Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 31 mars 2019 et le 9 février 2020, la société Sky Kitchens, représentée par Me B..., dans le dernier état de ses écritures, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 janvier 2019 ;
2°) à titre principal, d'annuler la décision du 15 février 2016 par laquelle le préfet de la région Grand Est a ordonné le versement au Trésor public de la somme de 4 200 euros en remboursement de sommes versées par Pôle emploi en 2013, 2014 et du 1er janvier au 6 mai 2015 ;
3°) à titre subsidiaire, d'annuler la décision du 15 février 2016 en tant que le préfet de la région Grand Est s'est fondé sur un effectif de 30 stagiaires au lieu de 25 pour fixer le versement au Trésor public à la somme de 4 200 euros qu'il convient de ramener à 3 500 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il ne mentionne pas l'un des mémoires produits par le préfet, en violation de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;
- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que la décision contestée a comptabilisé deux fois le même stagiaire, alors qu'elle ne l'avait pas abandonné dans son mémoire récapitulatif du 12 août 2018 ; en outre, ce moyen a été repris à l'oral lors de l'audience et dans une note en délibéré si bien qu'elle ne peut être regardée comme l'ayant abandonné ;
- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense ;
- le principe du contradictoire a été méconnu en l'absence de communication du procès-verbal du 14 décembre 2015 et des annexes sur la base desquels le préfet a statué ;
- l'absence de relevé nominatif des stagiaires ne peut justifier la décision contestée dès lors que ce document, prévu par les conditions générales des conventions la liant à Pôle emploi, n'a jamais été demandé par cet organisme, alors que l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration impose à l'administration de solliciter les pièces manquantes ; les bilans d'attestation de formation préalable au recrutement et les attestations d'assiduité sont suffisants pour établir la réalité des formations ;
- le plan de formation prévoyait trois modules liant les formations théoriques et pratiques ; il y a une contradiction du jugement à admettre que la formation ne se déroule pas nécessairement dans une salle de formation, sans pour autant reconnaître qu'elle a pu se dérouler sur le stand de préparation des sushis ; la formation pouvait être assurée sur le poste de travail par le chef de stand, compte tenu notamment de l'importance des effectifs ;
- elle justifie que les stagiaires ont suivi une formation pratique ; le tribunal a fait peser à tort la charge de la preuve sur elle seule ;
- le préfet a commis une erreur de calcul en retenant 30 stagiaires au lieu de 29 ; en outre, le préfet ne disposait d'aucun élément concernant 4 stagiaires pour lesquels Pôle emploi a perdu les dossiers ;
- la décision contestée a été prise en méconnaissance des principes du contradictoire et des droits de la défense ; l'instruction a été conduite au-delà de sa clôture le 5 mai 2015 et ses résultats, qui ont été transmis au préfet et dont elle n'a pas eu connaissance, ont été de nature à influencer la décision en litige ; elle a été privée d'une garantie ;
- le relevé nominatif des stagiaires était prévu par des stipulations contractuelles dont le préfet ne pouvait pas se prévaloir ; l'article L. 6362-4 du code du travail n'impose pas un tel relevé mais seulement de justifier de la réalité de la formation ; les bilans de formation sont suffisants pour prouver la réalité de la formation ; Pôle emploi a rémunéré les stagiaires, prouvant ainsi qu'elle a bien transmis à cet organisme les relevés de présence nécessaire ; en outre, Pôle emploi ne lui a jamais demandé de compléter ses dossiers ;
- la preuve des formations théoriques et pratiques est établie ; le préfet n'a pas produit les témoignages sur lesquels il se fonde alors qu'ils peuvent être anonymisés ; la cour pourra ordonner la production de ces témoignages et du procès-verbal n° 2015-49 ;
- une salle de formation n'est pas nécessaire pour assurer la formation théorique ; les effectifs des stands étaient suffisants pour assurer la formation théorique.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 3 juillet 2019 et le 11 février 2020, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,
- et les observations de Me B... pour la société Sky Kitchens.
