Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 avril 2020, Mme G... A..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1906502 du tribunal administratif de Strasbourg du 7 novembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 2 juillet 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir.
Elle soutient que :
- l'arrêté du 2 juillet 2019 a été pris par une autorité incompétente ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-12, ainsi que celles des articles 3 et 4 de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Présenté par le préfet de la Moselle, un mémoire en défense a été enregistré, le 22 septembre 2020, mais n'a pas été communiqué.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme G... A... est une ressortissante bosnienne née le 30 août 1987. Elle a déclaré être entrée irrégulièrement en France, le 27 août 2014, accompagnée de son fils mineur né le 23 juillet 2013. Elle a présenté une demande d'asile qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, puis par la Cour nationale du droit d'asile. En conséquence de ces refus, le préfet de la Moselle a prononcé à son encontre, le 27 avril 2015, une obligation de quitter le territoire français à laquelle elle n'a pas déféré. Une première demande d'admission exceptionnelle au séjour, adressée par la requérante le 17 août 2015, a été rejetée le 3 septembre 2015. Le 4 juillet 2016, l'intéressée a également sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 16 février 2017, dont la légalité a été confirmée par un jugement n° 1701890 du tribunal administratif de Strasbourg du 29 juin 2017 et par une ordonnance n° 17NC02299 de la cour administrative d'appel de Nancy du 13 mars 2018, le préfet de la Moselle a refusé de faire droit à cette demande. Il a, en outre, classé sans suite, les 11 mai et 5 décembre 2017, les demandes d'admission au séjour présentées respectivement par Mme A..., les 17 août 2015 et 15 juin 2017, au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en raison des soins nécessités par l'état de santé de son second fils né en France le 14 janvier 2015. Par un courrier du 14 mai 2018, la requérante a une nouvelle fois sollicité la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour en application des dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, à la suite de l'avis défavorable du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 10 mai 2019, le préfet de la Moselle, par un arrêté du 2 juillet 2019, a rejeté cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. Mme A... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 2 juillet 2019. Elle relève appel du jugement n° 1906502 du 7 novembre 2019 qui rejette sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté du 2 juillet 2019 a été signé par M. F... C..., sous-préfet de l'arrondissement de Thionville. Or, par un arrêté du 10 avril 2018, régulièrement publié le lendemain au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Moselle a consenti à M. Olivier H..., secrétaire général de la préfecture, une délégation de signature à l'effet de signer l'ensemble des actes relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception de certaines catégories de mesures au nombre desquelles ne figurent pas les décisions relatives au séjour et à l'éloignement des étrangers. Et, en cas d'absence ou d'empêchement de l'intéressé, l'arrêté préfectoral du 20 juin 2019, régulièrement publié le lendemain au recueil des actes administratifs de la préfecture, prévoit que sa suppléance sera assurée par M. C... avec, en l'absence de dispositions contraires, les mêmes attributions. Mme A... n'établit pas, ni même n'allègue, que M. H... n'était pas absent ou empêché à la date de l'arrêté en litige. Par suite et alors même que cet arrêté ne vise pas les arrêtés susmentionnés des 10 avril 2018 et 20 juin 2019, le moyen tiré de l'incompétence de l'autorité signataire de l'acte manque en fait et ne peut, dès lors, qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. (...) ".
