Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 avril 2019, et un mémoire complémentaire, enregistré le 28 mai 2019, M. B... A..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1805811 du tribunal administratif de Strasbourg du 19 décembre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 3 août 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de réexaminer sa situation dans un délai de trente jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, pendant l'instruction de son dossier, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au bénéfice de son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est entaché d'un vice de procédure en l'absence, d'une part, d'éléments permettant d'identifier le médecin ayant établi le rapport médical, mentionné aux articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de mentions dans l'avis du 13 juin 2018, émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration concernant la durée prévisible du traitement et l'offre de soins dans le pays d'origine ;
- la décision en litige est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet du Bas-Rhin s'est estimé à tort lié par l'avis du 13 juin 2018 ;
- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant fixation du pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2019, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 mars 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... est un ressortissant guinéen, né le 20 octobre 1977. Il a déclaré être entré irrégulièrement en France le 20 juin 2016. Le 18 juillet 2016, il a présenté une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 25 juillet 2017, puis par la Cour nationale du droit d'asile, le 28 novembre 2018. Par un courrier du 20 novembre 2017, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, à la suite de l'avis défavorable du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 13 juin 2018, le préfet du Bas-Rhin, par un arrêté du 3 août 2018, a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. Par une requête, enregistrée le 19 septembre 2018, le requérant a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 août 2018. Il relève appel du jugement n° 1805011 du 19 décembre 2018, qui rejette sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical (...). ". Aux termes de l'article 5 du même arrêté : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. ". Enfin, aux termes de l'article 6 du même arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".
3. D'une part, il ressort des pièces du dossier, spécialement des mentions figurant sur le bordereau de transmission de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 13 juin 2018, ainsi que de l'attestation de la directrice territoriale de l'Office de Strasbourg du 15 octobre 2019, produits en défense par le préfet du Bas-Rhin, que le rapport médical mentionné aux articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été établi, le 5 février 2018, par le docteur Alain Sebille et que celui-ci n'était pas au nombre des trois médecins composant le collège. D'autre part, il ressort également des pièces du dossier que, dans son avis du 13 juin 2018, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé du requérant, qui lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Compte tenu de son appréciation sur les conséquences résultant d'un défaut de prise en charge médicale, le collège de médecins n'avait pas nécessairement à se prononcer sur la disponibilité effective du traitement en Guinée et sur la durée prévisible du traitement. Ainsi, en s'abstenant de renseigner la rubrique correspondante, il n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, privé M. A... d'une garantie, ni exercé une influence sur le sens de la décision finalement prise, dès lors que le préfet du Bas-Rhin, qui n'était pas en situation de compétence liée, pouvait, en cas d'appréciation divergente, interroger le collège de médecins sur la possibilité pour l'étranger de bénéficier effectivement de soins appropriés dans le pays d'origine. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure ne peut être accueilli.
4. En deuxième lieu, aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre. ".
5. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de délivrer à M. A... un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet du Bas-Rhin s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 13 juin 2018, selon lequel l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Si le requérant fait valoir qu'il souffre de problèmes allergiques, lombaires et pulmonaires, ainsi que d'un syndrome de stress post-traumatique, les certificats médicaux versés au dossier, émanant de son médecin traitant et d'un médecin psychiatre, praticien hospitalier au centre hospitalier d'Erstein, ne sont pas de nature, eu égard aux termes dans lesquels ils sont rédigés, à remettre en cause l'appréciation à laquelle s'est livrée le préfet du Bas-Rhin sur les conséquences résultant d'un défaut de prise en charge médicale. En particulier, les certificats du médecin psychiatre, qui insistent de manière récurrente sur la nécessité pour le patient de poursuivre son traitement afin d'éviter une décompensation pouvant avoir de graves conséquences, sont insuffisamment précis quant à la nature des risques liés à une telle décompensation. De même, M. A... n'établit pas que son état de santé actuel serait la conséquence d'événements traumatisants vécus en Guinée. Par suite et alors même que l'intéressé a été hospitalisé au centre hospitalier d'Erstein, du 12 janvier au 25 janvier 2018, pour un épisode délirant sur mode hallucinatoire, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
6. En troisième et dernier lieu, eu égard aux circonstances analysées ci-dessus, le moyen tiré de l'erreur manifeste qu'aurait commise le préfet dans l'appréciation de la situation de l'intéressé au regard de son pouvoir de régularisation doit également être écarté.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. Compte tenu de ce qui a déjà été dit, les moyens tirés de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de ce qu'elle méconnaîtrait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés.
En qui concerne la légalité de la décision portant fixation du pays de destination :
8. Aux termes des stipulations l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
9. Si M. A... fait valoir qu'il a vécu des événements traumatisants dans son pays d'origine, liés notamment au décès de ses parents et aux actes de violence et de torture dont il a lui-même été victime, il n'apporte, en dehors de son propre récit, aucun élément au soutien de ces allégations. Par suite et alors que, au demeurant, sa demande d'asile a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit doivent être écartés.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Il n'est pas davantage fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 3 août 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 19NC00988