Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 août 2016, et des mémoires complémentaires, enregistrés le 13 décembre 2016, 26 février 2018 et 4 mai 2018, la commune de Thionville, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 juin 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
3°) de mettre à la charge de M. C...une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les signatures du président de la formation de jugement et du rapporteur ne figurent pas sur le jugement ;
- les attestations de collègues de l'agent qui ont été recueillies ont été transmises à l'agent avec le rapport du 17 avril 2013 ; en tout état de cause, ce dernier a pu en avoir connaissance avant la tenue du conseil de discipline ; il a eu connaissance de manière complète des faits qui lui étaient reprochés et a disposé de toutes les informations nécessaires pour préparer utilement sa défense ; les témoignages litigieux ne constituent pas le fondement de la sanction litigieuse ; l'agent n'a été privé d'aucune garantie ;
- les faits reprochés à l'agent sont établis et justifient l'infliction d'une exclusion temporaire de fonction d'un an dont trois mois avec sursis ;
- les motifs médicaux avancés par l'agent ne sont pas de nature à justifier son comportement ;
- M. C...n'établit pas les préjudices qu'il allègue avoir subis.
Par des mémoires, enregistrés le 21 septembre 2016, le 5 janvier 2017 et le 20 mars 2018, M. C...conclut au rejet de la requête et demande à la cour de condamner la commune à lui verser une indemnité correspondant notamment à douze mois de traitement, en réparation des préjudices qu'il a subis, et de mettre à la charge de la commune une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que
- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ;
- les faits qu'on lui reproche ont eu lieu au réfectoire ou pendant des pauses ;
- la collectivité n'a pas tenu compte de son état de santé ; un comportement imputable à un état pathologique ne peut pas donner lieu à l'infliction d'une sanction, ainsi que le prévoit l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 ;
- la sanction prise à son encontre est disproportionnée ;
- il n'a pas été destinataire, avant la tenue du conseil de discipline, des attestations de collègues sur lesquelles s'est fondée la commune ; ces attestations ne figuraient pas dans son dossier individuel ; le principe du contradictoire a été méconnu ;
- la commune a commis une faute en remettant en cause le bien-fondé de ses arrêts de travail ;
- l'illégalité de la décision du 5 août 2013 constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ; il a subi des préjudices en lien avec cette faute.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de l'appel incident de M.C....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-19 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Haudier,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de Me D...pour la commune de Thionville.
Une note en délibéré, enregistrée le 23 mai 2018, a été présentée par M.C....
1. Considérant que M.C..., adjoint technique de 2ème classe, est affecté au service " nettoiement " de la commune de Thionville ; que, suivant l'avis du conseil de discipline du 4 juillet 2013 et par une décision du 5 août 2013, le maire lui a infligé une exclusion temporaire de fonctions d'un an dont trois mois avec sursis, pour avoir eu un comportement insultant et menaçant à l'égard de ses collègues, de ses supérieurs hiérarchiques et d'élus ; que, par un jugement du 23 juin 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision et a rejeté les conclusions de M. C...tendant à la condamnation de la commune à réparer les préjudices qu'il estimait avoir subis du fait de l'illégalité de cette décision ; que la commune de Thionville doit être regardée comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il a annulé la sanction prise le 5 août 2013 et qu'il lui a enjoint de supprimer toute mention de cette décision dans le dossier de M. C...dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement ; que M. C...demande à la cour de condamner la commune à lui verser une indemnité correspondant notamment à douze mois de traitement en réparation des préjudices qu'il a subis du fait des fautes commises par la commune ; qu'il doit être regardé comme demandant à la cour, par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du 23 juin 2016 en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ;
Sur l'appel incident de M. C...:
2. Considérant que les conclusions incidentes, enregistrées après l'expiration du délai d'appel, par lesquelles M. C...demande l'annulation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 juin 2016 en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires, soulèvent un litige distinct de celui qui a fait l'objet de l'appel principal de la commune de Thionville, dirigé contre les articles 1er et 2 de ce même jugement annulant pour excès de pouvoir la décision du 5 août 2013 et enjoignant à la commune de procéder à la suppression des mentions de cette décision dans le dossier de M. C...; que cet appel incident est, par suite, irrecevable ;
