Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2019, M. A... B..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 25 octobre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 11 mai 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant ce réexamen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision portant refus de séjour a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ; il n'est pas établi qu'un médecin instructeur aurait établi un rapport qui aurait été transmis au collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ; il n'est pas établi que le médecin qui a rédigé le rapport au vu duquel le collège de l'OFII a rendu son avis n'aurait pas siégé au sein dudit collège ; il n'est pas établi que les médecins composant le collège de l'OFII auraient été régulièrement désignés :
- le préfet a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il ne peut pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
- le préfet s'est estimé en situation de compétence liée ;
- le préfet a entaché la décision portant refus de séjour d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle et familiale ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- en prenant à son encontre une obligation de quitter le territoire français, le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de renvoi devra être annulée par voie de conséquence, du fait de l'annulation des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2019, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 décembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant du Kosovo né en 1974, est entré une première fois en France en 2008, afin d'y solliciter l'asile. Il indique être retourné au Kosovo en 2010 à la suite du rejet de sa demande d'asile et être revenu en France au mois de février 2015. Sa nouvelle demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 3 juillet 2015 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 14 avril 2016. M. B... a sollicité un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en se prévalant de son état de santé. Il s'est vu délivrer, sur ce fondement, un titre de séjour valable du 17 octobre 2016 au 16 octobre 2017. Par un arrêté du 11 mai 2018, le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné à l'expiration de ce délai. M. B... relève appel du jugement du 25 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ".
3. L'article R. 313-22 du même code prévoit que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ". Aux termes de l'article R. 313-23 dudit code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ".
4. L'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " Au vu du certificat médical [ transmis par le demandeur] et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté ". L'article 6 de ce même arrêté précise enfin que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
5. Par un avis du 28 janvier 2018, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a indiqué que si l'état de santé de M. B... nécessitait une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'avis du collège des médecins a été rendu au vu d'un rapport établi par un médecin de l'OFII conformément aux dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016.
7. En deuxième lieu, les membres du collège de médecins, signataires de l'avis du 28 janvier 2018, ont été désignés par une décision du 17 janvier 2017, modifiée par une décision du 2 octobre 2017 du directeur général de l'OFII, publiée au bulletin officiel du ministère de l'intérieur du 15 novembre 2017. Le moyen tiré de l'irrégularité de la composition du collège des médecins de l'OFII manque ainsi, en tout état de cause, en fait et doit être écarté.
8. En troisième lieu, il ne résulte ni du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni des articles R. 313-22 et R. 313-23 de ce code, ni de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, non plus d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'OFII devrait porter mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins de l'Office. Si l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 indique que l'avis mentionne " les éléments de procédure ", cette mention renvoie, ainsi qu'il résulte du modèle d'avis figurant à l'annexe C de l'arrêté, rendu obligatoire par cet article 6, à l'indication que l'étranger a été, ou non, convoqué par le médecin ou par le collège, à celle que des examens complémentaires ont été, ou non, demandés et à celle que l'étranger a été conduit, ou non, à justifier de son identité. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la procédure suivie par l'administration a été irrégulière, au seul motif que l'avis du 28 janvier 2018 ne mentionne pas le nom du médecin qui a établi le rapport médical transmis au collège de l'OFII.
9. Il ressort, par ailleurs, des pièces versées au dossier par le préfet du Bas-Rhin, en particulier de l'indication du nom du médecin qui a établi le rapport médical donnée au préfet par les services de l'OFII, que le rapport médical sur l'état de santé de M. B... prévu à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été établi par un médecin et a été transmis à un collège au sein duquel ont siégé trois autres médecins. Il s'ensuit que l'avis du 28 janvier 2018 a été émis dans le respect des dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment dans le respect de la règle selon laquelle le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège.
10. En quatrième lieu, il ne ressort pas de pièces du dossier que le préfet se serait estimé lié par l'avis du collège de l'OFII et se serait cru tenu de rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. B....
11. En cinquième lieu, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
12. Ainsi qu'il a été dit au point 5, le collège des médecins de l'OFII a considéré que le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner pour M. B... des conséquences d'une exceptionnelle gravité. L'intéressé a produit en première instance un certificat médical établi par le psychiatre qui le suivait, qui, eu égard aux termes dans lesquels il est rédigé, ne permet pas de remettre en cause cette appréciation. Par ailleurs s'il produit en appel un autre certificat médical, daté du 27 novembre 2018 et indiquant que l'intéressé souffre d'un " état dépressif caractérisé et récurrent " qui nécessite " une prise en charge psychiatrique sur place dans la continuité et dans la durée ", ce certificat établi par un autre psychiatre plus de six mois après l'édiction de la décision litigieuse ne se prononce pas sur les conséquences que pourrait avoir pour l'intéressé un arrêt de son traitement. Dans ces conditions, les éléments produits par le requérant ne permettent pas d'établir que c'est à tort que le préfet a considéré que le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, et sans que M. B... puisse utilement faire valoir qu'il ne peut pas bénéficier d'un traitement et d'une prise en charge appropriés dans son pays d'origine, le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
13. En sixième lieu, si M. B... justifie avoir exercé une activité professionnelle en qualité d'ouvrier plâtrier plaquiste pendant la validité de son titre de séjour et s'il produit un contrat de travail valant promesse d'embauche, il n'est entré en France qu'au mois de février 2015. Par ailleurs, il est constant que son épouse et ses deux enfants mineurs résident toujours au Kosovo. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de l'intéressé au regard de son pouvoir de régularisation.
14. En septième lieu, les moyens dirigés contre la décision portant refus de titre de séjour ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par M. B... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.
15. En huitième lieu et compte tenu des circonstances mentionnées au point 13, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prenant l'obligation de quitter le territoire litigieuse le préfet aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
16. En dernier lieu et dès lors que l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français n'est pas établie, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence.
17. Il résulte de tout ce qui précède, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Bas-Rhin.
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N° 19NC00218