Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er mai 2019, M. A... D..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1900049 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 2 avril 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aube du 12 décembre 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- la décision en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, dès lors que le préfet de l'Aube s'est contenté de lui opposer l'absence de formation professionnelle qualifiante d'une durée de six mois, sans se livrer à une appréciation globale de sa situation au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française ;
- elle méconnaît également la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que la circulaire interministérielle du 25 janvier 2016, relative à la mobilisation des services de l'Etat auprès des conseils départementaux concernant les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur familles et les personnes se présentant comme tels ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet de l'Aube a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation ;
- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour.
La requête a été communiquée au préfet de l'Aube, qui n'a pas défendu dans la présente instance.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 mai 2019.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... D... est un ressortissant ivoirien, né le 19 septembre 2000. Il a déclaré être entré irrégulièrement en France le 2 février 2018, alors qu'il était encore mineur. Il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Aube jusqu'à sa majorité. Le 25 octobre 2018, le requérant a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 12 décembre 2018, le préfet de l'Aube a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. Par une requête enregistrée le 10 janvier 2019, M. D... a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 12 décembre 2018. Il relève appel du jugement n° 1900049 du 2 avril 2019, qui rejette cette demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, contrairement aux allégations de M. D..., la décision attaquée comporte, dans ses visas et motifs, l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et ne peut, dès lors, qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Aube se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation personnelle du requérant. Par suite, le moyen tiré du défaut d'un tel examen ne peut être favorablement accueilli.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " À titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé. ".
5. Il ressort des pièces du dossier que, si M. D... a réussi, en juin 2018 les tests des compagnons du devoir pour un parcours de formation d'apprenti en plomberie, il n'a pas trouvé d'employeur susceptible de l'accueillir en apprentissage et a finalement été affecté, par une décision du 16 octobre 2018 de l'inspecteur d'académie de Reims en première année de CAP " peinture des carrosseries " dans un lycée de Troyes. Dans ces conditions, alors même que le rapport d'évolution du 23 octobre 2018 concernant l'intéressé est positif, que celui-ci obtient de bons résultats et se montre motivé dans ses études, il est constant que le requérant ne justifiait pas, à la date de sa demande de titre, suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Contrairement aux allégations de M. D..., le préfet de l'Aube, qui, au demeurant, s'est livré à une appréciation globale de sa situation au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française, pouvait légalement se fonder sur ce seul motif pour refuser de faire droit à cette demande. Par suite, les moyens tirés respectivement de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
6. En quatrième lieu, M. D... ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que de celles de la circulaire interministérielle du 25 janvier 2016, relative à la mobilisation des services de l'Etat auprès des conseils départementaux concernant les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur familles et les personnes se présentant comme tels, ces dispositions étant dépourvues de portée impérative ;
7. En cinquième lieu, le requérant n'ayant pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article 313-11 ou sur celui de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions en cause doivent être écartés comme inopérants.
8. En sixième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Aube, qui n'était nullement tenu de convoquer M. D... afin d'obtenir des précisions sur sa situation personnelle, aurait commis, compte tenu des éléments portés à sa connaissance, une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation.
9. En septième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. Si M. D... fait valoir qu'il entretient une relation avec une compatriote et qu'il envisage d'emménager avec elle à Paris, où elle poursuit désormais ses études, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé n'est présent sur le territoire français que depuis le 2 février 2018, soit moins d'un an à la date de la décision attaquée. Il est célibataire et sans enfant à charge. Il n'est pas isolé dans son pays d'origine, où résident notamment ses parents, ses deux frères et sa soeur. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour opposé à M. D....
12. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 12 décembre 2018. Il n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Dès lors, sa requête, y compris ses conclusions à fin d'injonction et à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, doit être rejetée.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Aube.
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N° 19NC01325