Procédures devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 2 juillet 2020 sous le n° 20NC01418, le préfet de Meurthe-et-Moselle demande à la cour d'annuler le jugement n° 2000885 du tribunal administratif de Nancy du 22 juin 2020 et de rejeter la demande de Mme D....
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'il a apprécié de manière manifestement erronée la situation de Mme D... au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- aucun des autres moyens soulevés par la requérante devant le tribunal n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2020, Mme F... D..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête du préfet de Meurthe-et-Moselle ;
2°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, et de lui remettre, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens, ainsi que la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par le préfet n'est fondé, et reprend pour le reste les mêmes moyens que ceux qu'elle a soulevés devant le tribunal.
II. Par une requête, enregistrée le 2 juillet 2020 sous le n° 20NC01419, le préfet de Meurthe-et-Moselle demande à la cour de surseoir à l'exécution jugement n° 2000885 du tribunal administratif de Nancy du 22 juin 2020.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'il a apprécié de manière manifestement erronée la situation de Mme D... au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- aucun des autres moyens soulevés par la requérante devant le tribunal n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2020, Mme F... D..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête du préfet de Meurthe-et-Moselle ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens, ainsi que la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions du préfet tendant au sursis à l'exécution du jugement du tribunal sont irrecevables, dès lors que la requête, qui se borne à reprendre à l'identique la requête au fond, ne peut être regardée comme une requête distincte de cette dernière au sens de l'article R. 811-17-1 du code de justice administrative ;
- la requête ne précise pas quel est son fondement juridique, le préfet n'indiquant pas dans lequel des trois cas de sursis à exécution il entend se placer, ni en quoi sa demande répond à leurs conditions ;
- aucun des moyens soulevés par le préfet n'est fondé.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décision du 8 septembre 2020.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les observations de M. E... pour le préfet de Meurthe-et-Moselle et de Me B... pour Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes susvisées, no 20NC01418 et 20NC01419, étant dirigées contre un même jugement, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d' asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ".
3. Mme D..., ressortissante arménienne, est entrée en France le 21 septembre 2016, selon ses déclarations, à l'âge de 18 ans. Depuis, elle a acquis une parfaite maîtrise de la langue française et poursuivi des études de langues au sein de l'Université de Lorraine, obtenant une licence en " langues, littératures et civilisations étrangères et régionale " avec la mention " assez-bien " et préparant, à la date de l'arrêté contesté, un " Master pro tourisme, culture et langue russe ". Des diverses attestations établies par les enseignants responsables de son diplôme, il ressort qu'elle fait preuve d'un grand sérieux dans ses études et que sa maîtrise du français, tant à l'oral qu'à l'écrit, lui a permis de réaliser des stages au contact du public, au cours desquels elle a donné entière satisfaction. En particulier, stagiaire pour l'édition 2019-2020 du " projet ARIEL " de l'Université de Lorraine, elle a été chargée de l'animation des réseaux sociaux et de l'organisation des divers évènements d'une résidence d'auteur. En outre, le père de Mme D... séjourne régulièrement en France, où il est présent depuis 2012. Dans les circonstances de l'espèce, notamment la parfaite intégration de Mme D... , le préfet de Meurthe-et-Moselle n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler la décision de refus de séjour et, par voie de conséquence, la décision portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de destination, le tribunal a retenu le moyen tiré de ce que son appréciation de la situation de l'intéressée au regard des dispositions précitées était entachée d'une erreur manifeste.
4. Il s'ensuit que les conclusions du préfet de Meurthe-et-Moselle tendant à l'annulation du jugement attaqué et au rejet de la demande présentée par Mme D... devant le tribunal ne peuvent qu'être rejetées
Sur le sursis à exécution du jugement :
5. La cour se prononçant, par le présent arrêt, sur le bien-fondé du jugement du tribunal administratif de Nancy du 22 juin 2020, la requête du préfet de Meurthe-et-Moselle tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution est sans objet. Il n'y a donc pas lieu d'y statuer.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Le tribunal ayant déjà enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer à Mme D... une carte de séjour mention " vie privée et familiale ", les conclusions de cette dernière tendant à ce que la cour prononce la même mesure sont sans objet.
Sur les frais de l'instance :
7. Les conclusions de Mme D... tendant à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, en l'absence d'autre précision, être regardées comme présentées pour son compte. Faute pour l'intéressée d'établir qu'elle a exposé des frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale dont, en vertu de deux décisions du bureau d'aide juridictionnelle du 8 septembre 2020, elle bénéficie pour les besoins de la présente instance, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20NC01419 du préfet de Meurthe-et-Moselle tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 2000885 du tribunal administratif de Nancy du 22 juin 2020.
Article 2 : La requête n° 20NC01418 du préfet de Meurthe-et-Moselle est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de Mme D... sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Me B... pour Mme F... D... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
N° 20NC01418 et 20NC01419 2