4. En outre, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 5 janvier 2017 susvisé : " L'avis du collège de médecins de l'OFII est établi sur la base du rapport médical élaboré par un médecin de l'office selon le modèle figurant dans l'arrêté du 27 décembre 2016 mentionné à l'article 2 ainsi que des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays dont le demandeur d'un titre de séjour pour raison de santé est originaire. / Les possibilités de prise en charge dans ce pays des pathologies graves sont évaluées, comme pour toute maladie, individuellement, en s'appuyant sur une combinaison de sources d'informations sanitaires. / L'offre de soins s'apprécie notamment au regard de l'existence de structures, d'équipements, de médicaments et de dispositifs médicaux, ainsi que de personnels compétents nécessaires pour assurer une prise en charge appropriée de l'affection en cause. / L'appréciation des caractéristiques du système de santé doit permettre de déterminer la possibilité ou non d'accéder effectivement à l'offre de soins et donc au traitement approprié. / Afin de contribuer à l'harmonisation des pratiques suivies au plan national, des outils d'aide à l'émission des avis et des références documentaires présentés en annexe II et III sont mis à disposition des médecins de l'office. ". Aux termes de l'article 4 du même arrêté : " Les conséquences d'une exceptionnelle gravité résultant d'un défaut de prise en charge médicale, mentionnées au 11° de l'article L. 313-11 du CESEDA, sont appréciées sur la base des trois critères suivants : degré de gravité (mise en cause du pronostic vital de l'intéressé ou détérioration d'une de ses fonctions importantes), probabilité et délai présumé de survenance de ces conséquences. / Cette condition des conséquences d'une exceptionnelle gravité résultant d'un défaut de prise en charge doit être regardée comme remplie chaque fois que l'état de santé de l'étranger concerné présente, en l'absence de la prise en charge médicale que son état de santé requiert, une probabilité élevée à un horizon temporel qui ne saurait être trop éloigné de mise en jeu du pronostic vital, d'une atteinte à son intégrité physique ou d'une altération significative d'une fonction importante. / Lorsque les conséquences d'une exceptionnelle gravité ne sont susceptibles de ne survenir qu'à moyen terme avec une probabilité élevée (pathologies chroniques évolutives), l'exceptionnelle gravité est appréciée en examinant les conséquences sur l'état de santé de l'intéressé de l'interruption du traitement dont il bénéficie actuellement en France (rupture de la continuité des soins). Cette appréciation est effectuée en tenant compte des soins dont la personne peut bénéficier dans son pays d'origine. ".
5. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser d'admettre Mme A... au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Moselle s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 10 mai 2019. Selon cet avis, si l'état de santé du fils de la requérante nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il lui permet néanmoins de voyager sans risque à destination de son pays d'origine où, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie. Mme A... fait valoir que son enfant souffre d'une épilepsie cryptogénique avec des crises convulsives en contexte fébrile, qui est actuellement traitée par " Keppra ", le traitement par " Dépakine " initialement mis en oeuvre s'étant révélé inefficace. Elle produit en ce sens un certificat médical du 13 juin 2019 établi par une pédiatre spécialisée en neurologie pédiatrique. Toutefois, si la requérante verse également aux débats un courriel du 30 mai 2017 émanant d'une responsable du laboratoire pharmaceutique fabriquant le " Keppra ", qui indique que ce médicament n'est pas commercialisé en Bosnie-Herzégovine, il ne ressort pas des pièces du dossier que seule la " Dépakine " pourrait lui être substituée, ainsi que l'affirme Mme A..., ni que d'autres médicaments de substitution appartenant à la classe thérapeutique des anti-épileptiques ne seraient pas effectivement disponibles dans le pays d'origine de l'intéressée. Par suite, et alors qu'il ne résulte pas des termes du certificat du 13 juin 2019 que le suivi médical de l'enfant serait impossible en Bosnie-Herzégovine, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
6. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est arrivée sur le territoire français le 27 août 2014 à l'âge de vingt-six ans. Elle a fait l'objet d'une mesure d'éloignement, le 27 avril 2015, à laquelle elle n'a pas déféré. En dehors de ses deux enfants mineurs, elle ne justifie d'aucune attache familiale ou même personnelle en France et ne démontre pas davantage son intégration sociale ou professionnelle. La requérante n'établit pas, ni même n'allègue, être isolée dans son pays d'origine. Les circonstances que ses deux fils soient scolarisés en France et que le plus jeune y soit né ne suffisent pas à lui conférer un droit au séjour. Par suite et alors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les enfants de Mme A... seraient dans l'impossibilité de poursuivre une scolarité normale en Bosnie-Herzégovine, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Moselle du 2 juillet 2019. Par suite, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
N° 20NC00954 2