1. La société Sky Kitchens, qui exerce une activité dans le domaine de la fabrication et de la vente de sushis par le biais de stands implantés dans des supermarchés, a accueilli 47 demandeurs d'emploi entre 2013 et 2015 dans le cadre d'une action de formation préalable au recrutement, décidée conjointement avec l'organisme Pôle emploi. A l'issue d'un contrôle diligenté par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine, le préfet de la région Grand Est a estimé que cette société n'avait pas justifié de la réalité des actions de formations pour 30 demandeurs d'emplois. Par une décision du 8 octobre 2015, le préfet de la région Grand Est a alors demandé à la société Sky Kitchens de verser au Trésor public une somme de 4 200 euros, correspondant aux coûts des formation pris en charge par Pôle emploi, sur le fondement de l'article L. 6362-7-1 du code du travail. Sur recours préalable obligatoire de la société Sky Kitchens, le préfet de la région Grand Est a confirmé, par une décision du 15 février 2016, l'obligation pour la société Sky Kitchens de verser au Trésor public cette somme. Par un jugement du 30 janvier 2019, dont la société Sky Kitchens fait appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté son recours tendant à l'annulation de cette dernière décision.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 7412 du code de justice administrative : " La décision (...) contient (...) l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ".
3. La société Sky Kitchens fait valoir que le préfet de la région Grand Est a produit un mémoire le 24 septembre 2018, soit avant la clôture d'instruction intervenue trois jours francs avant l'audience, qui n'a pas été visé et analysé dans le jugement en méconnaissance des dispositions de l'article R. 7412 du code de justice administrative. Toutefois, une telle circonstance n'est, par elle-même, pas de nature à entacher le jugement d'irrégularité dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que ce mémoire, dans lequel le préfet se bornait à mentionner que les dernières écritures de la société Sky Kitchens n'appelaient pas d'observations de sa part, n'apportait aucun élément nouveau auquel il n'aurait pas été répondu dans les motifs de ce jugement.
4. Aux termes de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative : " Le président de la formation de jugement (...) peut demander à l'une des parties de reprendre, dans un mémoire récapitulatif, les conclusions et moyens précédemment présentés dans le cadre de l'instance en cours, en l'informant que, si elle donne suite à cette invitation, les conclusions et moyens non repris seront réputés abandonnés. (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que, par une lettre du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a invité la société Sky Kitchens, en application des dispositions de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, à produire un mémoire récapitulatif en l'informant que les conclusions et moyens qui n'y seraient pas repris seraient réputés abandonnés. Il résulte des pièces du dossier que le mémoire récapitulatif, produit par la requérante le 12 août 2018, n'a pas repris le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par l'administration concernant la double comptabilisation du même stagiaire. S'il est exact que la société Sky Kitchens a mentionné cette erreur à la page 26 de son mémoire récapitulatif, c'est parmi d'autres arguments pour établir les errements fautifs de Pôle emploi. Si la requérante pouvait revenir sur l'abandon de ce moyen, elle devait le reprendre avant la date de clôture de l'instruction, intervenue en l'espèce trois jours francs avant l'audience. Par suite, en estimant que l'intéressée avait abandonné ce moyen, nonobstant sa reprise alléguée lors de l'audience puis dans une note en délibéré, nécessairement postérieure à la clôture de l'instruction, le tribunal administratif, qui n'a ainsi pas omis de statuer sur un moyen, n'a pas entaché d'irrégularité son jugement.
6. Il ressort des pièces du dossier que la société Sky Kitchens avait invoqué en première instance, à l'appui du moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense et du principe du contradictoire, l'absence de communication de documents lui permettant de présenter utilement ses observations. Eu égard à cette argumentation, elle devait être regardée comme entendant se prévaloir de la violation du principe du contradictoire, corollaire des droits de la défense. Par suite, en écartant le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire, sans faire référence aux droits de la défense auquel il se rattache, le tribunal administratif n'a pas omis de répondre au moyen invoqué par l'intéressée.
Sur le bien-fondé du jugement :
7. Aux termes de l'article L. 6362-10 du code du travail : " Les décisions de rejet de dépenses et de versement mentionnées au présent livre prises par l'autorité administrative ne peuvent intervenir, après la notification des résultats du contrôle, que si une procédure contradictoire a été respectée ". Il résulte de ces dispositions que le caractère contradictoire des contrôles des dépenses et activités de formation professionnelle continue menés conformément aux dispositions des articles L. 6362-8 à L. 6362-10 du code du travail impose à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de prendre connaissance du dossier le concernant. Si l'administration entend se fonder sur des renseignements obtenus auprès de tiers, il lui incombe alors d'informer l'intéressé de l'origine et de la teneur de ces renseignements, avec une précision suffisante pour lui permettre, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander, le cas échéant, la communication des documents qui les contiennent. Toutefois, lorsque l'accès à ces renseignements serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui en sont à l'origine, l'administration doit se limiter à informer l'intéressé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur. Il revient au juge d'apprécier, au vu des échanges entre les parties et en ordonnant, le cas échéant, toute mesure d'instruction complémentaire, si le caractère contradictoire de la procédure a été respecté.
