Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2019 sous le n° 19NC02352, M. C... E..., représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 4 juin 2019 ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet de Meurthe-et-Moselle du 24 mai 2019 pris à son encontre ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de l'autoriser à déposer une demande d'asile et à séjourner sur le territoire français dans l'attente de la réponse à cette demande ;
4°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer une attestation de demande d'asile, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de ce que l'arrêté n'est pas suffisamment motivé, faute de viser l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ou de se prononcer sur l'intérêt supérieur de sa fille ;
- il n'a pas bénéficié en temps utile de l'information prévue par les stipulations de l'article 4 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 5 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013, dès lors que rien ne permet de constater que l'entretien prévu par ces dispositions a été mené par une personne qualifiée ;
- la décision n'est pas suffisamment motivée ; elle ne mentionne pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; il n'est pas possible de comprendre les raisons pour lesquelles le préfet a retenu la compétence de l'Italie et non celle de l'Allemagne ;
- il n'est pas établi que les autorités italiennes ont été saisies dans le délai de deux mois prévu par les dispositions de l'article 23 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 ;
- l'Italie n'est plus en mesure d'accueillir les demandeurs d'asile de sorte qu'il y a des raisons de croire qu'il existe des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile ; la décision de remise a été prise en méconnaissance des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le préfet n'a pas fait un examen particulier de sa situation ; il n'est pas établi que le préfet aurait examiné la possibilité de mettre en oeuvre la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013, compte tenu de son état de santé ;
- compte tenu de son état de santé et de celui de sa fille, le préfet aurait dû faire usage de la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 ;
- la décision portant assignation à résidence n'est pas motivée, en méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ; cette décision ne mentionne pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation avant de prendre la décision portant assignation à résidence.
II. Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2019 sous le n° 19NC02353, Mme A... B..., représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 4 juin 2019 ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet de Meurthe-et-Moselle du 24 mai 2019 pris à son encontre ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de l'autoriser à déposer une demande d'asile et à séjourner sur le territoire français dans l'attente de la réponse à cette demande ;
4°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer une attestation de demande d'asile, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de ce que l'arrêté n'est pas suffisamment motivé faute de viser l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ou de se prononcer sur l'intérêt supérieur de sa fille ;
- elle n'a pas bénéficié en temps utile de l'information prévue par les stipulations de l'article 4 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 5 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013, dès lors que rien ne permet de constater que l'entretien prévu par ces dispositions a été mené par une personne qualifiée ;
- la décision n'est pas suffisamment motivée ; elle ne mentionne pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; il n'est pas possible de comprendre les raisons pour lesquelles le préfet a retenu la compétence de l'Italie et non celle de l'Allemagne ;
- il n'est pas établi que les autorités italiennes ont été saisies dans le délai de deux mois prévu par les dispositions de l'article 23 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 ;
- l'Italie n'est plus en mesure d'accueillir les demandeurs d'asile de sorte qu'il y a des raisons de croire qu'il existe des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile ; la décision de remise a été prise en méconnaissance des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le préfet n'a pas fait un examen particulier de sa situation ; il n'est pas établi que le préfet aurait examiné la possibilité de mettre en oeuvre la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013, compte tenu de l'état de santé de son époux et de sa fille ;
- compte tenu de l'état de santé de son époux et de celui de sa fille, le préfet aurait dû faire usage de la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 ;
- la décision portant assignation à résidence n'est pas motivée, en méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ; cette décision ne mentionne pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation avant de prendre la décision portant assignation à résidence.
