Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 octobre 2016 et un mémoire en réplique enregistré le 10 mars 2017, M. D... B..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 7 juin 2016 ;
2°) d'ordonner la communication du dossier pénal de l'affaire n° 15125000120 en cours d'instruction devant le tribunal correctionnel de Nancy ;
3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 15 juin 2015 ;
4°) d'enjoindre au service départemental d'incendie et de secours de Meurthe-et-Moselle de procéder à sa réintégration, avec toutes les conséquences de droit attachées à cette réintégration, dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 60 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours de Meurthe-et-Moselle le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- la décision contestée a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- la décision contestée méconnaît l'article R. 723-4 du code de sécurité intérieure en tant qu'elle ne prend pas la forme d'un arrêté ;
- l'administration ne peut être regardée comme ayant tacitement accepté sa démission dès lors que celle-ci n'a pas été remise par lettre recommandée dans les conditions prévues par l'article R. 723-55 du code de sécurité intérieure ;
- la décision contestée est dépourvue de base légale dès lors que l'article R. 723-55 du code de sécurité intérieure n'était pas entré en vigueur à la date à laquelle il a présenté sa démission ;
- l'administration ne pouvait refuser de le réintégrer dès lors qu'il a présenté sa démission sous la contrainte et que celle-ci s'en trouve affectée d'un vice de consentement ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que ses supérieurs ont fait pression sur lui après avoir appris sa participation à des films pour adultes, bien que cette activité ne porte aucune atteinte au service.
Par deux mémoires en défense enregistrés le 1er février 2017 et le 15 mai 2017, le service départemental d'incendie et de secours de Meurthe-et-Moselle, représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le service départemental d'incendie et de secours de Meurthe-et-Moselle fait valoir que les moyens du requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de Me A...pour M. B...et de Me C...pour le service départemental d'incendie et de secours de Meurthe-et-Moselle
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., sapeur-pompier volontaire affecté au centre d'incendie et de secours de Badonviller (Meurthe-et-Moselle), a présenté sa démission le 29 août 2014, laquelle a été acceptée par le service ; que, par un courrier du 28 avril 2015 mettant en cause les conditions dans lesquelles il avait été conduit à présenter sa démission, M. B...a sollicité sa réintégration dans ses anciennes fonctions à compter du 29 août 2014 ; que sa demande a été rejetée par une décision du président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de Meurthe-et-Moselle du 15 juin 2015 ; que M. B...fait appel du jugement du 7 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1424-30 du code général des collectivités territoriales : " Le président du conseil d'administration est chargé de l'administration du service départemental d'incendie et de secours. A ce titre, il prépare et exécute les délibérations du conseil d'administration. Il passe les marchés au nom de l'établissement, reçoit en son nom les dons, legs et subventions. Il représente l'établissement en justice et en est l'ordonnateur. Il nomme les personnels du service d'incendie et de secours. / Le président du conseil d'administration peut, en outre, par délégation du conseil d'administration, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat, être chargé de procéder, dans les limites déterminées par le conseil d'administration, à la réalisation des emprunts destinés au financement des investissements prévus par le budget et de passer à cet effet les actes nécessaires. Il peut recevoir délégation pour prendre les décisions mentionnées au III de l'article L. 1618-2. Il informe le conseil d'administration des actes pris dans le cadre de cette délégation. Il peut être chargé de prendre toute décision concernant la préparation, la passation, l'exécution et le règlement des marchés de travaux, de fournitures et de services pouvant être passés selon une procédure adaptée. Il peut être chargé de fixer les rémunérations et de régler les frais et honoraires des avocats, notaires, huissiers de justice et experts (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 723-4 du code de la sécurité intérieure : " Les actes relatifs à la gestion administrative des sapeurs-pompiers volontaires relevant du corps départemental autres que ceux mentionnés aux articles R. 723-28 et R. 723-32, aux 1° à 3° de l'article R. 723-62 et à l'article R. 723-82 du présent code, à l'article L. 1424-10 du code général des collectivités territoriales et à l'article R. 1424-21 du même code sont pris sous la forme d'un arrêté du président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours sur proposition du chef du corps départemental (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées, qui chargent le président du conseil d'administration du SDIS de la gestion administrative des personnels, que le président du conseil d'administration du SDIS de Meurthe-et-Moselle était compétent pour rejeter la demande présentée par M. B...tendant à obtenir le retrait de la décision d'acceptation de sa démission, sans avoir à justifier d'une délégation de compétence de la part du conseil d'administration ; qu'en outre, la circonstance que la décision contestée du 15 juin 2015 n'ait pas