8. D'une part, si la société Sky Kitchens fait valoir que le procès-verbal n° 2015-49 du 14 décembre 2015, établi postérieurement à la notification de la clôture d'instruction du 6 mai 2015, ne lui a pas été communiqué en méconnaissance du principe du contradictoire, il ressort des pièces du dossier que ce procès-verbal a été dressé par l'unité de contrôle chargée de la lutte contre le travail illégal de la DIRECCTE dans le cadre d'une procédure distincte de celle consistant à contrôler le respect de ses obligations en matière de formation et tendant à établir l'existence d'un travail dissimulé. La circonstance que ce procès-verbal du 14 décembre 2015 mentionne le rapport de contrôle établi à la suite du contrôle du respect par l'intéressée de ses obligations en matière de formation n'est pas de nature à établir que le préfet de la région Grand Est se serait fondé en tout ou partie sur ce document pour prononcer la décision en litige. Il ressort d'ailleurs du rapport de contrôle notifié à la requérante le 23 juillet 2015 que celui-ci comportait l'ensemble des faits sur lesquels le préfet s'est fondé pour prendre la décision contestée.
9. D'autre part, la décision en litige est fondée sur des éléments recueillis lors de l'audition de stagiaires et d'anciens stagiaires sur des sites exploités par la société Sky Kitchens. Le rapport de contrôle mentionnait, contrairement à ce que soutient la requérante, de manière suffisamment circonstanciée la teneur des propos recueillis dans le cadre de l'enquête auprès de stagiaires ou d'anciens stagiaires de la société Sky Kitchens. Il précisait également que, dans un courrier du 25 février 2013 adressé à Pôle emploi, un ancien stagiaire avait précisé " le temps d'avoir un café, la partie théorique est terminée ". Ainsi, la requérante a été mise en mesure de contester les manquements qui avaient été relevés par l'agent chargé du contrôle et de solliciter, ce qu'elle n'a fait ni dans le courrier d'observations du 7 août 2015, ni dans le recours préalable obligatoire du 19 octobre 2015, la communication des comptes rendus d'entretien et du courrier du 25 février 2013.
10. Il résulte de ce qui précède que la société Sky Kitchens, qui a été mise à même de présenter des observations, n'est dès lors pas fondée à soutenir que les droits de la défense, et son corollaire, le principe du contradictoire, n'auraient pas été respectés.
11. Aux termes de l'article R. 6362-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige : " Les personnes et organismes mentionnés aux articles L. 6361-1 et L. 6361-2, 1°, qui ont fait l'objet d'un contrôle sur place, sont informés de la fin de la période d'instruction par lettre recommandée avec avis de réception. / Des faits nouveaux constatés postérieurement à la réception de cette lettre peuvent justifier l'ouverture d'une nouvelle période d'instruction. (...) ". Il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 5 mai 2015, notifié le 6 mai suivant, l'administration a informé la société Sky Kitchens de la fin de la période de contrôle du respect de ses obligations en matière de formation professionnelle. Dès lors, ainsi qu'il a été dit au point 8, que le procès-verbal du 14 décembre 2015 a été dressé dans le cadre d'une procédure distincte et qu'il ne ressort pas, en outre, des pièces du dossier que ce document aurait servi de fondement à la décision en litige, le moyen tiré de ce que l'instruction se serait poursuivie au-delà de la clôture notifiée à la société Sky Kitchens par le courrier du 5 mai 2015 doit être écarté.
12. Aux termes de l'article L. 6361-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige : " L'Etat exerce un contrôle administratif et financier sur les dépenses de formation exposées par les employeurs au titre de leur obligation de participation au développement de la formation professionnelle continue instituée par l'article L. 6331-1 et sur les actions prévues aux articles L. 6313-1 et L. 6314-1 qu'ils conduisent, financées par l'Etat, les collectivités territoriales, le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 ou les organismes collecteurs des fonds de la formation professionnelle continue ". Aux termes de l'article L. 6362-4 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " Les employeurs justifient de la réalité des actions de formation qu'ils conduisent lorsqu'elles sont financées par l'Etat, les collectivités territoriales, le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 ou les organismes collecteurs des fonds de la formation professionnelle continue. A défaut, ces actions sont réputées ne pas avoir été exécutées et donnent lieu à remboursement auprès de l'organisme ou de la collectivité qui les a financées ". Aux termes de l'article L. 6362-7-1 : " En cas de contrôle, les remboursements interviennent dans le délai fixé à l'intéressé pour faire valoir ses observations. À défaut, l'intéressé verse au Trésor public, par décision de l'autorité administrative, une somme équivalente aux remboursements non effectués ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'administration d'apprécier, au regard des pièces produites par la société, sur laquelle pèse la charge de la preuve, et sous le contrôle du juge, la réalité des actions de formation qu'ils indiquent avoir dispensées.
