Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 octobre 2018, le préfet de la Marne demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1802010, 1802011 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 26 septembre 2018 en tant qu'il annule l'arrêté de transfert du 20 septembre 2018 ;
2°) de rejeter les conclusions présentées par Mme D... en première instance contre cet arrêté.
Il soutient que :
- c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé pour vice de procédure son arrêté du 20 septembre 2018, dès lors que Mme D... a bénéficié, dans une langue qu'elle comprend, de l'information prévue à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- les autres moyens invoqués par Mme D... contre cet arrêté ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 août 2019, Mme B... D..., représentée par Me A..., doit être regardée comme concluant au non-lieu à statuer sur la requête du préfet, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Marne, sous astreinte de cent euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de l'admettre au séjour en France en qualité de demandeur d'asile et à la mise à la charge de l'Etat du versement à son conseil de la somme de 2 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
Elle soutient que le délai de six mois, prévu au deuxième alinéa de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, étant arrivé à expiration, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête du préfet de la Marne.
Mme D... a été maintenue au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 février 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... D... est une ressortissante russe, née le 4 février 1972. Elle a déclaré être entrée en France, le 19 mai 2018, afin d'y solliciter l'asile. Ayant constaté que la requérante était titulaire d'un visa délivré par les autorités russes pour le compte des autorités italiennes et valable du 1er au 26 mai 2018, le préfet de la Marne a adressé à l'Italie une demande de prise en charge, le 14 juin 2018, qui a reçu une réponse favorable implicite le 14 août 2018. Par deux arrêtés du 20 septembre 2018, le préfet a décidé de transférer Mme D... aux autorités italiennes et de l'assigner à résidence pour une durée de six mois sur le fondement de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Marne relève appel du jugement n° 1802010, 1802011 du 26 septembre 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal de Châlons-en-Champagne, en tant qu'il annule l'arrêté de transfert du 20 septembre 2018.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. D'une part, aux termes du premier alinéa du premier paragraphe de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée(...) ". Et aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".
3. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 de ce code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ". L'article L. 742-6 du même code prévoit enfin que : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui courait à compter de l'acceptation explicite ou implicite du transfert par l'Etat requis et qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le jugement du tribunal administratif statuant au principal sur ce recours, a été notifié à l'administration, quel que soit le sens de cette décision. Ni un appel, ni le sursis à exécution du jugement de première instance, accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai de six mois, dont l'expiration a pour conséquence, en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement (UE), de libérer l'Etat requis de son obligation de prise ou de reprise en charge et de rendre responsable l'Etat requérant de l'examen de la demande de protection internationale.
5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 20 septembre 2018 par lequel le préfet de la Marne a décidé le transfert de Mme D... aux autorités italiennes a été pris moins de six mois après l'accord implicite de l'Italie, intervenu le 14 août 2018, pour le reprise en charge de l'intéressée, dans le délai d'exécution du transfert fixé par l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Ce délai a toutefois été interrompu par l'introduction d'un recours contre l'arrêté du 20 septembre 2018, formé par l'intéressée sur le fondement de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Un nouveau délai de six mois a commencé à courir à compter de la notification à l'administration, le jour même, du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 26 septembre 2018, qui a annulé pour vice de procédure l'arrêté du 20 septembre 2018 et dont le préfet a relevé appel le 25 octobre 2018. Enfin, par un nouveau jugement n° 1900764 du 2 juillet 2019, devenu définitif, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision préfectorale de 27 novembre 2018, portant de six à dix-huit mois le délai du transfert aux autorités italiennes de Mme D.... Dans ces conditions, à la date du 26 mars 2019, la France est devenue responsable de l'examen de la demande d'asile présentée par la défenderesse. Par suite, la décision de transfert en litige étant devenue caduque postérieurement à l'introduction par le préfet de la Marne de son appel, les conclusions à fin d'annulation du jugement du 26 septembre 2018 sont devenues sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.
6. Le présent arrêt n'implique pas nécessairement l'admission de Mme D... au séjour en France en qualité de demandeur d'asile. Dès lors, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit fait injonction au préfet, sous astreinte, de prendre une telle mesure ne peuvent qu'être rejetées.
7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de Mme D... à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 18NC02892.
Article 2 : Les conclusions de Mme D... à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
N° 18NC02892 2