Par un jugement n° 1805845 du 30 janvier 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 avril 2019, M. A... D..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1805845 du tribunal administratif de Strasbourg du 30 janvier 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 7 septembre 2018 par laquelle le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'un vice de procédure, dès lors que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne se prononce pas sur la possibilité pour lui d'accéder effectivement à un traitement approprié dans son pays d'origine ;
- la décision en litige est insuffisamment motivée et elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- la décision méconnaît les stipulations du 7) du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- elle méconnaît également les stipulations du 5) du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, ainsi que celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2019, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. D... ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 mars 2019.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016, relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017, fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... D... est un ressortissant algérien, né le 7 janvier 1974. Il a déclaré être entré irrégulièrement en France le 14 octobre 2013. Après qu'il a été interpellé par les services de la police aux frontières, une obligation de quitter le territoire français a été prise à son encontre le 9 juillet 2014. Par un courrier du 15 juillet 2014, l'intéressé a sollicité son admission au séjour pour raison de santé. Par un arrêté du 13 janvier 2015, dont la légalité a été confirmée par un jugement n° 1501190 du tribunal administratif de Strasbourg du 3 juin 2015 et par un arrêt n° 15NC01446 de la cour administrative d'appel de Nancy du 7 avril 2016, le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un certificat de résidence en qualité d'étranger malade. Le 18 janvier 2016, à la suite de son audition par les services de la police aux frontières, le requérant a fait l'objet d'une obligation de quitter sans délai le territoire français. Le tribunal administratif de Strasbourg, par un jugement n° 1600412 du 21 janvier 2016, puis la cour administrative d'appel de Nancy, par un arrêt n° 16NC00361 du 2 décembre 2016, ont rejeté le recours formé contre cette mesure d'éloignement. Enfin, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ayant rejeté, le 23 septembre 2016, la demande d'asile de M. D..., ce dernier, par un courrier du 13 octobre 2017, a sollicité à nouveau la délivrance d'un certificat de résidence en qualité d'étranger malade sur le fondement du 7) du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles. Toutefois, à la suite de l'avis défavorable du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 30 juin 2018, le préfet de la Moselle, par un arrêté du 7 septembre 2018, contesté par M. D... devant le juge administratif, a refusé de faire droit à cette demande, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à l'encontre de l'intéressé une interdiction de retour sur le territoire français pendant un an. Le requérant ayant été assigné à résidence le 25 octobre 2018, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg, par un jugement n° 1805845 et 1806576 du 6 novembre 2018 rendu en application des dispositions du troisième alinéa du I de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a annulé, outre la décision d'assignation à résidence du 25 octobre 2018, les décisions du 7 septembre 2018 portant obligation de quitter le territoire français, refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pendant un an. En revanche, dans son jugement n° 1805845 du 30 janvier 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le surplus des conclusions de la demande. M. D... relève appel de ce dernier jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont applicables aux ressortissants algériens : " (...) le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que, dans son avis du 30 juin 2018, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que, si l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale, non seulement le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais encore l'état de santé de l'intéressé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Compte tenu de son appréciation sur les conséquences résultant d'un défaut de prise en charge médicale, le collège de médecins n'avait pas nécessairement à se prononcer sur la disponibilité effective du traitement en Algérie. Ainsi, en s'abstenant de renseigner la rubrique correspondante, il n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, privé M. D... d'une garantie, ni exercé une influence sur le sens de la décision finalement prise, dès lors que le préfet de la Moselle, qui n'est pas en situation de compétence liée, peut toujours, en cas d'appréciation divergente, interroger ledit collège sur la possibilité pour l'étranger de bénéficier effectivement de soins appropriés dans le pays d'origine. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure ne peut être favorablement accueilli.
4. En deuxième lieu, contrairement aux allégations du requérant, la décision attaquée comporte, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est dès lors suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. La circonstance que le préfet de la Moselle, qui était saisi d'une demande de délivrance d'un certificat de résidence en qualité d'étranger malade, n'ait pas mentionné les attaches familiales de M. D... en France n'est pas de nature à remettre en cause le caractère suffisant de cette motivation, ni à révéler un défaut d'examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé. Par suite, ces deux moyens doivent être écartés.
5. En troisième lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. ".
6. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de délivrer à M. D... un certificat de résidence en qualité d'étranger malade, le préfet de la Moselle s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 30 juin 2018, selon lequel l'état de santé de l'intéressé, qui lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine, nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Si le requérant fait valoir qu'il souffre de dépression et d'hyper-anxiété, il se borne à produire des articles généraux sur le traitement des pathologies mentales en Algérie, ainsi qu'un certificat médical, établi le 15 février 2018 par son médecin traitant à l'attention du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont il ressort qu' " un retour au pays semble, dans la situation actuelle, encore contre-indiqué, en l'absence de soins accessibles (...), mais surtout en raison d'un contexte violemment déstabilisant pouvant avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité (...) ". Eu égard à leur nature et aux termes dans lesquels ils sont dirigés, ces documents ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation du préfet sur les conséquences résultant d'un défaut de prise en charge médicale. Par suite, et alors même que M. D... suit un traitement psychothérapeutique et psychotrope, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 7) du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ne peut être accueilli.
7. En quatrième lieu, aux termes des stipulations du 5) du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : " au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. M. D... se prévaut la présence régulière en France d'un frère de nationalité française, qui l'héberge à Forbach, de sa mère, de sa soeur et de deux autres frères, tous titulaires d'un certificat de résidence de dix ans. Toutefois, il n'est pas contesté que le requérant, qui indique avoir séjourné en Allemagne de 1992 à 2013, a vécu longtemps séparé des membres de sa famille. Si l'intéressé a déclaré être entré irrégulièrement en France le 14 octobre 2013, il a fait l'objet, les 9 juillet 2014 et 18 janvier 2016, de deux mesures d'éloignement à laquelle il n'a pas déféré et n'apporte aucun élément permettant d'apprécier son degré d'intégration dans la société française. Enfin, il est constant que sa fille, née le 4 avril 2003, dont M. D... se dit proche et qu'il affirme voir régulièrement, vit en Allemagne à Sarrebruck avec sa mère, de nationalité allemande et divorcée du requérant depuis 2009. Dans ces conditions, l'intéressé n'établit pas avoir établi en France l'essentiel de sa vie privée et familiale. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations du 5) du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés.
9. En cinquième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que précédemment, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de la situation de M. D... au regard du pouvoir de régularisation du préfet doit également être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 7 septembre 2018 par laquelle le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un certificat de résidence en qualité d'étranger malade. Il n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Dès lors, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-47 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Moselle.
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N° 19NC01279