13. Pour ordonner à la société Sky Kitchens le versement au Trésor public de la somme de 4 200 euros correspondant au financement versé par Pôle emploi pour les actions de formation préalable au recrutement de trente demandeurs d'emploi, le préfet de la région Grand Est s'est fondé sur l'absence de relevé nominatif des stagiaires, de salle de formation distincte du lieu de travail et les constatations établies par l'agent chargé du contrôle pour déduire que la réalité de la formation théorique et pratique que l'employeur s'était engagée à délivrer aux stagiaires n'était pas établie.
14. D'une part, il résulte des dispositions de l'article R. 6332-26 du code du travail, dans ses versions successives applicables au litige, que les employeurs ou les prestataires de formation adressent aux organismes collecteurs qui en font la demande une copie des feuilles d'émargement à partir desquelles sont établies les attestations de présence, lesquelles font partie des documents que les organismes collecteurs sont tenus de produire aux agents chargés du contrôle. Ainsi, nonobstant la circonstance que Pôle emploi n'a pas exigé ces documents, les agents chargés du contrôle étaient fondés à en demander la présentation à la société Sky Kitchens qui devaient être en mesure de les communiquer. Si l'absence de ces feuilles d'émargement ne fait toutefois pas obstacle à ce que la requérante établisse, par d'autres moyens, qu'elle a dispensé l'intégralité de la formation aux stagiaires, conformément au plan de formation soumis à Pôle emploi, ni le bilan de l'action de formation préalable au recrutement, qui se borne à mentionner le volume global d'heures de formation pour chaque module et l'appréciation du stagiaire, ni l'attestation d'assiduité signée uniquement par le gérant de la société, ni les factures établies par la requérante, qui a assuré la formation en interne, ne sont de nature à justifier de l'effectivité des formations théorique et pratique prévues par la convention conclue avec Pôle emploi. Par suite, le préfet de la région Grand Est, qui ne s'est pas borné à prendre en compte l'absence de feuilles d'émargement mais s'est également fondé sur d'autres indices, n'a pas commis d'erreur de droit.
15. D'autre part, s'il est vrai qu'en vertu de l'article D. 6321-3 du code du travail, alors en vigueur, la formation est en principe dispensée dans des locaux distincts des lieux de travail et peut être donnée, lorsqu'elle comporte un enseignement pratique, sur les lieux de travail, ces dispositions ne s'opposent pas, de façon absolue, à ce que la formation théorique soit dispensée sur le lieu du travail. Ainsi, l'absence de salle de formation distincte des lieux de production de la société Sky Kitchens ne fait pas obstacle, par elle-même, à ce que cette dernière établisse la réalité de la formation théorique dispensée aux stagiaires parallèlement à la formation pratique. Toutefois, il ressort du rapport de contrôle que, lors des visites dans l'atelier de fabrication principal et sur les stands de la société implantés dans les hypermarchés, des stagiaires et d'anciens stagiaires ont déclaré ne pas avoir bénéficié de formation théorique au cours de la période censée être dédiée à la formation préalable au recrutement. L'agent de contrôle a, par ailleurs, constaté, lors de son contrôle, que les actions de formation étaient réalisées exclusivement sur le poste de travail. En outre, pour le premier module relatif à l'hygiène en production alimentaire, les salariés ont déclaré avoir simplement reçu un document à lire. Ce même rapport de contrôle mentionne également, s'agissant de la formation pratique, que les entretiens réalisés avec les stagiaires, anciens stagiaires et formateurs ont mis en évidence que le rôle des formateurs se limitait à transmettre des consignes, donner des directives, répondre aux questions des stagiaires et que ces derniers effectuaient la même prestation de travail que les autres salariés, les stagiaires étant régulièrement seuls sans la présence d'un formateur et ce plusieurs heures par jour. Si la requérante à produit en appel des fiches techniques et de bonnes pratiques en matière d'hygiène en complément de celles produites en première instance, ces documents, qui au demeurant font partie de ceux présents sur les stands à l'attention du personnel, ne permettent pas d'établir l'effectivité de la formation théorique. Les attestations de deux chefs de stand, produites en appel par la requérante, qui mentionnent avoir dispensé une formation théorique et pratique à des stagiaires au cours de la période du 2 au 15 juillet 2015, pour l'une et du 15 au 28 mai 2014 pour l'autre, ne sont pas davantage de nature à remettre en cause