur de l'académie de Strasbourg a nommé M. C... parmi les membres titulaires représentants de l'administration au sein de la commission administrative paritaire académique compétente à l'égard des adjoints techniques de recherche et de formation et a désigné pour le remplacer à la présidence de la commission, en cas d'empêchement, la secrétaire générale de l'académie ou, en cas d'empêchement de cette dernière, son représentant, membre de la commission. Ainsi, la présidence de la commission administrative paritaire pouvait être assurée par M. C.... La circonstance que l'empêchement du recteur et de la secrétaire générale et leur remplacement par l'intéressé n'aient pas été formellement mentionnés dans le procès-verbal de la séance du 26 février 2016 n'a pas entaché la procédure d'irrégularité, dès lors qu'une telle omission n'a pas privé M. E... d'une garantie, ni exercé une influence sur le sens de l'arrêté en litige.
7. Par ailleurs, il est constant qu'une commission administrative paritaire ne peut valablement délibérer, en formation restreinte ou en assemblée plénière, qu'à la condition qu'aient été régulièrement convoqués, en nombre égal, les représentants de l'administration et les représentants du personnel, membres de la commission, habilités à siéger dans chacune de ces formations, et eux seuls, et que le quorum ait été atteint. Si la règle de la parité s'impose ainsi pour la composition des commissions administratives paritaires, en revanche, la présence effective en séance d'un nombre égal de représentants du personnel et de représentants de l'administration ne conditionne pas la régularité de la consultation d'une commission administrative paritaire, dès lors que ni ces dispositions, ni aucune autre règle, ni aucun principe ne subordonnent la régularité des délibérations des commission administratives paritaires à la présence en nombre égal de représentants de l'administration et de représentants du personnel. Si M. E... fait valoir que, lors de la séance du 26 février 2016, neuf représentants de l'administration, dont le président de la commission administrative paritaire, ont siégé avec voix délibérative contre huit représentants du personnel, il résulte du procès-verbal de cette séance que, à l'issue du vote, les huit représentants du personnel se sont prononcés en faveur de la titularisation du requérant, huit représentants de l'administration ont voté contre et aucun membre ne s'est abstenu. Dans ces conditions, à supposer même que la règle de parité ait été méconnue en l'espèce, une telle méconnaissance, en tout état de cause, n'a pas privé l'agent d'une garantie, ni exercé une influence sur le sens de la décision finalement prise par le recteur.
8. Enfin, M. E... se prévaut d'une violation du premier alinéa de l'article 31 du décret n° 94-874 du 7 octobre 1994, dès lors que Mme B... D..., chef de la division des affaires financières et de la division d'appui et de conseil aux établissements publics locaux d'enseignement et aux services au rectorat de Strasbourg, a pris part aux débats et au vote, alors qu'elle n'est que membre suppléant. Toutefois, l'administration soutient en défense, sans être contredite sur ce point, que l'intéressée a siégé au sein de la commission administrative paritaire en remplacement d'un membre titulaire absent et que, dès lors, conformément aux dispositions en cause, elle avait voix délibérative. En outre, en se bornant à faire valoir que Mme D... ne pouvait prendre part aux débats et au vote en tant que " juge et partie ", le requérant n'assortit pas son moyen de précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé.
9. Par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué du 3 mars 2016 est entaché d'un vice de procédure en raison des irrégularités affectant la composition de la commission administrative paritaire lors de sa réunion du 26 février 2016.
10. En troisième lieu, s'il est vrai que les deux rapports d'évaluation de l'agent des 28 avril 2015 et 28 janvier 2016 font état de ses prétendus problèmes d'hygiène corporelle, il ne ressort ni des avis défavorables émis par les supérieurs hiérarchiques successifs de l'intéressé, ni surtout des motifs de l'arrêté contesté du 3 mars 2016 que le refus de titulariser le requérant à l'issue de son stage reposerait sur des considérations étrangères à son insuffisance professionnelle. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut être favorablement accueilli.
11. En quatrième et dernier lieu, s'il appartient à l'autorité chargée du pouvoir de nomination d'apprécier, en fin de stage, l'aptitude d'un stagiaire à l'emploi pour lequel il a été recruté, la décision qu'elle prend ne doit pas reposer sur des faits matériellement inexacts, une erreur de droit ou une erreur manifeste d'appréciation ni être entachée de détournement de pouvoir.
12. Il ressort des pièces du dossier que, pour justifier sa décision de mettre fin aux fonctions de M. E... à compter du 5 mars 2016, le recteur de l'académie de Strasbourg a relevé que, durant les périodes de stage, le requérant a fait preuve de manque de rigueur et de carence dans l'exercice de ses fonctions, qu'il a également éprouvé de grandes difficultés à se positionner dans son travail, manifestant une tendance à vouloir s'occuper davantage de tâches ne relevant pas de son poste de travail et, enfin, que l'intéressé n'a pas amélioré sa manière de servir, ni modifié son comportement au travail malgré les rappels réitérés de sa hiérarchie quant à ses obligations professionnelles. Ces appréciations sont corroborées par les rapports d'évaluation de l'agent des 28 avril 2015 et 28 janvier 2016, qui, bien que rédigés par des supérieurs hiérarchiques distincts, relèvent les mêmes insuffisances professionnelles, à savoir un manque de qualité du service rendu et un défaut de conformité du travail aux exigences attendues, une tendance à la dispersion et une incapacité à tenir compte des remarques de sa hiérarchie. Pour contester ces appréciations, M. E..., qui ne saurait utilement se prévaloir des évaluations favorables obtenues au titre des années 2010 à 2014, alors qu'il était agent contractuel, se borne à produire deux attestations d'une collègue et de son ancienne compagne, un document, daté du 10 septembre 2015, comportant la signature de douze agents satisfaits de son travail depuis le 2 septembre 2015 et, enfin, un récit des événements rédigé sur un mode polémique par l'expert désigné par les représentants du personnel au sein de la commission administrative paritaire. Toutefois, ces documents, eu égard notamment aux termes dans lesquels ils sont rédigés, ne suffisent pas à démontrer que le recteur aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de le titulariser.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 3 mars 2016 et de la décision du 2 mai 2016 portant rejet de son recours gracieux. Il n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'annulation, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique, doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et au ministre de l'éducation nationale.
N° 17NC03056 2