Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 avril 2019, M. D... A...anga Benkita, représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1801911 du tribunal administratif de Besançon du 17 janvier 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 20 juillet 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de huit jours suivant cette notification ;
4°) à défaut, d'enjoindre au préfet du Doubs de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, pendant la durée de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'erreurs de fait ;
- la décision en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 211-2-1 et du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît également les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant fixation du pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 août 2019, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... A...anga Benkita est un ressortissant de la République démocratique du Congo, né le 15 mai 1978. Il est entré régulièrement en France le 17 février 2013, sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de type C. Le 21 mars 2013, il a présenté une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 31 mai 2013, puis par la Cour nationale du droit d'asile, le 13 janvier 2014. En conséquence de ces refus, le requérant a fait l'objet, le 7 mars 2014, d'une mesure d'éloignement à laquelle il n'a pas déféré. Le réexamen de sa demande d'asile, sollicité par l'intéressé le 11 mai 2015, ayant conduit au rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 26 juin 2015, et de la Cour nationale du droit d'asile, le 15 février 2016, une obligation de quitter le territoire français a été prise à son encontre le 31 juillet 2015. Faisant valoir son mariage avec une ressortissante française le 5 mars 2016, M. A...anga Benkita a sollicité, le 17 mars 2016, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet du Doubs a refusé de faire droit à sa demande par une décision du 17 mai 2016, qui a été annulée par un jugement n° 1600944 du tribunal administratif de Besançon du 27 septembre 2016. Le tribunal lui ayant enjoint de réexaminer la situation de l'intéressé, le préfet a confirmé son refus de délivrance le 25 octobre 2016. Toutefois, par un arrêt n° 17NC01101 du 8 février 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé cet arrêté et prescrit un nouvel examen de la situation du requérant. Par un arrêté du 20 juillet 2018, le préfet du Doubs a refusé de délivrer à M. A...anga Benkita un titre de séjour en qualité de conjoint de Français, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office. Le tribunal administratif de Besançon ayant, par un jugement n° 1801911 du 17 janvier 2019, confirmé la légalité de cet arrêté, le requérant relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. Aux termes du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ". Aux termes de l'article L. 313-2 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23 et 31324 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1. ". Aux termes de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article. / (...) / Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour. ". Si les articles L. 313-2 et L. 313-11 du code de l'entrée et de du séjour des étrangers et subordonnent la délivrance de la carte de séjour " vie privée et familiale " au conjoint d'un Français à la condition d'être en possession d'un visa de long séjour, elles n'impliquent pas que celui-ci fasse l'objet d'une demande expresse distincte de la demande du titre de séjour sollicité auprès de l'autorité préfectorale, qui est compétente, dans le cas prévu à l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour procéder à cette double instruction.
3. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de faire droit à la demande de titre de séjour présenté par M. A...anga Benkita sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Doubs a considéré que son mariage avec une ressortissante française à Besançon, le 5 mars 2016, présentait un caractère frauduleux et qu'il ne justifiait pas d'une " vie privée et familiale ancienne, intense et stable sur le territoire français ". Il ressort des pièces du dossier que le requérant, qui est entré régulièrement en France le 17 février 2013, a épousé à Besançon, le 5 mars 2016, une ressortissante française. Il est constant que les intéressés, qui ont conclu un contrat de mariage et des actes de donation entre époux, se sont rencontrés en septembre 2014 et qu'ils vivent ensemble, depuis le mois de juillet 2015, dans l'appartement dont ils sont tous deux propriétaires. Le préfet du Doubs verse aux débats un rapport d'enquête sur la réalité de la communauté de vie du couple formé par le requérant et son épouse, établi le 8 juin 2018 par le directeur interdépartemental de la police aux frontières de Pontarlier, dont il ressort que les faits de viol aggravé, qui ont justifié l'interpellation de M. A...anga Benkita le 25 avril 2017, n'ont donné lieu à aucune poursuite judiciaire en raison du retrait de la plainte, que l'intéressé " ne donnerait pas l'impression d'une fidélité totale " et que les déclarations des époux " semblent confirmer la volonté de faire en sorte de masquer une situation peu crédible ". Toutefois, ces seules allégations, qui ne reposent sur aucun élément précis, ne permettent pas de tenir pour établi que le mariage du requérant présenterait un caractère frauduleux. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. A...anga Benkita, qui remplit les conditions exigées par les dispositions en cause, est fondé à soutenir que le préfet du Doubs, en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité de Français, a méconnu le dernier alinéa de l'article L. 211-2-1 et le 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision contestée. Par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination, qui se trouvent dépourvues de base légale, doivent également être annulées.
4. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...anga Benkita est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Doubs du 20 juillet 2018. Par suite, il est également fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet du Doubs de délivrer à M. A...anga Benkita un titre de séjour en qualité de conjoint de Français sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Sur les frais de justice :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil du requérant, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1801911 du 17 janvier 2019 du tribunal administratif de Besançon est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet du Doubs du 20 juillet 2018 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer à M. A...anga Benkita un titre de séjour en qualité de conjoint de Français dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera au conseil de M. A...anga Benkita, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A...anga Benkita et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
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N° 19NC01026