les constatations de l'agent chargé du contrôle dès lors que ces deux salariés ne fournissent aucune précision concrète sur le déroulement de la formation. De plus, il ressort des pièces du dossier, notamment des conventions et bilans de formation, que l'une des responsables de stand a été simultanément tutrice de trois stagiaires au cours de la période du 2 au 15 juillet 2015, impliquant, ce qui n'est pas établi, que les effectifs étaient suffisants pour lui permettre d'assurer cette formation simultanément à l'activité du stand. Les attestations d'anciens stagiaires qui mentionnent qu'ils ont appris, dans le cadre de leur formation, les règles concernant notamment l'hygiène alimentaire, la préparation des sushis et la gestion des stocks, ne suffisent pas, eu égard à leur contenu non circonstancié et à leur lien de subordination à la requérante, à établir la réalité de la formation théorique et pratique à laquelle la société Sky Kitchens s'était engagée. De plus, cette dernière n'apporte aucun élément pour établir que, contrairement aux éléments recueillis par l'administration, les stagiaires ont été encadrés par leur tuteur, soit le chef de stand, soit la co-gérante, désignés à ce titre dans les conventions tripartites conclues avec Pôle emploi, durant toute la durée de la formation.
16. La circonstance qu'une majorité de stagiaires a été recrutée à l'issue du stage est, par elle-même, sans incidence sur la légalité de la décision en litige. De la même manière, le financement des formations par Pôle emploi et le versement d'une allocation aux stagiaires ne dispensent pas les agents chargés du contrôle de vérifier la réalité de la formation que l'employeur s'est engagé à mener auprès des stagiaires et n'est pas davantage de nature à établir l'effectivité de celle-ci.
17. Dans ces conditions, en estimant que la société Sky Kitchens n'avait pas établi la réalité des actions de formation préalable au recrutement, le préfet de la région Grand Est n'a ni entaché sa décision d'une erreur de droit, ni d'une erreur d'appréciation et a pu, en conséquence, légalement enjoindre à la requérante de reverser au Trésor public les financements indûment perçus à ce titre de Pôle emploi.
Sur les conclusions présentées à titre subsidiaire tendant à l'annulation de la décision du 15 février 2016 en tant qu'elle fixe le montant du versement au Trésor public à plus de 3 500 euros :
18. La société Sky Kitchens fait valoir que pour établir le montant du versement au Trésor public, le préfet aurait dû prendre en compte 25 stagiaires au lieu de 30. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la région Grand Est a comptabilité, à tort, deux fois le même stagiaire, pour fixer le montant du versement au Trésor public à la somme de 4 200 euros (30 x 140 euros). En revanche, s'il est exact que Pôle emploi n'a pas été en mesure de communiquer à la requérante les dossiers de quatre stagiaires, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision en litige dès lors qu'il incombait à la requérante d'être en mesure de produire tout justificatif en cas de contrôle du respect de ses obligation, ainsi qu'il a été indiqué au point 14. En outre, les manquements de Pôle emploi, doté d'une personnalité juridique distincte des services de contrôle, sont, à les supposer établis, sans incidence sur la légalité de la décision en litige. Dès lors que la décision contestée est entachée d'une erreur de fait concernant un stagiaire, comptabilisé en double, la requérante est seulement fondée à en demander l'annulation en tant qu'elle fixe le montant du versement au Trésor public à une somme excédant 4 060 euros.
19. Il résulte de tout ce qui précède que la société Sky Kitchens est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 février 2016 en tant seulement qu'elle a fixé le versement au Trésor public d'une somme excédant 4 060 euros.
Sur les dépens et les frais liés à l'instance :
20. D'une part, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société Sky Kitchens présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
21. D'autre part, la présente instance n'ayant pas donné lieu à des dépens, les conclusions présentées à ce titre par la société Sky Kitchens doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La décision du préfet de la région Grand Est du 15 février 2016 est annulée en tant seulement qu'elle a fixé le versement au Trésor public d'une somme excédant 4 060 euros.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Sky Kitchens est rejeté.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 janvier 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sky Kitchens et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
N° 19NC00950 2