M. E... et Mme B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 27 juin 2019.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n ° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n° 19NC02352 et 19NC02353 ont fait l'objet d'une instruction commune et sont relatives au même jugement. Il y a ainsi lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
2. M. C... E..., ressortissant sierra-léonais né en 1999, et son épouse Mme A... B..., ressortissante nigériane née en 1999, indiquent être entrés en France au mois de novembre 2018, accompagnés de leur fille née le 17 avril 2018, afin d'y solliciter l'asile. Après avoir notamment constaté que les empreintes des intéressés avaient été relevées en Italie, le préfet de la Moselle a présenté aux autorités italiennes une demande tendant à leur prise en charge, laquelle a été implicitement acceptée. Par des arrêtés du 24 mai 2019, le préfet de Meurthe-et-Moselle a décidé leur transfert vers l'Italie et les a assignés à résidence. M. E... et Mme B... relèvent appel du jugement du 4 juin 2019, par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la régularité du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il ressort des pièces du dossier et des termes du jugement attaqué que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments des parties, a répondu aux moyens dont il était saisi, notamment au moyen tiré du défaut de motivation des décisions litigieuses. M. E... et Mme B... ne sont ainsi pas fondés à soutenir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé sur ce point.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce concerne les décisions portant transfert aux autorités italiennes :
4. En premier lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.
5. En l'espèce, les décisions litigieuses mentionnent les dispositions du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement et comprennent l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen des demandes présentées par les intéressés relève de la responsabilité de l'Italie. Le préfet n'avait, en outre, pas à indiquer les raisons pour lesquelles aucune demande de prise en charge n'avait été effectuée auprès des autorités allemandes. Ces décisions, qui mentionnent au demeurant la présence en France et l'âge de la fille des intéressés, n'avaient pas davantage à viser l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, qui ne constitue pas leur base légale, ni à indiquer expressément que l'intérêt supérieur de cet enfant avait été pris en compte. Les décisions litigieuses comportent ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et sont par suite suffisamment motivées.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement et notamment : / a) des objectifs du présent règlement (...) / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ".
7. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et en tout état de cause en temps utile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend.
8. Il ressort des pièces du dossier que, le 14 novembre 2018, jour des entretiens individuels qu'ils ont eu avec un agent de la préfecture de la Moselle, M. E... et Mme B... ont signé un document par lequel ils reconnaissaient avoir reçu dans une langue qu'ils comprenaient les informations prévues par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013. Ainsi et alors même qu'elles ne leur ont pas été délivrées avant lesdits entretiens, ces informations leur ont été communiquées en temps utile.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".
10. Les requérants soutiennent qu'ils n'ont pas bénéficié d'un entretien individuel mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. Ils se prévalent à cet égard de ce que le compte-rendu de leurs entretiens individuels ne fait pas apparaître le nom et la qualité de l'agent qui les a effectués. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les intéressés ont tous les deux bénéficié d'un entretien individuel le 14 novembre 2018, réalisé en langue anglaise qu'ils ont déclaré comprendre. Ces deux entretiens, qui ont été menés dans les locaux de la préfecture de Moselle par un agent de la préfecture, doivent être regardés comme ayant été réalisés par une personne qualifiée au sens des dispositions précitées. En outre, l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 n'exige pas que le résumé de l'entretien individuel mentionne l'identité et la qualité de l'agent chargé de conduire cet entretien. Par suite, si ces mentions ne figurent pas sur le compte-rendu des entretiens individuels menés avec M. E... et Mme B..., cette circonstance est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie. Par conséquent, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
11. En quatrième lieu, d'une part, aux termes de l'article 18 du règlement n° 604/2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) / b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre (...) ". L'article 23 du même règlement prévoit que " 1. Lorsqu'un État membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre État membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne. 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (" hit "), en vertu de l'article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013. (...) / 3. Lorsque la requête aux fins de reprise en charge n'est pas formulée dans les délais fixés au paragraphe 2, c'est l'État membre auprès duquel la nouvelle demande est introduite qui est responsable de l'examen de la demande de protection internationale ". L'article 25 de ce même règlement prévoit que : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines. 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée ".
12. D'autre part, aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 : " 1. Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre États membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement. (...) / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national visé à l'article 19 est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ". Selon l'article 19 de ce même règlement : " 1. Chaque Etat membre dispose d'un unique point d'accès national identifié. / 2. Les points d'accès nationaux sont responsables du traitement des données entrantes et de la transmission des données sortantes. / 3. Les points d'accès nationaux sont responsables de l'émission d'un accusé de réception pour toute transmission entrante ".