Sur l'appel principal de la commune de Thionville :
3. Considérant que, pour annuler la décision litigieuse, le tribunal administratif a considéré qu'elle avait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière au motif que les attestations de ses collègues décrivant les faits à l'origine de cette sanction ne figuraient pas dans le dossier communiqué à l'agent le 30 mai 2013 ;
4. Considérant que si la commune n'établit ni que le dossier consulté par l'agent le 30 mai 2013 contenait les huit attestations de collègues sur lesquelles elle s'est notamment fondée pour prendre la sanction litigieuse, ni que ces attestations étaient jointes au rapport disciplinaire du 17 avril 2013 notifié à l'agent le 14 mai 2013, il ressort des pièces du dossier et notamment des termes du courrier adressé par le représentant de M. C...au conseil de discipline de première instance et qui indique que lesdites attestations ne sont pas conformes à l'article 202 du code de procédure civile, que celles-ci ont été communiquées à l'agent préalablement à la séance du conseil de discipline qui s'est tenue le 4 juillet 2013, dans un délai suffisant pour lui permettre de préparer sa défense ; qu'en tout état de cause, l'intéressé a eu connaissance de l'existence de ces documents au plus tard le 28 mai 2013, date à laquelle il a eu un entretien avec le maire lors duquel l'existence et le contenu de ces attestations ont été évoqués ; qu'il lui appartenait alors d'en demander la production ; que, par suite, M.C..., qui a pu s'expliquer sur l'ensemble des faits qui lui étaient reprochés, n'est pas fondé à soutenir que la procédure suivie était irrégulière ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce moyen pour annuler la décision du 5 août 2013 ;
6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...devant le tribunal administratif de Strasbourg et devant la cour ;
7. Considérant qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ;
8. Considérant qu'il est établi par les attestations concordantes produites par la commune émanant de collègues de M. C...que ce dernier a, au cours de la journée du 16 avril 2013 et le matin du 17 avril 2013, insulté plusieurs agents de la collectivité, proféré des insanités et des grossièretés, tenu des propos racistes et homophobes et eu un comportement agressif, notamment en donnant un coup de pied dans une chaise ; qu'en outre, si la collectivité ne démontre pas que l'agent aurait également proféré des insultes à l'égard d'élus, il peut également être regardé comme établi, au vu notamment des attestations produites ainsi que du rapport rédigé par le supérieur hiérarchique de M. C...le 11 avril 2013, que ce comportement était récurrent, que certains agents ont menacé de faire grève si la collectivité n'intervenait pas pour faire cesser ces agissements et que l'agent a également eu des écarts de langage avec son supérieur hiérarchique notamment le 26 février 2013 ;
9. Considérant que, contrairement à ce que soutient M.C..., si les troubles psychologiques dont il souffre sont établis par le certificat médical qu'il produit, cet état de santé n'est pas de nature à faire obstacle à ce qu'il soit regardé comme responsable de ses actes ni à ce que, par suite, une sanction disciplinaire puisse légalement être prise contre lui à raison des fautes qu'il avait commises ; que, par ailleurs, la circonstance que les faits se soient produits pendant des temps de pause ou alors qu'il se trouvait au réfectoire ou dans les vestinaires n'est pas de nature à retirer aux faits en cause leur caractère fautif ou à en atténuer la gravité ; qu'enfin, et alors même que M. C...n'a jamais fait l'objet par le passé d'une sanction disciplinaire, la sanction infligée à l'agent ne peut pas être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme étant disproportionnée à la gravité des fautes commises ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête que la commune de Thionville est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 5 août 2013 et lui a enjoint, par voie de conséquence, de supprimer toute mention de cette décision dans le dossier de M.C... ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Thionville, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. C... une somme au titre des frais exposés par de la commune de Thionville et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 juin 2016 sont annulés.
Article 2 : Les conclusions à fin d'annulation et d'injonction présentées par M. C... devant le tribunal administratif de Strasbourg sont rejetées.
Article 3 : Le surplus de la requête de la commune de Thionville est rejeté.
Article 4 : L'appel incident de M. C...et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et à la commune de Thionville.
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N° 16NC01820