pris la forme d'un arrêté est sans influence sur sa légalité dès lors que son signataire était compétent ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que cette décision comporte les mentions de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, contrairement à ce que soutient M.B..., la circonstance que la lettre par laquelle il a présenté sa démission ne soit pas annexée à ladite décision n'est pas de nature à révéler une insuffisance de motivation ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 53 du décret n° 2013-412 du 17 mai 2013 relatif aux sapeurs-pompiers volontaires, codifié depuis à l'article R. 723-55 du code de la sécurité intérieure par le décret n° 2014-1253 du 27 octobre 2014 : " Le sapeur-pompier volontaire qui souhaite résilier son engagement adresse sa démission, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'autorité de gestion dont il relève. / La résiliation de l'engagement ne prend effet qu'à la date à laquelle la démission est acceptée expressément par l'autorité de gestion. / Si l'autorité de gestion ne s'est pas prononcée dans le délai d'un mois à compter de la réception de la démission, celle-ci est regardée comme acceptée " ;
6. Considérant, d'une part, que contrairement à ce que soutient le requérant, les dispositions précitées étaient en vigueur à la date à laquelle il a présenté sa démission le 29 août 2014 ; que, d'autre part, il ressort des messages téléphoniques textuels dits " SMS " produits à l'instance que M. B... a déposé, à cette dernière date, sa lettre de démission auprès du service ; que, dans ces conditions, en l'absence de toute contestation sur l'existence de cette lettre et la date de sa remise, la circonstance alléguée que le requérant n'ait pas adressé sa démission par courrier recommandé ne faisait pas obstacle à ce que ladite démission soit regardée comme implicitement acceptée faute de décision expresse en ce sens dans le délai d'un mois ; que, par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que le SDIS de Meurthe-et-Moselle aurait fait une inexacte application des dispositions de l'article R. 723-55 du code de la sécurité intérieure ;
7. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., dont les supérieurs hiérarchiques avaient appris qu'il participait avec sa compagne au tournage de films pour adultes, a reçu le 29 août 2014 de la part du chef du centre d'incendie et de secours de Badonviller un message téléphonique l'informant de ce qu'aucune délégation de pompiers en tenue ne pourrait participer à son mariage prévu le lendemain et lui indiquant que sa participation aux films précités constituait un déshonneur pour la profession, contraire à la charte de moralité des sapeurs-pompiers ; que, par un second message reçu le même jour, le chef de centre a également informé le requérant de ce qu'il pourrait s'entretenir en fin de journée avec le commandant, chef du groupement de Lunéville ; que, répondant immédiatement à ces messages, M. B...a indiqué qu'il entendait présenter sa démission le matin même du 29 août 2014, sans attendre de rencontrer le commandant ; que, dans sa lettre datée du 29 août 2014, M. B...se borne à présenter sa démission de ses fonctions de sapeur-pompier volontaire pour raisons personnelles, sans faire état d'aucune circonstance pouvant laisser supposer qu'il y aurait été contraint ; que si le requérant se prévaut du procès-verbal établi le même jour à 17 heures 30 selon lequel il a été invité à présenter sa démission en raison de faits tenant à son comportement et ayant eu un fort retentissement à Badonviller, il n'est pas pour autant établi que sa démission aurait été obtenue par une contrainte de nature à vicier son consentement ; qu'il ne démontre pas non plus qu'il aurait été menacé d'une action disciplinaire afin de le pousser à présenter sa démission ; qu'au demeurant, il ressort des pièces du dossier que le requérant a attendu près de sept mois avant de demander à l'administration de retirer la décision implicite portant acceptation de sa démission ; que le certificat médical du 12 décembre 2014 ne permet pas d'établir que, à la date à laquelle la démission a été présentée, l'état mental de M. B... faisait obstacle à ce qu'il en apprécie la portée ; que, dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que sa démission étant affectée d'un vice de consentement, le président du conseil d'administration du SDIS ne pouvait refuser de retirer la décision acceptant cette démission ;
8. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que M. B...ne démontre pas avoir subi, de la part de ses supérieurs hiérarchiques, une contrainte telle que son consentement en aurait été vicié lors de la présentation de sa démission ; que, par suite, s'il soutient avoir subi des pressions afin qu'il démissionne après que ses supérieurs hiérarchiques ont appris sa participation à des films pour adultes, alors même que cette activité ne portait aucune atteinte au service, les circonstances ainsi invoquées ne sont pas de nature à révéler que le président du conseil d'administration du SDIS aurait entaché la décision contestée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de prononcer la mesure d'instruction préconisée par M. B..., que celui-ci n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...le versement de la somme que le SDIS de Meurthe-et-Moselle demande sur le fondement des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du SDIS de Meurthe-et-Moselle présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B...et au service départemental d'incendie et de secours de Meurthe-et-Moselle.
2
N° 16NC02374