13. En vertu de ces dispositions, lorsque le préfet est saisi d'une demande d'enregistrement d'une demande d'asile, il lui appartient, s'il estime après consultation du fichier Eurodac que la responsabilité de l'examen de cette demande d'asile incombe à un Etat membre autre que la France, de saisir la direction générale des étrangers en France du ministère de l'intérieur, qui gère le " point d'accès national " du réseau DubliNet pour la France. Les autorités de l'Etat regardé comme responsable sont alors saisies par le point d'accès français, qui archive les accusés de réception de ces demandes. Les demandes émanant des préfectures sont, en principe, transmises le jour même aux autorités des autres Etats membres si elles parviennent avant 16 heures 30 au point d'accès national et le lendemain si elles y parviennent après cette heure. En outre, si les préfectures n'avaient pas directement accès aux accusés de réception archivés par le point d'accès national, elles peuvent désormais y accéder directement.
14. La décision de transfert d'un demandeur d'asile vers l'Etat membre responsable au vu de la consultation du fichier Eurodac ne peut être prise qu'après l'acceptation de la reprise en charge par l'Etat requis, saisi dans le délai de deux mois à compter de la réception du résultat de cette consultation. A cet égard, s'il est nécessaire que les autorités françaises aient effectivement saisi les autorités de l'autre Etat avant l'expiration de ce délai de deux mois et que les autorités de cet Etat aient, implicitement ou explicitement, accepté cette demande, la légalité de la décision de transfert prise par le préfet ne dépend pas du point de savoir si les services de la préfecture disposaient matériellement, à la date de la décision du préfet, des pièces justifiant de l'accomplissement de ces démarches.
15. Le juge administratif, statuant sur des conclusions dirigées contre la décision de transfert et saisi d'un moyen en ce sens, prononce l'annulation de la décision de transfert si elle a été prise alors que l'Etat requis n'a pas été saisi dans le délai de deux mois ou sans qu'ait été obtenue l'acceptation par cet Etat de la reprise en charge de l'intéressé. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur ce point au vu de l'ensemble des éléments versés au dossier par les parties. S'il peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, il ne saurait exiger de l'auteur du recours que ce dernier apporte la preuve des faits qu'il avance.
16. Il ressort des pièces du dossier qu'après avoir été informé le 14 novembre 2018 que le passage des empreintes de M. E... et de Mme B... dans le fichier Eurodac avait donné un résultat positif, celles-ci ayant été déjà relevées en Italie, le préfet de la Moselle a adressé le 16 novembre 2018, au point unique d'accès national établi auprès du ministre de l'intérieur, une demande de reprise en charge de M. E... et de Mme B... à transmettre à l'Italie au moyen du réseau de communication " DubliNet ", qui permet des échanges d'informations fiables entre les autorités nationales en charge des demandes d'asile. Le préfet de la Meurthe-et-Moselle a produit, pour en justifier, la copie de deux accusés de réception DubliNet du 16 novembre 2018, mentionnant les références " FRDUB29930201186-570 " et " FRDUB19930201187-570 " qui correspondent aux numéros attribués aux requérants par la préfecture de la Moselle. Ces accusés de réception correspondent à des réponses automatiques émises le 16 novembre 2018 à la suite de l'envoi des demandes de prise en charge concernant M. E... et Mme B... au moyen de l'application DubliNet. Ces deux accusés de réception permettent de regarder les autorités françaises comme ayant saisi dès cette date les autorités italiennes. Les requérants ne contredisent pas utilement ce constat en se bornant à soutenir que seul l'accusé de réception transmis par le point d'accès national italien serait de nature à établir la date exacte de cette saisine. Les autorités italiennes ayant gardé le silence durant les quinze jours suivant cette transmission, elles sont réputées avoir donné leur accord implicite à la demande de reprise en charge en application des dispositions précitées du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par ailleurs, les autorités italiennes n'ont pas réagi à la transmission, par l'intermédiaire du réseau DubliNet, des " constat[s] d'un accord implicite et confirmation de reconnaissance de la responsabilité " établis par le préfet de la Moselle le 11 décembre 2019 et dont le point d'accès national français a accusé réception le même jour à la préfecture. M. E... et Mme B... ne sont, par suite, pas fondés à soutenir qu'il n'est pas établi que les autorités italiennes auraient été saisies dans le délai de deux mois imparti par les dispositions précitées et qu'elles auraient, en conséquence, accepté implicitement leur reprise en charge à la date des décisions litigieuses.
17. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ". Aux termes de l'article L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La procédure de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile ne peut être engagée dans le cas de défaillances systémiques dans l'Etat considéré mentionné au 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 (...) ". Le paragraphe 1 de l'article 17 de ce règlement prévoit en outre que : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ".
18. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation des intéressés au regard de ces dispositions ou qu'il se serait estimé tenu de prendre les décisions de transfert litigieuses.
19. D'autre part, l'Italie étant membre de l'Union Européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette présomption est toutefois réfragable lorsqu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Dans cette hypothèse, il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités italiennes répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.
20. En l'espèce, il ne ressort pas des éléments produits par les requérants que la situation générale en Italie ne permettait pas d'assurer un niveau de protection suffisant aux demandeurs d'asile ni que ce pays aurait exposé les intéressés à un risque personnel de traitement inhumain ou dégradant. M. E... et Mme B... soutiennent que les autorités italiennes, confrontées à un afflux de migrants, ne sont pas en mesure d'accorder aux demandeurs d'asile des conditions d'accueil satisfaisantes notamment pour les personnes vulnérables. Toutefois, s'ils attestent de la dégradation des conditions de prise en charge des demandeurs d'asile en Italie, les éléments produits par les intéressés ne permettent pas de considérer comme établi qu'il existait, à la date des décisions litigieuses, des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans ce pays. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions par lesquelles le préfet a décidé la remise de M. E... et de Mme B... aux autorités italiennes auraient été prises en méconnaissance des dispositions du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
21. Enfin, s'il ressort des pièces du dossier que M. E... est atteint d'une hépatite B, que la fille des requérant a été victime d'une chute d'un canapé qui a occasionné une fracture de l'avant-bras gauche et qu'une intervention chirurgicale a dû être réalisée le 22 mai 2019 pour réduire cette fracture, les requérants n'apportent pas d'éléments de nature à établir que M. E... et sa fille ne pourrait pas bénéficier d'une prise en charge médicale adaptée en Italie. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en s'abstenant de mettre en oeuvre la clause dérogatoire prévue par les dispositions précitées de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, le préfet a entaché les arrêtés du 24 mai 2019 portant transfert de M. E... et Mme B... d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur les décisions portant assignation à résidence :
22. En premier lieu, les moyens dirigés contre les décisions portant remise aux autorités italiennes ayant été écartés, les exceptions d'illégalité de ces décisions invoquées par les requérants à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions portant assignation à résidence ne peuvent qu'être écartées par voie de conséquence.
23. En deuxième lieu, les décisions litigieuses visent les textes dont le préfet a fait application et précisent que les requérants justifient d'une adresse à laquelle ils peuvent être assignés dans la perspective de leur transfert vers l'Italie. Par ailleurs les décisions, qui mentionnent au demeurant la présence en France et l'âge de la fille des intéressés, n'avaient pas à viser l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, qui ne constitue pas leur base légale, ni à indiquer expressément que l'intérêt supérieur de cet enfant avait été pris en compte. Les décisions litigieuses comportent ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et sont par suite suffisamment motivées.
24. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation des intéressés avant de les assigner à résidence.
25. Il résulte de tout ce qui précède que de M. E... et de Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes. Leurs conclusions à fin d'injonction et leurs conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. E... et de Mme B... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E..., à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 19NC02352, 19NC02353